Ce que j’ai à dire sur Martin Hirsh
Dans Le Monde du 2 décembre, le Haut commissaire aux solidarités actives, Martin Hirsh, vient occuper une tribune qu’il intitule "Ce que j’ai à dire sur les sans-domicile-fixe". Fort de son expérience à Emmaüs, il vient dire que traiter le sans-abrisme est complexe et que l’on ne peut pas agir vite. Il vient surtout faire aveu d’impuissance et de collusion avec le gouvernement en place dont la politique nourrit chaque jour le flot des travailleurs pauvres et des SDF.
L’article de Martin Hirsh commence par une petite pointe de morale. Si les SDF meurent dans la rue, c’est la faute des médias qui cherchent l’information à sensation et de la société qui crève d’indifférence.
Puis, il dresse le constat que "Les principes d’une politique visant à réduire le nombre de sans-abri existent. Ils ont même fait l’objet d’un consensus des acteurs associatifs qui ont travaillé plusieurs mois pour définir des principes communs..." Mais alors, "pourquoi serait-il si difficile de tracer une politique cohérente ?" se demande-t-il.
Martin Hirsh voit plusieurs obstacles qui justifieraient à ses yeux la timidité de l’action du gouvernement :
1 - Les 3 alibis de l’impuissance énoncés par Monsieur le Haut commissaire :
- Les responsables politiques sont dubitatifs quant à l’efficacité de leur action devant l’ampleur du problème.
Ils ont le sentiment de ne pas être payés de résultats en retour des crédits ajoutés chaque année. "Des centres sont inaugurés, des places nouvelles sont créées et pour autant le besoin semble ne pas se tarir." Mais Martin Hirsh ne pense pas une seconde que si les résultats sont maigres, c’est parce que les crédits sont tout simplement insuffisants. Et si les besoins sont loin de se tarir, c’est qu’il y a là une raison de plus de mettre le paquet sur ce problème !
Ma proposition : Augmenter significativement les crédits et les pérenniser, mener des action urgentes pour fermer le robinet qui augmente chaque jour le débit des personnes versées à la rue (jeunes en fugue, travailleurs pauvres, personnes expulsées de leur logement, etc). Observer avec attention l’effet du RSA car beaucoup craignent que le RSA de Monsieur Hirsh ne jette les salariés dans le temps très partiel, ce qui est un facteur d’exclusion possible...
- La question des sans-abri ne dépend pas d’une seule politique publique.
Bien prendre en compte la question des sans-abri, c’est faire intervenir plusieurs politiques sociales dit Hirsh : logement, santé dont la santé mentale, prévention des addictions, immigration et accueil des étrangers, aide sociale à l’enfance, réinsertion des détenus ...( "pour n’en citer que quelques-unes"). Voilà une porte ouverte qu’il défonce...
Ma proposition : Insérer une clause "SDF" bien identifiée dans chaque volet de la politique du gouvernement. (à l’instar de la clause sociale des marchés publics)
- Les responsables politiques craignent que s’ils portent "trop" d’attention aux plus exclus, une grande partie de la population se sentirait délaissée.
Ici, l’affirmation de Martin Hirsh est troublante. Le gouvernement porte un intérêt très fort aux classes très aisées et aux banquiers. Le fait d’aider davantage les SDF peut-il choquer les Français davantage que cette politique de classe favorable aux puissants ? La crainte des Français de se retrouver à la rue (ou d’y voir un proche y tomber) est de plus en plus fondée sur des probabilités de risques réels. La plupart approuveraient certainement une politique plus audacieuse, plus préventive et plus prévenante. Et d’ailleurs, c’est bien facile de faire parler les Français ? Mais quand leur donne-t-on la parole ? Ont-il voté pour le paquet fiscal, pour les milliards aux banquiers, pour la constitution européeenne ? pour la liquidation du service audiovisuel ? Sur la question des sans-abris, ils n’ont pas été sollicités non plus et nul ne peut parler en leur nom, et certainement pas les élites et les nantis qui sont bien loin de leurs problèmes quotidiens.
Ma proposition : Mener une politique aussi active et prompte envers les sans abris que celle que le gouvernement mène envers les élites et les puissants (cf : les milliards débloqués en des temps records pour le monde douteux de la finance, le plan de relance, les mesures fiscales injustes votées en grande priorité...)
2 - Les dix orientations proposées par Martin hirsh :
Puis Martin Hirsh pose le postulat que "tout cela n’est pas insurmontable" et il propose dix orientations.
Je ne prétends pas les inventer, je m’efforce de les remettre en perspective." (c’est ici un passage où il passe la pommade au gouvernement supposé agir résolument et efficacement)
- "mieux prendre en compte les diversités de situation et de mieux les quantifier." Apporter des réponses diversifiées selon le degré de l’exclusion et le potentiel de l’exclu à revenir en société ou, au moins, dans un logement, d’accord. Mais effectivement, cela n’est pas révolutionnaire. Cela dit, ce point méritait d’être rappelé.
- "énoncer clairement des objectifs adaptés à chaque problématique assortis d’une stratégie de programmation des moyens cohérente avec chacun de ses objectifs et les mesurer." Comment ? cela n’est pas déjà fait depuis longtemps ?
- "accroître le taux de sortie des travailleurs pauvres de l’hébergement d’urgence vers le logement durable." Oui, la loi DALO, votée sous la présidence Chirac, y contribue. Elle vient d’entrer en application. Observons les résultats mais il faut aussi que les pouvoirs publics, par une politique volontaire, favorisent la disponibilité de logements et de places d’accueil ainsi que l’effectivité du droit et de la connaissance de ce droit.
- "prendre à bras-le-corps la spécificité des problèmes de l’agglomération parisienne" (Dans ce paragraphe, Hirsh rend hommage au maire de Paris et à Sarkozy : il ne faut fâcher personne !).
- "financer ces besoins en les intégrant dans les mesures de relance, au même titre que les grands travaux d’infrastructure." Oui, mais dira Sarkozy , les SDF ne vont pas relancer l’économie. Peut-on comparer la lutte contre le sans-abrisme à la politique économique de relance ?
- "repenser la prise en charge des personnes sans abri dans le cadre d’un véritable service public." Le service public ? Il semble qu’il n’ait plus trop la cote en ce moment ? Cette proposition sera certainement jugée anachronique par l’UMP qui lui opposera une fin de non-recevoir !
- "développer le recours à l’intermédiation locative" Pourquoi pas ? Mais n’en attendons pas des miracles.
- "élargir la réponse aux besoins des personnes sans domicile au développement d’activités rémunérées, qui contribuent à leur projet de vie." Les cas où cette proposition trouvera à s’appliquer pourront se compter sur les doigts d’une main. On ne peut pas développer à grande échelle des communautés sur le modèle d’Emmaüs. La récupération a ses limites : la société de consommation produit du jetable et du recyclable.
- "renforcer l’effort vers les zones où les sans-abri se cachent." Là, Hirsh cite l’exemple des sdf qui se cachent dans le bois de Vincennes et s’interroge. Il s’interroge beaucoup même ! Mais lui, l’expert, n’ébauche aucune piste de solution possible. C’est bien la peine de faire partie du gouvernement !
- "mieux prendre en compte les problématiques spécifiques des jeunes." D’accord, mais son RSA exclut les jeunes de moins de 25 ans !
- "continuer à traiter les controverses par des méthodes de consensus, y compris par des conférences citoyennes de consensus, qui pourraient être organisées au début de l’année 2009 pour que ceux qui ne sont pas familiers avec ces enjeux, souvent confisqués par les techniciens et les experts, puissent se forger leur opinion." Encore des Grenelle ?
Il conclut assez cyniquement par un objectif de quotas de morts à ne pas dépasser : "Le nombre de morts sur la route a été divisé par deux. Si on commençait à faire de même avec les SDF, ce ne serait pas si mal... Est-ce vraiment un objectif plus inaccessible ?" Ce ne serait pas si mal ? Non ! Un mort, c’est un mort de trop ! La politique des petites pas et des "Ce ne serait pas si mal" n’a pas sa place quand il s’agit de vies humaines que l’on peut sauver.
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