Affaire Soumaré : une campagne de caniveau ?
La polémique ne fait que commencer. Coupable Ali Soumaré , tête de liste PS du Val d’Oise, l’était déjà de façon certaine à de multiples niveaux : jeune, noir, ancien porte-parole des familles de Villiers-le-Bel. En grande difficulté, les élus UMP ont froidement décidé d’aller plus loin en dénonçant son passé judiciaire présumé. Une première. Ce faisant, l’UMP ouvre la boîte de Pandore. Si la situation judiciaire de M. Soumaré n’est à cette heure pas encore éclaircie, ce n’est pas le cas pour de nombreux hommes politique franciliens de droite et de gauche dont la condamnation est de notoriété publique.
La discrimination se résume par un constat simple : à situation équivalente, traitement différent. Elle est donc totalement établie en ce qui concerne Ali Soumaré devenu contre son gré le talon d’Achille de la liste socialiste du Val d’Oise et au-delà d’Ile-de-France.
Dans le rôle du procureur, Francis Delattre . Le maire UMP de Franconville avait ouvert le bal en déclarant à propos du candidat socialiste : “Au début, j’ai cru que c’était un joueur de l’équipe réserve du PSG. Mais en réalité, il est premier secrétaire de la section de Villiers-le-Bel. Ca change tout !”
Vendredi, changement de registre. Francis Delattre évoquait un “délinquant multirécidiviste chevronné”, et réclamait son retrait de la liste PS. Loin d’être un dérapage isolé, les propos ont été repris sans pincettes par Axel Poniatowski , la tête de liste de l’UMP dans le Val d’Oise. “Pour l’UMP du Val-d’Oise, quand on a 29 ans, qu’on est noir et tête de liste socialiste, (…) on est au choix délinquant ou joueur de foot” a rétorqué dimanche soir sur I-TV Benoît Hamon le porte-parole du PS.
Si à l’UMP tout le monde ne partage pas ces méthodes de caniveau, personne ne s’avance pour les dénoncer publiquement. Passée une certaine période de prudence, Valérie Pécresse , chef de file aux régionales, semble au contraire s’engouffrer à la suite de ses colistiers. Hier soir dimanche, lors d’un débat sur France 3 elle a ouvert une porte dans la poursuite de la polémique en déclarant : “Je crois qu’il faut qu’on sache la vérité“.
La vérité oui mais pour tout le monde alors. Pourquoi l’UMP vise-t-elle Ali Soumaré et un casier présumé alors que Jean-Paul Huchon est lui sous le coup d’une condamnation définitive ? Il faut dire que l’IDF c’est une peu une réserve zoologique d’élus condamnés dans laquelle PS et UMP se tiennent par la barbichette à l’image du scandale passé des lycées d’Ile-de-France .
Dans le cas d’Ali Soumaré, la riposte s’organise sous la houlette de François Pupponi , le maire (PS) de Sarcelles (Val-d’Oise) et de Jean-Pierre Mignard l’incontournable avocat du parti socialiste. L’ancien président de Désirs d’Avenir devrait engager pour son client une procédure en diffamation pour des propos considérés comme portant gravement atteinte à son honneur.
D’ores et déjà, il semblerait que “des messages” aient été passés : attention au grand déballage, tout le monde aurait à y perdre. Un jus de caniveau qui alimente le “tous pourris”, vieille rengaine à succès du Front national mais qui pourrait également donné un coup de pouce aux écologistes emmenés par Cécile Duflot.
Si les deux principales formations politiques ont tout à perdre en venant sur un terrain aussi miné, peut-être faut-il chercher l’explication ailleurs. C’est la thèse qu’avance l’équipe de campagne de Jean-Paul Huchon, qui fait le lien avec le dépôt de plainte pour faux témoignage d’Ali Soumaré comme porte-parole des familles de Villiers-le-Bel contre les policiers mis en cause dans la mort de deux adolescents. En pointillés, des policiers sont suspectés par les socialistes d’avoir transmis des informations aux élus UMP.
“La morale cherche son camp ” résume à sa façon la Voix du Nord. Si le quotidien a raison de rappeler que “la suspicion est toujours plus cruelle que la vérité” et que “le PS ne peut qu’éclaircir au plus vite la situation, afin d’aider l’électeur dans son choix” on peut en revanche ne pas partager son avis quand le journaliste écrit qu’ “une peine purgée ne doit toutefois pas faire obstacle dans le parcours d’une personne“.
Pas du moins pour les affaires publiques. Le retour de la morale en politique, le curage des écuries d’Augias nécessiterait une automaticité de l’inéligibilité, au moins sur une période dissuasive, pour des candidats condamnés à de nombreuses peines. La tendance est loin d’être celle-là .
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