Carla Castafiore
La toute nouvelle première dame de France s’essaie à la réflexion dans sa première interview « in situ » recueillie pour L’Express par Christophe Barbier. Moins feutrées que ses chansonnettes, les réponses de Mme Sarkozy n’évitent pas le grand n’importe quoi.
Christophe Barbier n’y va pas par quatre chemins : pour justifier la couverture très Voici de son hebdomadaire cette semaine, il ose évoquer « l’entrée en politique » de Carla Bruni ! Carrément : « L’Express a sollicité une interview, qu’elle a bien voulu nous accorder. Elle est aujourd’hui un personnage politique. Car c’est bien en politique que la nouvelle première dame de France, professionnelle, curieuse et résolue, effectue ici son entrée. » Professionnelle, curieuse et résolue, Barbier n’a manifestement pas été insensible aux doux atours de l’ex-mannequin devenue chanteuse pour bobos. Mais, foin de mauvais esprit, laissons-nous porter par la douce houle de l’entrée en politique de la première dame, bien plus élancée que ses devancières. « C’est comme un autre monde, dans lequel je suis entrée avec tranquillité, mais aussi avec inconscience. » (...) « C’est un monde où les choses se répercutent énormément, où les mots ont plus de poids, un monde où l’on s’occupe de choses essentielles : celles qui changent la vie des gens, leurs droits, leurs chances, leur liberté. C’est un monde de questions fondamentales pour l’existence même, alors que l’art et la mode le sont pour l’âme, le coeur, la douceur de vivre, le plaisir. » On dirait du Bruel. Du Bruel tendance Cali. « La politique suscite des pulsions primitives, alors que l’art et l’image déclenchent des pulsions plus subtiles, plus raffinées, plus civilisées. » Ces quelques phrases, anodines et creuses, tendraient néanmoins à prouver que la grande dame fortunée s’est fait un peu secouer par les effets collatéraux de sa romance sarkozienne. Elle a découvert, elle le dit en insistant « un autre monde », qui manifestement, la laisse songeuse.
Passons quelques réponses peu fondamentales, digressions sur son fils, Pétra, des épaules et des mains sur un visage, pour en venir à l’essentiel, c’est-à-dire à la plainte déposée par le petit mari de Carla contre Le Nouvel Observateur au sujet du prétendu SMS envoyé par le nouveau M. Bruni à l’ex-Mme Sarkozy lui demandant de revenir le jour du mariage express : « Si tu reviens, j’annule tout », aurait tapé Nicolas sur son clavier. Le Nouvel Observateur assure que ses sources sont « béton », Airy Routier s’affirmant très serein quant à la suite de la plainte. Barbier interroge miss Carla sur le bien fondé de ces poursuites pour « faux et usage de faux et recel ». Réponse de l’ex-mannequin, ex-chanteuse, future ex-Italienne : « La plainte justifiée de mon mari n’est pas contre un organe de presse, bien sûr, mais contre les "nouveaux moyens de désinformation". Internet peut être la pire et la meilleure des choses. A travers son site internet, Le Nouvel Observateur a fait son entrée dans la presse people. Si ce genre de sites avait existé pendant la guerre, qu’en aurait-il été des dénonciations de Juifs ? » Un peu hardcore, comme réponse, non ? D’abord, une information : Sarkozy s’en prendrait non pas à un journal, mais à tous les « nouveaux moyens de désinformation », ça promet. Ensuite, Carla retrouve à nouveau son profil « bruelien » avec cette phrase magique, digne d’un Guy Carlier en grande forme : « Internet peut-être la pire et la meilleure des choses ». On en pleurerait, si on avait des sentiments. Enfin, et c’est le pire, il y a cette conclusion carrément débile, tant elle est maigre de sens, et en même temps douteusement racoleuse, démagogique et stupide : « Si ce genre de sites avait existé pendant la guerre, etc. » Barbier, interviewer lové aux pieds (nus peut-être) de la comtesse élyséenne, ne relève même pas. Ni l’attaque contre les médias, ni cette référence grotesque et qui n’a rien à voir avec l’affaire évoquée. Même une première dame de France ne devrait pas avoir le droit de dire n’importe quoi. Surtout quand elle est censée faire son « entrée en politique ». Ca sent plutôt déjà la sortie. De route.
Le temps de reprendre son souffle, la gracieuse future marraine des pièces jaunes, répond à des questions cruciales, limite métaphysiques, du style « Vous qui ne vous êtes jamais mariée, vous n’avez pas hésité... » ou encore « Quel sera le style que vous chercherez à installer ? » ou encore « Mais... Vous avez un disque à finir ? », « Y aura-t-il une tournée ? », « Et pour la promotion du disque ? »... C’est Les Inrocks ou L’Express ? Christophe Barbier serait-il un fan de la première heure ? Il faut en tout cas tourner bien des photos pour dénicher au milieu de ce publi-reportage une pensée politique, ou plutôt une opinion, en l’occurrence sur les tests ADN, contre lesquels Bruni s’était positionné, pour s’acheter sans doute une conduite à gauche, très confortable chez les artistes à guitare. « Je n’ai pas changé d’avis sur les tests ADN, mais on peut parler avec Nicolas, qui aime la discussion et la contradiction. C’est le contraire d’un homme figé. Ce n’est pas l’idée que je me faisais d’un président de la République, que j’imaginais comme un bloc de certitudes. » Enfin ! Une déclaration politique ! Sarkozy ne serait pas « un bloc de certitudes » ! De quoi faire chuter un peu plus ses bonnes opinions ! « J’ai découvert sa souplesse d’esprit, qui vient peut-être du fait qu’il est sûr de son identité, de ses valeurs. C’est pourquoi il est capable de changer d’avis. Moins on sait qui on est, plus on est dogmatique et sectaire. Je n’aurais pas épousé un homme qui ne me laisserait pas penser librement, parler librement, être qui je suis. » Deuxième scoop : Sarkozy serait souple, et « sait qui il est » (?). « Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est pas conventionnel. C’est un point qu’il partage avec François Mitterrand. Et il est incorruptible, ce qu’il a en commun avec Pierre Mendès France. » Ultime scoop : Sarkozy serait un croisement entre Mitterrand et Mendès France ! L’ouverture a de beaux jours devant elle.
Cette première interview de l’ex-mannequin ex-chanteuse ex-dévoreuse d’hommes, actuelle vendeuse de voitures, ne
signifie aucunement son entrée en politique, mais une nouvelle fois le
basculement de ladite politique dans la sphère people. Tout, dans ces
questions, dans ces réponses, apportera de l’eau au moulin de ceux qui hurlent
que trop c’est trop, que Sarkozy devrait se remettre à la politique sans quoi
il court à la déculottée révolutionnaire aux municipales. On se doutait bien
qu’une chanteuse de variété aurait du mal à redresser le bateau UMP, aux
nombreuses voies d’eau, et beaucoup dans la majorité devaient prier pour qu’au
moins « Elle » ne s’exprime pas avant le scrutin. C’est raté, sans
surprise : depuis Tintin on sait combien il est ardu de museler une
Castafiore.
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