Petite leçon d’interview pour journalistes français
Qu’on me pardonne de m’en prendre, une fois de plus, aux journalistes français. Leur responsabilité est grande dans bien des domaines, car, à force de laisser dire n’importe quoi par les gens auxquels ils tendent leurs micros ou ouvrent leurs colonnes ou qu’ils interviewent, ils laissent se diffuser et devenir des vérités incontestables, puisque transmises par les médias, des âneries manifestes, dont ils auraient pu empêcher la diffusion, s’ils avaient mieux connu les sujets traités, donc si, en somme et tout simplement, ils avaient mieux fait leur métier, qui est de s’informer soi-même avant de prétendre informer les autres.
Un exemple ? On ne cesse d’entendre, depuis quelques jours, les présidents d’universités. J’en écoutais même un, venu de Limoges je crois et interrogé sur RMC, aux alentours de midi, ce jeudi 12 février 2009. J’ai même cru comprendre que la Conférence des Présidents d’Universités, la CPU, s’était fait entendre à propos des universités et des mouvements divers qui s’y déroulent (on ne s’y déroulent pas d’ailleurs, car je crois savoir qu’il ne s’y passe pas grand chose, en fait).
Sur ce thème devenu commun à tous ces intervenants, ce brave président limougeaud critiquait vivement la loi sur les universités, la fameuse LRU que Valérie Pecresse a fait passer, à la hussarde, durant l’été 2007. Le journaliste, comme tous ses confrères, s’est borné à enregistrer les propos de ce président qui visaient, très au-delà de la LRU, à demander le retrait pur et simple de tous les textes sur l’éducation, y compris ceux de Darcos sur la réforme du mode de formation des maîtres, dont la CPU avait pourtant accepté le principe et le calendrier (d’ailleurs déjà clairement absurde) que ces mêmes présidents contestent aujourd’hui, en volant au secours de la victoire.
Aurais-je été le journaliste en cause que j’aurais posé à ce brave président sept questions très précises que je formule brièvement :
1.Pourquoi les inconvénients de la loi LRU, si évidents en février 2009, ne sont-ils pas apparus aux présidents d’université dès l’été 2007 ?
2.Pourquoi les Présidents d’université, fin 2007 et début 2008, non seulement n’ont pas dénoncé les dangers de cette loi, qui leur apparaissent désormais si clairement, mais ont-ils, dans leur grande majorité, soutenu le ministre et sa LRU, en fermant leurs universités, voire en faisant même appel aux forces de l’ordre, contre toutes les traditions universitaires, dès les premiers mouvements de grève ou de blocage, conduits en particulier par les étudiants ?
3. Cette attitude, très nouvelle de leur part, si l’on considère les quarante dernières années, était certes totalement inédite, mais n’avait-elle pas des raisons précises ? Ne s’expliquait-elle pas, en particulier, par le fait que la ministre, non sans calcul et habileté, avait choisi de faire une LRU qui reprenait, pour l’essentiel, les revendications et les propositions de la Conférence des Présidents d’Universités elle-même. La LRU ne leur permettait-elle pas, en effet, à la fois d’accomplir les deux mandats consécutifs qu’ils voulaient et surtout de voir leurs pouvoirs considérablement augmentés, tant au sein des conseils que pour le recrutement des enseignants ?
4 Pourquoi laisser dire des âneries énormes comme celle-ci qu’on entend répéter partout, faute d’arguments plus solides : le but du décret en cause sur les services est d’augmenter les services des enseignants « mal évalués » qui, de ce fait, seraient de mauvais enseignants, alors que la seule question en cause dans l’évaluation est celle de la recherche, à laquelle les enseignants-chercheurs universitaires, comme leur nom l’indique, sont astreint, depuis la loi Edgar Faure (1968). Ils sont en effet censés consacrer la moitié de leur temps de travail à des recherches. Or, bon nombre d’entre eux, dans certaines disciplines surtou ou dans certains cycles courts, ne font aucune recherche, ce qui rend naturellement difficile l’évaluation, par quelque instance que ce soit, de travaux de ce genre qui n’existent pas.
5 Pourquoi sur la question de la formation des maîtres par « mastérisation » demandent -ils maintenant le report de changements et d’un calendrier dont ils ont, sottement et sans réflexion, accepté le principe, il y un an, à la demande de X. Darcos ?
6 Pourquoi les IUFM qui, en 1989, étaient présentés comme la panacée propre à guérir tous les maux de notre système éducatif sont-ils, moins de vingt ans après, une institution calamiteuse, dont il faut se débarasser au plus vite, au point que la CPU a accepté de mettre en oeuvre le système de formation dès 2010, en ne prenant même pas le temps minimum pour préparer, un peu sérieusement, cette « mastérisation » ! La Loi Jospin (1989), qui créait les IUFM, avait pour grand inspirateur Philippe Meirieu, gourou de la rue de Grenelle et pape des sciences de l’éducation, qui ont été la plus grande catastrophe qui ait jamais frappé notre école.
7 Pourquoi enfin a-t-on surtout entendu, depuis deux semaines, les enseignants de droit , alors qu’ils ont été, le plus souvent silencieux, dans leur grande majorité, dans tous les conflits précédents depuis quarante ans ? Ne serait-ce pas du fait que la majorité d’entre eux ne fait pas de recherche, tout simplement parce qu’en dehors de leurs enseignements statutaires (128 heures de cours par an, souvent sans grands changements de programmes !), beaucoup d’entre eux sont avocats, consultants, conseillers, experts, etc. ... à 1000 euros par jour minimum ?
Voulez-vous d’autres questions ? Il n’en manque pas !
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