Arnaud Montebourg à l’EMLyon : Démondialisation, Transformation écologique et alliance des créateurs pour une nouvelle France
30 minutes en bus depuis le centre pour rejoindre l’école de management de Lyon, l’EM-Lyon. J’y retrouvais Arnaud Montebourg invité hier par l’association Forum qui aime à inviter des « têtes d’affiches » pour discuter de l’actualité politique et des projets politiques pour la France. Derrière le pupitre, le speaker en titre introduit sa présentation liminaire – et bien trop scolaire – du candidat à la Primaire en partance pour la Présidence. Et c’est parti.
L’actualité s’impose et les contradicteurs proposent le cas DSK. Interrogé sur son sentiment à la vue de l’ancien directeur du FMI menotté, Arnaud Montebourg restera dans le giron politique. A l’homme d’idées libérales il s’est toujours opposé. L’homme dans l’intimité il ne l’a pas connu. Se souciant du traitement médiatique réservé à la présumée victime la ramenant à chaque fois à sa condition sociale et ethnique, il prend de la hauteur. Le système judiciaire américain, qui donne la priorité à l’accusation, qui fait du juge un acteur élu au suffrage universel et enclin au populisme pour conserver sa fonction ; un système qui surtout ne donne la possibilité qu’aux riches de pouvoir mener l’enquête dispendieuse pour administrer la preuve de leur innocence est un système inéquitable, injuste parce que défavorable à la majorité qui n’a pas les moyens financiers de leurs droits de citoyen. Un système qu’il ne souhaite pas voir importé en France comme Nicolas Sarkozy tente de le faire.
Les conséquences sur les Primaires et la multiplication des candidatures promises ? Montebourg n’y croit pas, ne reste pas sur les personnes et revient aux idées. Il ne faut pas craindre les candidatures, mais elles ne pourront pas être « narcissiques ». Elles seront l’expression de conceptions politiques proposées aux Français, des visions claires et différentes les unes des autres et dont les tenants se rassembleront autour de pôle de convergences. Ses idées, sa vision, son projet pour la France, il en sera question le reste de l’échange. En substance, revue liminaire de priorités.
Des idées et des rêves. J’entends gloser ici et là, d’un troquet à un autre, la naïveté du rêve en politique, « l’erreur de communication » au moins, me dira un étudiant à la sortie, le besoin du sérieux et de la responsabilité de la gestion pragmatique. Un autre étudiant l’interpelle. Les engagements de Mitterrand, la gueule de bois à partir de 83 et l’aigreur de la rigueur. Bien sûr qu’il faut rêver, avoir de l’ambition, une ambition politique. Il faut que les citoyens croient en la politique, il leur faut réinvestir leur part de responsabilité et d’engagement « parce que s’ils ne s’occupent pas de politique, c’est la politique qui va s’occuper d’eux, comme elle le fait depuis 20 ans et comme elle continue aujourd’hui. » Les étudiants, les jeunes sont au premier rang pour l’avenir comme ceux présents ce soir. Comme ceux qui entourent le candidat. La moyenne d’âge de ses collaborateurs, 35 ans. Et s’ils y sont partant – eux et leurs parents, « OUI ! » le candidat y est prêt. Lui de rappeler qu’il a déjà commencé, en Saône et Loire, à engager des réformes difficiles mais nécessaires, qu’il a associé les citoyens à ces décisions et surtout, qu’il fut soutenu et réélu. Applaudissements, fournis.
Redonner à la politique sa force donc. Ne pas laisser l’économique préempter le choix citoyen c’est un appel. Une cible : la Mondialisation. Un cheval de bataille, un projet : la Démondialisation. Et puis un étudiant intervient : « Taxe aux frontières, protectionnisme, ce ne sont pas les outils d’hier ? ». Quelques étudiants, hésitants, applaudissent. Arnaud Montebourg de répondre. La mondialisation est un système extrémiste. C’est la mise en concurrence des travailleurs qui ont acquis des droits sociaux, des conditions salariales exigeantes et légitimes face à d’autres qui continuent à être exploités. Ce constat est clair pour les salariés, il l’est aussi pour les cadres. Les peuples souverains et les Etats sont prisonniers du chantage à la délocalisation et à la fuite des capitaux. Conséquences : pression sur les salaires, délocalisations, désindustrialisation, perte d’emplois et de la création de richesse permettant les mécanismes de solidarité et les capacités d’investissement.
Le protectionnisme serait une politique d’arrière garde ? Piquant, Arnaud Montebourg relève que les économies les plus prospères comme les Etats-Unis et la Chine sont les premières à se protéger. Depuis 20 ans, l’Union Européenne laisse libre la concurrence à l’extérieur comme entre les Etats européen, dit-il. Et les Etats, la France ont laissé faire, ils ont voté les séries de directives, que ce soit sous les gouvernements de droite comme ceux du socialisme d’accompagnement. Et ça, Arnaud Montebourg, dit-il, a toujours voté contre. « Cette Europe, il faut la bazarder. Il faut avoir une explication vigoureuse avec l’Allemagne qui n’est pas coopérative. Il faut dire à l’électeur du Front National que l’Europe et l’Euro sont des outils puissants si nous le souhaitons. La France a besoin de quelqu’un d’aussi décidé que Madame Thatcher en son temps, et si j’en ai pas le physique, je vous assure, j’en ai le caractère. »
En allant à l’EM-Lyon, il est clair que j’avais des préjugés. L’EM, un institut de formation de professionnels qui travaillent à l’international, dans le marketing international, l’import-export, la finance de marché. Deux heures n’auront pas suffit à casser mes représentations. Et à lire les plaquettes de formation, elles sont confirmées. Bien sûr, Arnaud Montebourg n’aura pas convaincu tout le monde, eux qui ont rêvé l’international, eux à qui ont l’a promis.
Pour eux et pour l’instant la mondialisation est heureuse. Mais pour la plus part d’entre nous, les classes moyennes et populaires, elle ne l’est pas. Et en évoquant les salariés de la Finance même, travaillant quelques années au service de la rentabilité des capitaux d’un fond de pension, puis évincés parce que n’assurant plus les taux de rendement exigés ; en évoquant les entreprise placées dans une compétition extrême et qui n’arrive plus à vivre et faire vivre de leur activité, Arnaud Montebourg appelle au Sens de l’action individuelle dans un projet collectif. Il appelle à la constitution d’une alliance de créateurs (entrepreneurs, chercheurs, producteurs, inventeurs) contre les spéculateurs. Il appelle à la transformation d’un système qui casse les individus, les appauvrit, qui ôte leur liberté. Non « pas pour l’annihiler, mais pour le modérer, sérieusement. » Tout est une décision politique et « ce qui a été fait peut être défait. Il est temps de construire ensemble un autre compromis."
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