Yves Michaud viré de France Culture : « J’ai été doublement cocu de Polanski »
A vrai dire, la disparition d’Yves Michaud des antennes de France Culture serait passée complètement inaperçue si Philippe Meyer lui-même ne m’avait donné l’idée d’en savoir davantage.
C’est une sale histoire. Et Dieu (ou Philippe Meyer) sait que je ne voulais pas en arriver là. En arriver où ? Philippe Meyer estimera sans doute que je suis en train de régler des comptes. Ce qui est faux. J’ai la plus grande estime pour cet écrivain et homme de radio que j’écoute depuis fort longtemps. J’ai même publié, sur Agoravox, un article sur un recueil de chroniques d’Alexandre Vialatte qu’il avait préfacé à sa façon éclairée, malicieuse et cultivée. Meyer est en outre apprécié des lecteurs d’Agoravox. Plusieurs articles parlent de lui sans agressivité.
Jusqu’à ce qu’un certain commentaire ne vienne troubler cette paix...
Pour effectuer cette interview, j’ai suivi le chemin habituel dans ces cas-là : contact avec l’éditeur qui me renvoie sur l’attachée de presse de Philippe Meyer. Je lui précise que je suis aussi auteur d’un ouvrage sur un chroniqueur du pavé parisien, ami de Robert Doisneau et de Prévert. L’attachée de presse me demande dans quel support cet article paraîtra. Je réponds Agoravox.
Funeste erreur que je paierai cher. Mais pour l’heure je vivais d’espoir. Son assistant me contacte, me confirme un rendez-vous pour le vendredi 30 octobre dans l’après-midi. Entre temps j’ai reçu le livre que j’ai dévoré, pris des notes, préparé l’interview. Je patiente, confiant. Le jour approche. J’ai l’assistant de Philippe Meyer plusieurs fois au téléphone. Le jour dit le lieu et les modalités de l’interview ne sont toujours pas fixés. Au bout d’un moment je trouve cela plutôt incorrect. Je rappelle l’assistant. Celui-ci me passe Philippe Meyer qui, furieux, m’annonce qu’il annule le rendez-vous, arguant qu’Agoravox avait publié à propos de l’Esprit Public « une prétendue information fausse » (c’est ce qu’il m’écrira deux jours plus tard).
N’étant pas l’auteur de cette « prétendue information fausse », je ne suis pas en cause, mais Philippe Meyer ne répondra pas à mes questions. C’est sans appel. Définitif. Je suis complice, en quelque sorte. Je lui rétorque que si l’information (il ne me dira jamais de quelle information il s’agit) est fausse, il est facile de demander sa suppression. Il se trouve, vérification faite, qu’il ne s’agit pas d’un article, mais d’un simple commentaire signé Docdory, figurant sous l’article :
L’article revient en détail sur la joute qui avait opposé le 9 octobre, lors de l’émission animée par Nicolas Demorand sur France Inter, les philosophes Alain Finkielkraut et Yves Michaud au sujet de l’affaire Polanski.
Docdory avançait dans son commentaire, sans véritable preuve que, « suite à ce débat avec Finkielkraut , Yves Michaud qui participait régulièrement à une émission radiophonique de Philippe Meyer a été " remercié " par ce dernier ... Information à confirmer ! ». Suite à cette allégation, le fil de commentaire réagit mollement.
JL répond : « Si c’est vrai c’est extrêmement grave. J’ai entendu ce débat. Michaud a gagné par KO. Finkielkraut s’est ridiculisé, une fois de plus. J’écoute régulièrement l’émission de Meyer. Je pense que si Meyer a remercié Michaud, ou bien il a subit des pression, ou c’est par solidarité de chapelle : les deux sont également animateurs sur France Q. Dans un cas, Michaud a été remercié pour ses prises de position sur l’affaire Polanski, dans le second parce qu’il a ridiculisé un confrère : on ne tire pas sur une ambulance, surtout quand elle fait partie de son camp ».
Ce à quoi Docdory répond : « Je le sais car un de mes proches connaît un peu Yves Michaud et a reçu un mail de lui à ce sujet . Ceci est confirmé par le fait qu’il n’était pas à l’émission de Philippe Meyer à laquelle il aurait du participer ce dimanche. Une interrogation de Google me signale qu’un autre internaute à eu vent de la chose car Yves Michaud l’aurait annoncé à Dijon ».
Et si les assertions de Docdory étaient vraies ? Après tout, il est facile de vérifier. Je contacte donc Yves Michaud. Ce que ce dernier me révèle dans l’interview qui figure ci-dessous dépasse largement l’imaginable.
Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse...
Olivier Bailly : Pourquoi selon vous Philippe Meyer vous a-t-il congédié du jour au lendemain le 7 octobre. Que s’est-il passé ?
Yves Michaud : Je n’en sais rien, je n’ai pas de raison. C’est un mail qui m’a dit de rester chez moi. Sans explication, sans rien.
OB : Depuis combien de temps travailliez-vous dans l’émission l’Esprit Public ?
OB : Avez-vous des conctacts avec lui depuis ce mail ?
YM : Non, aucun.
OB : Vous avez reçu des excuses du directeur de France Culture, c’est assez paradoxal
YM : Oh, eh bien parce que la méthode était cavalière, je suppose. C’est tout. Cela dit c’est quand même Meyer qui est responsable de son émission. Moi, que ça soit bien clair, c’est sur la manière que je suis le plus mécontent. Je considère que Meyer est le responsable de son émission. Il prend qui il veut, et il change avec qui il veut, que ça soit bien clair. J’ai toujours considéré que j’étais un membre temporaire, même si je me suis aperçu à cette occasion-là que ça faisait six ans. Donc c’est lui le responsable, c’est lui le créateur de la formule. Il fait strictement ce qu’il veut. J’aurais apprécié que ça se passe dans des conditions légèrement différentes et pas être congédié comme un domestique.
OB : Si on essaye de comprendre un peu plus précisément les raisons, il semble que c’est l’enregistrement de l’émission du 4 octobre qui a déclenché cette affaire ?
YM : J’ai deux conjectures. Je l’ai vu vraiment irrité le 4 octobre. J’avais d’ailleurs développé les mêmes idées qu’avec Finkielkraut sans aucun problème, celles que développe par exemple Olivier Mongin dans le numéro d’Esprit de cette semaine. J’ai vu que Meyer était très irrité par ça et j’ai souligné que nous n’étions pas d’accord, que je n’étais pas d’accord avec lui pendant l’émission. L’autre explication, plus machiavélienne, serait qu’il voulait rééquilibrer son émission parce que Gallo représente la droite, Bourlanges le centre et Olivennes la gauche donc je n’avais plus ma place. C’est possible, aussi, ça. Mais j’aurais apprécié qu’il me le dise.
OB : C’est l’affaire Polanski qui a donc déclenché tout ça
YM : Oui, je pense que c’est l’affaire Polanski. Cette affaire en elle-même est extrêmement intéressante. Je me réserve d’y revenir un de ces quatre matins sous forme plus argumentée. Elle a quand même rendue manifeste une polarisation très forte dans la société française entre, disons, la France d’en haut et la France d’en bas. La France d’en haut, c’est-à-dire les élites parisiennes médiatiques, et puis le commun des mortels, dont je suis d’ailleurs, puisqu’on voyait partout que les sondages donnaient 60 à 70% de gens qui trouvaient les poursuites légitimes, mais exactement comme pour Chirac ou pour le fils de Sarkozy. Effectivement aujourd’hui il y a un vrai clivage entre la France d’en haut, parisienne, médiatique, arrogante, et la France d’en bas. Ce qui m’amuse le plus, de ce point de vue-là, c’est que d’habitude c’est la France d’en bas qui détestait la France d’en haut. Aujourd’hui c’est plutôt l’inverse. Il y a une sorte de haine envers le peuple très étonnante qui d’ailleurs se traduit aussi chez certains penseurs !
OB : Vous disiez tout à l’heure que Philippe Meyer était irrité lors de l’enregistrement de l’émission du 4 octobre. Vous vous souvenez pour quelles raisons ?
YM : Je revenais au fait. Ce que j’ai dit plus tard avec Finkielkraut. Il se trouve que c’est un dossier que je connais, que les abus sexuels ce n’est pas rien, que de toute manière il y avait eu viol, sodomie, il y avait eu un arrangement avec la justice américaine puisque ça fait partie du fonctionnement normal avec la justice américaine et que Polanski était quand même un fugitif. Point à la ligne.
OB : Lors de cette émission, Max Gallo et Jean-Louis Bourlanges sont sur votre longueur d’onde. Dans ce cas, on ne comprend pas bien les raisons qu’aurait eu Philippe Meyer de se séparer de vous
YM : Ils enveloppent toujours plus leurs propos. Moi j’avais la réputation d’être extrêmement direct et même un peu mal léché. Même quand c’est la même chose c’est plus enveloppé, tandis que moi c’est plus direct. Encore une fois, quand vous êtes viré du jour au lendemain au bout de six ans, et juste avant la fête du 10ème anniversaire (le 3 décembre), vous vous posez des questions, c’est tout, comme n’importe quel employé pourrait se poser des questions.
OB : Les auditeurs aussi se demandent pourquoi Yves Michaud n’apparaît plus dans l’Esprit Public !
YM : Philippe Meyer a écrit dans le temps un livre très bien qui s’appelle Le communisme est-il soluble dans l’alcool ? Il connaît très bien le fonctionnement soviétique, mais il le pratique aussi !
OB : Après l’émission du 4 octobre, vous êtes invité la semaine qui suit, le 9 octobre, sur France Inter, avec Alain Finkielkraut, pour parler de votre livre, Qu’est-ce que le mérite ? (éditions François Bourin).
YM : J’étais invité de 9 heures moins vingt à 9heures pour parler de mon livre.
OB : Mais pourquoi l’affaire Polanski revient-elle alors sur le tapis ?
YM : Ce n’est pas du tout de ma faute. Je suis hors du studio, j’attends mon tour, comme chez le coiffeur, et brusquement Finkielkraut se livre à une sortie invraisemblable en faveur de Polanski, dénonçant le lynchage par Internet et le peuple de ce grand artiste Polanski. C’est assez marrant ce qui se passe. J’attendais donc de passer et les gens autour de Demorand me demandent « vous entendez ce qu’il dit ? ». Je réponds que j’entends vaguement mais, qu’est-ce que vous voulez, je m’en fiche un peu. Et puis comme l’avant veille je m’étais fait virer, Polanski je commençais à en avoir marre.
OB : Vous avez été, selon votre propre expression, « doublement cocu de Polanski »
YM : Exactement. Et puis alors en plus, au moment de partir, je dis à Demorand « dites donc, vous étiez bien content de m’avoir, mais vous m’avez baisé parce qu’on n’a pas parlé de mon livre » et je lui ai dit « il faudra me réinviter ». Mais je n’ai rien vu venir, depuis. J’ai eu l’impression qu’il ne fallait pas trop toucher à Finkielkraut.
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