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Woerthgate : la continuité dans le changement…

Avec Xavier Bertrand nommé trésorier de l’UMP, on se croit revenu à la campagne électorale de Valéry Giscard et au slogan : « la continuité dans le changement ». N’est pas, selon Le Canard enchaîné, ce même Xavier Bertrand qui se serait exclamé devant le bureau politique de l’UMP : « Nous sommes tous des Éric Woerth ! » ? Quant aux enquêtes, résultant des cinq procédures lancées, la même impression prévaut. Les enquêteurs « travaillent plus pour travailler plus », mais les mêmes interrogations subsistent. CQFD.

Nul ne peut exciper de ses propres turpitudes. Pourtant, c’est bien ce qu’a fait, semble-t-il, Patrice de Maistre en expliquant les retraits en numéraire faramineux destiné à maintenir « le train de vie extraordinairement élevé  » de Liliane Bettencourt. 400 000 euros auraient destinés à l’achat d’une bague. Soit. Comment acquérir un tel objet pour une telle somme sans enfreindre diverses réglementations ?

Il y a l’esprit et la pratique, et nous avons voulu en avoir le cœur net. Prétendre être Vincent Lagaf’ pour s’enquérir de la possibilité de régler en espèces un garde-temps de 170 000 euros conçu et réalisé pour la maison Chaumet (groupe LVMH-Bernard Arnault), auprès de son enseigne de la place Vendôme n’aurait pas été très judicieux. C’est donc en usurpant un pseudonyme et la qualité d’acquéreur potentiel dans un premier temps, et dans un second en signalant qu’il s’agissait en fait d’un « coup de sonde » journalistique qu’il a été procédé. Dans un premier temps, des mesures dilatoires ont été employées pour faire en sorte que la réponse ne soit pas donnée sur le champ (en fait, pour attirer le chaland et lui faire contempler l’objet), dans un second, il est apparu tout à fait avéré que le personnel de Chaumet est au fait de la réglementation en vigueur en France.

De la bouche même d’un interlocuteur de chez Chaumet, il m’a été précisé ce que les enquêteurs savent parfaitement : aucun règlement en espèces ne peut se faire au-delà d’un montant de 3 000 euros pour un ressortissant français (décret du 18 juin 2010, confirmant des dispositions antérieures), au-delà de 15 000 euros pour un client étranger pouvant justifier de sa nationalité. Patrice de Maistre pourrait parfaitement avancer que l’achat devait se faire à l’étranger. Le montant des sommes en devises pouvant circuler sous la forme de billets ou de chèques de voyage est plafonné dans la plupart des pays, mais je ne suis pas fiscaliste. J’en suis resté à l’obligation légale de déclaration à la douane française des sommes transportées d’un montant supérieur ou égal à 50 000 francs français (FRF), soit 7 600 euros (EUR), et même si ce plafond aurait été relevé, je doute fort qu’un tel achat aurait pu échapper à tout contrôle administratif. Le Royaume-Uni ne s’est-il pas inquiété récemment de la circulation des billets de 500 euros ? Sur l’incident (la consultation du personnel de Chaumet), on pourra consulter : « Woerthgate : par le petit bout de la lunette… ».

Ce qui semble sûr c’est que même en s’appelant Anne de Maistre, ex-épouse Bernard Arnault, même en indiquant que l’objet est destiné à Liliane Bettencourt, aucun établissement du groupe LVMH ne se serait autorisé à procéder à une telle transaction.

Il est particulièrement déplaisant de constater que la plupart des titres de presse ont reproduit et répercuté l’argument avancé par Patrice de Maistre sans, dans un premier temps du moins, s’interroger outre mesure. C’est là aussi un indicateur de la continuité dans le changement. Quant on voit comment les faits-diversiers décortiquent des affaires criminelles (affaires de sang en particulier), il semble qu’il se produise une inégalité de traitement. Quand Mediapart donne la parole à Corinne Lepage qui estime « non, Éric Woerth n’a pas été entendu par la justice ! », cette appréciation prête le flanc à divers commentaires. Le supposé « traitement de faveur » qui aurait été réservé à Éric Woerth ne m’effarouche pas. En revanche, tant la manière superficielle d’aborder la cession de l’hippodrome et du golf de Chantilly, domaine forestier, au profit d’intérêts privés, que celle avec laquelle la majorité de la presse rend compte des divers épisodes de ce feuilleton, laisse fort, à mes yeux, à désirer. L’opinion, s’il faut en croire les consultations d’Expression publique ou du Courrier Picard (une majorité de répondants souhaitent la démission d’Éric Woerth de son ministère à court ou très moyen terme), reste partagée, mais doute de la probité des principaux protagonistes. C’est cela la réelle portée du Woerthgate. Mais toute comparaison avec l’affaire du Watergate est par ailleurs abusive : relire la presse nord-américaine est à cet égard significatif. Très peu est finalement resté dans l’ombre. Alors que le traitement médiatique des diverses affaires évoque plutôt celle du Rainbow Warrior qui a fini par entraîner, bien tard, la démission de Charles Hernu, ministre de la Défense, voici un quart de siècle.

Dans le quotidien québécois Le Devoir, l’éditorialiste Serge Truffaut titrait : « L’affaire Bettencourt – L’embaumeur ». Pour lui, en bref, « la vérité est soumise au fait du prince » (Nicolas Sarközy). Dans ces affaires de retraits d’argent liquide, Jean-François Couvrat, ancien journaliste à La Tribune, peut estimer crûment sur son blogue-notes, Déchiffrages, « cela signifie que les sommes en liquide retirées par la comptable des Bettencourt ont fini, au sens propre du terme, dans des comptes occultes. Rien n’indique, en revanche, qu’il s’agisse de comptes occultes d’un parti politique. ». On ne peut s’empêcher de penser que, si la vérité n’était pas soumise « au fait du prince », la presse française serait en mesure de retrouver la trace de ces « comptes occultes ». Tel n’est pas le cas aujourd’hui, et ce ne sont pas les « fuites » des enquêtes reproduites à l’envi qui pourront y concourir.

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7 réactions à cet article    


  • jtombeur jtombeur 2 août 2010 11:16

    Au risque de doublonner avec d’autres commentaires sur Come4News, j’aimerai ici rappeler cela : dans ces affaires, les rédactions sont souvent amenées à se contenter d’effets de plume pour évoquer des faits de plomb.
    Cela étant, il y a quand même moyen de faire percevoir aux lectorats, de manière sensible et évidente, constante (incontestable par les parties, ou dont les parties conviennent), certains mécanismes.
    Citons (extraits de sa fiche sur Wikipedia) ces paragraphes du journaliste d’investigation Jean Montaldo :
    « « Messieurs les bandits de la finance, votre avidité et votre cupidité viennent de précipiter le monde dans la plus vaste destruction de valeurs de tous les temps. Embarqués dans la galère des “subprimes” et autres produits vénéneux, vous saviez vos trafics monstrueux condamnés à finir dans le décor ! Oui, vous le saviez, et je vais le prouver… en entrant dans le réseau inextricable de vos complots qui ont fini par pulvériser les économies des grandes puissances, au nez et à la barbe de magistrats, contrôleurs, auditeurs en tout genre qui ont tout vu, tout su et tout laissé faire, se rendant complices, de facto, du plus grand hold-up de l’histoire ! En France, comme ailleurs, vous vous êtes dévoyés dans des spéculations délirantes. Qu’il s’agisse de la Société générale, du groupe Caisses d’épargne – Banque populaire (avec Natixis), de BNP Paribas, de Dexia et autres Crédit agricole, les dossiers dépassent toute imagination, avec des pertes ahurissantes. Les dessous des « affaires » Jérôme Kerviel ou de l’escroc Bernard Madoff me révèlent que vous leur avez ouvert la boîte de Pandore. Chapeau, messieurs les banquiers ! Bandits de la finance, par appât du gain, en toute connaissance de cause, sans honte et sans vergogne, vous nous avez tous plumés. J’entends ici vous clouer un à un au pilori. »
    Denis Robert s’y est (ou plutôt, on lui a…) cassé les dents dans l’affaire Clearstream..
    Mais sans remonter à l’affaire de Broglie (Jean, ancien secrétaire d’État abattu devant le domicile de son conseiller fiscal), il y a moyen d’éclaircir certaines affaires. Et c’est salutaire au moment ou Marine Le Pen paraît un moindre mal face à un Sarközy. Elle a commencé à se rallier une « gauche » déçue, qui déborde largement celle des classes populaires, ou celle de la classe moyenne des commerçants et artisans ayant « réussi ». S’intéresser de nouveau à l’affaire des frères Chaumet (avec Albin Chalendon) ne serait pas superflu. Ce qu’il devient urgent aussi de démontrer c’est que le FN « roule » pour les mêmes, en dépit de certaines superficielles apparences. Ce qu’il convient au PS (voire à d’autres) de démontrer, c’est qu’il ne défend pas, en dépit d’autres apparences, les mêmes intérêts. Sinon, en cas de second tour en 2012 entre Marine Le Pen et Nicolas Sarközy, on en reprendra pour plus de cinq ans.


    • FRIDA FRIDA 2 août 2010 13:02

      Merci pour cet article très interessant.
      Effectivement, les journalistes sont prompts à reproduire ad nauseam les paroles des E. Woerth, P de Maistre etc, un moyen de nous faire admettre leur version par la répétition (comme la publicité).
      Comment ne pas rappeler la réglementation en vigueur concernant les moyens de paiement et l’utilisation de l’argent liquide ? Notamment pour une question de traçabilité et de lutte contre le blanchiment d’argent. Comment des organismes comme le tracfin ne sont pas alertés ???
      Bien sûr, il y a des têtes de délinquents. Entendre dire que « est-ce que j’ai une tête de .... » est incoryable, comme si les délinquants ont une tête particulière.
      Après tout, ce qui n’est pas interdit est autorisé, donc légal, nous a-t-on répété. Mais au-delà de ce qu’est légal, il y a surtout le politique, et réduire cette affaire (éminemment politique) à ce qui est légal ou non c’est faire des ministres des VRP des intérêts économiques, et nous le faire accepter.


      • BA 2 août 2010 14:12

        Affaire Woerth : Jean Bassères (IGF) avait été nommé par Eric Woerth.

         

        Cela a été dit à plusieurs reprises. Le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur l’affaire Bettencourt-Woerth peut être considéré comme sujet à caution sur plusieurs points.

        Pour le gouvernement et la majorité, l’enquête réalisée par l’IGF a blanchi Eric Woerth. L’opposition, au contraire, a souligné que l’IGF, et donc son patron, était directement placée sous la tutelle de Bercy qui lui a d’ailleurs commandé ce rapport. Une proximité qui entacherait son indépendance. De fait, Eric Woerth et son cabinet entretiennent en effet une relation particulière avec l’IGF.

        Le successeur d’Eric Woerth au Budget, François Baroin, a chargé Jean Bassères, patron de l’IGF, de mener à bien ce rapport. Or, ce qui n’a pas été relevé jusqu’alors, c’est que ce dernier a été nommé à ce poste par Eric Woerth lui-même.

        Le décret de nomination du 24 janvier 2008 annonçant le nouveau chef de service est bel et bien contresigné par Eric Woerth, alors ministre du Budget.

        Par ailleurs, comme le soulignait un ancien chef de l’IGF interrogé par le Monde le 9 juillet dernier, le rapport n’a pas été commandé à l’IGF en tant qu’institution comme cela se pratique d’habitude, mais à son chef, Jean Bassères. « L’IGF n’a pas travaillé selon ses méthodes habituelles, collectives, contradictoires et inquisitoriales. Ce ne sera pas un rapport de l’IGF mais de son patron », expliquait-il.

        Bassères a donc dû enquêter sur l’homme qui l’a conduit à occuper ce poste prestigieux. Sur le ministre mais aussi sur son cabinet, dont le directeur, Sébastien Proto, a commencé sa carrière… à l’IGF. Ajoutons que le prédécesseur de Sébastien Proto, Jean-Luc Tavernier, lorsqu’il a quitté le cabinet d’Eric Woerth a rejoint… l’IGF.

        Enfin, la méthodologie utilisée pour rédiger ledit rapport est claire : « La mission a procédé à des investigations sur place et sur pièces et s’est attachée à corroborer les informations qui lui ont été communiquées ». Selon un bon connaisseur des procédures, les personnes ont été libres de témoigner ou pas et de livrer les pièces qu’ils voulaient bien fournir. Toutefois, le rapport stipule dès la première page que la mission « n’a pas rencontré d’obstacles dans le cadre du déroulement de ses investigations et a eu accès à des documents couverts par le secret fiscal ».

        http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20100730.OBS7868/info-obs-affaire-woerth-basseres-igf-avait-ete-nomme-par-woerth.html


        • FRIDA FRIDA 2 août 2010 14:30

          @Ba
          Merci pour le complément d’information.


        • jtombeur jtombeur 2 août 2010 15:51

          Ce qui m’effraie, c’est la fable à deux ronds que certains continuent à tenter de nous faire avaler.
          Liliane Bettencourt et L’Oréal auraient financé Banier, acheté une île en la surpayant dans un premier temps, par simple tocade ?
          Allons donc...
          Liliane Bettencourt n’avait pas besoin d’un Banier pour ses menus plaisirs (il s’était d’abord introduit chez André Bettencourt, à moins que ce ne fut le contraire).
          Voir :
          <a ref="http://www.come4news.com/woerthgate-enfin-une-enquete-aux-coudees-franches-298532" Woerthgate : enfin une enquête aux coudées franches ?>

          Liliane Bettencourt et Sir Lindsay sont des tycoons bien trop avisés.


          • jtombeur jtombeur 2 août 2010 16:03

            Vient de paraître aussi sur Come4News un entretien avec un entrepreneur victime de Sarközy, alors ministre de l’Intérieur... Sombre magouille de marchés publics :
            http://www.come4news.com/exclusivite-entretien-avec-jean-galli-douani-clearstream-eads-le-syndrome-du-sarkozysme-577526


            • pastori 2 août 2010 21:58

              allons, cette affaire est close, l’actualité d’aujourd’hui, c’est les roms et la nationalité.

              tous ces sujets ne dure que ce que dure les roses.

              demain sera un autre jour.

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