410 euros mensuels pour vivre c’est encore trop pour YVES FROMION
COMMENT LA DROITE NOUS A FOUTU DANS LA MERDE !
Depuis 2002, la politique de la droite a été inspirée par une vision idéologique de la pauvreté, selon laquelle le fait de sortir du chômage ne serait qu’une question de volonté. La fainéantise n’explique cependant pas que le nombre de chômeurs ait augmenté d’un million depuis 2008.
S’il existe des chômeurs de mauvaise volonté, cet obstacle au retour à l’emploi arrive cependant loin derrière l’absence de qualification (60 % des bénéficiaires de minima sociaux n’ont pas le niveau du CAP), le manque de solution de garde d’enfant pour les parents isolés ou encore l’absence de moyen de transport. Par idéologie, la droite s’est donc laissée obnubiler par un problème secondaire.
La principale réforme du gouvernement, la création du Revenu de Solidarité Active (RSA), était de faire en sorte que le retour au travail soit toujours financièrement plus intéressant que l’inactivité. Un objectif légitime mais basé sur l’idée que la seule incitation financière allait permettre aux personnes sans travail d’en retrouver un. En outre, la généralisation du RSA a été décidée après un simulacre d’expérimentation. Une véritable expérimentation aurait pourtant permis d’observer que le dispositif était trop complexe pour être attractif pour les personnes concernées. A peine 400.000 personnes touchent aujourd’hui le “RSA activité”, loin des 2 millions de personnes attendues.
L’idée de contraindre les bénéficiaires de minima sociaux à travailler, comme si l’inactivité résultait d’un choix, a été aussi avancée par le gouvernement de manière récurrente.
Les trois leviers essentiels de la lutte contre la pauvreté ont été délaissés. Le gouvernement n’a tout d’abord pas conduit de politique pour lutter contre l’emballement des prix du logement, principal facteur d’appauvrissement des Français. Les prix à l’achat ont plus que doublé depuis 2000 et les loyers des ménages modestes ont augmenté de 50 %. Cette évolution alimente le déclassement des classes moyennes, évincées des centres-villes, ainsi que l’exclusion des ménages les plus en difficulté (+40 % d’expulsions locatives depuis 2002).
Le gouvernement a alimenté la construction de logements chers par des dispositifs d’aide à l’investissement locatif sans contrepartie sociale (Robien puis Scellier) et par des mesures d’aide à l’accession à la propriété sans condition de ressources (crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt voulu par Sarkozy en 2007, remplacé par le “prêt à taux zéro +” depuis 2011). Revendiquée par le gouvernement, l’augmentation du nombre de logements sociaux est en trompe-l’œil : il s’agit surtout de logements faiblement inférieurs aux loyers du marché, tandis que le nombre de logements réellement accessibles aux personnes en difficulté demeure très faible.
La loi sur le “droit au logement opposable” (DALO), dernière réforme importante décidée par Jacques Chirac, a montré son inefficacité en l’absence de politique volontariste de construction de logements abordables. L’Etat ne peut garantir des logements aux plus défavorisés s’il n’y a pas assez de logements construits.
Le gouvernement a aggravé la situation en ce qui concerne les sorties du système scolaire sans diplôme. Dans le marché du travail actuel, cette dernière équivaut à une condamnation au chômage tout au long de la vie : le taux de chômage des personnes sans diplôme atteint 40 %.
Le nombre de jeunes sortant sans diplôme du système scolaire reste à un niveau très élevé de 130.000 par an, soit presque un cinquième de la classe d’âge. Mais depuis 2007, les réductions d’effectifs dans l’éducation, l’assouplissement de la carte scolaire qui a accentué la ghettoïsation, et la suppression de la formation pratique des enseignants ont considérablement affaibli le système scolaire.
En outre, alors que toutes les études s’accordent à reconnaître l’importance d’une prise en charge précoce de la petite enfance pour lutter contre les inégalités à la racine, la scolarisation en maternelle à l’âge de 2 ans a connu un recul sans précédent, en passant de 35 % d’une classe d’âge à 15 % depuis dix ans.
Le gouvernement a enfin laissé s’appauvrir les politiques d’insertion destinées aux plus défavorisés. Un accompagnement renforcé des personnes en difficulté permettait d’améliorer de manière significative le retour à l’emploi. Nicolas Sarkozy a au contraire pris des décisions qui ont dégradé l’efficacité de l’appareil d’insertion des personnes en difficulté.
Les départements, auxquels le RMI a été décentralisé en 2003, font face aujourd’hui à un écart annuel de 1,7 milliard d’euros entre la dépense qu’ils doivent supporter au titre du RSA et les ressources apportées par l’Etat pour compenser la décentralisation. Leur budget étant très contraint, ils ne peuvent le boucler qu’avec une diminution de leurs dépenses en faveur de l’insertion des bénéficiaires.
La loi créant le RSA a en outre voulu faire de Pôle emploi le principal acteur de l’insertion des bénéficiaires de minima sociaux. Mais elle ne lui a pas donné les moyens nécessaires alors que les conditions de la fusion entre ANPE et ASSEDIC ont désorganisé la nouvelle entité.
Le budget annuel des politiques de l’emploi a enfin baissé de 6,5 milliards d’euros entre 2002 et 2011. Cette baisse s’est faite principalement au détriment des dispositifs destinés aux personnes en difficulté, tels que les contrats aidés.
(inspiré d'un article récent du Nouvel Obs...)
QUELQUES CHIFFRES :
- RSA pour un célibataire sans revenu, sans enfant après déduction de l’aide au logement : 410 euros (brut 466, 99 euros, APL : 56,99 euros)
- RSA pour une femme enceinte sans revenu après déduction de l’aide au logement : 544 euros
- RSA pour un célibataire sans enfant ayant un travail à mi temps (salaire 590 euros) : 185,80 euros
- RSA pour un célibataire et 1 enfant recevant le SMIC (1096,94 euros) : 181,58 euros
- RSA pour une femme salarié avec 4 enfants scolarisés (salaire : 1355 euros) recevant l’APL et les allocations familiales : 172 euros…
Le seuil de pauvreté 2012 correspond à 650 euros (50 % du niveau de vie médian)
(Chiffres Eurostat 2012)
PETIT COMPLEMENT POUR REFLECHIR LOIN DES DOGMES…
Galbraith recommandait quelques méthodes « pour garder bonne conscience ». L’une d’entre elles consiste à considérer que le traitement de la pauvreté dépend de l’Etat.
Or l’Etat est par nature incompétent et inefficace. « Puisqu’il est à la fois incompétent et inefficace, on ne saurait lui demander de se porter au secours des pauvres : il ne ferait que mettre davantage de pagaille et aggraverait encore leur sort. » Une autre méthode consiste à « affirmer que les aides publiques ont un effet négatif sur l’incitation à travailler. Elles opèrent un transfert de revenus des actifs vers les oisifs et autres bons à rien et, de ce fait, découragent les efforts de ces actifs et encouragent le désoeuvrement des paresseux. » Au paragraphe « Les délices de l’oisiveté » de sa contribution, Laurent Cordonnier inverse la proposition dite de « la trappe à chômage » (ou le fait qu’un niveau trop élevé des allocations incite à ne pas reprendre un travail) : « Tout le problème est que cet appel au bon sens est asymétrique. La véritable curiosité consisterait en effet à se demander comment il se fait qu’en France, par exemple, 25% des salariés (insistons : un quart de la population salariée !) aient « fait le choix » de travailler pour un revenu mensuel moyen inférieur à 1,14 fois le SMIC… alors qu’ils n’auraient pratiquement rien à perdre à se mettre en roue libre pour toucher le jackpot de l’assistance ? » Sans doute, l’argument est un peu court puisqu’il ne prend en compte ni la toute relativité, financière et temporelle, du « jackpot », ni surtout les dimensions autres que simplement économique du rapport au travail, c’est-à-dire « sociale » – le travail comme moyen d’appartenance et de reconnaissance – et « symbolique » – le travail comme moyen de s’accomplir personnellement -.
Toutefois, si un niveau considéré comme trop élevé des allocations est un facteur de désincitation pour certains, l’inverse est probablement vrai et un niveau de salaire considéré comme trop bas devrait en toute logique inciter à l’inactivité et, dans ce cas, les effets s’annuleraient peu ou prou. Par ailleurs, face à l’accusation récurrente d’assistanat, comme le souligne Najat Vallaud Belkacem dans une tribune du Monde daté du 28 octobre, d’une part, « Contrairement à une légende entretenue par la droite, les minima sociaux en France ne sont pas généreux » car ils atteignent 60% du salaire médian en Europe et jusqu’à 75% dans les pays les plus solidaires comme l’Allemagne, d’autre part et alors qu’on annonce une hausse de la TVA – impôt indirect qui touche davantage les pauvres en proportion – « les vrais assistés sont en réalité les plus riches, bénéficiaires ces dernières années de plus de 20 milliards d’euros de cadeaux fiscaux pendant qu’on démantelait l’école publique, les hôpitaux ou les retraites. »
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