Chevènelenchon
2002 : Chevènement... 2012 Mélenchon. .. Deux tentatives de construire quelque chose à gauche. La première, celle du Ché a échoué. Que peut-on attendre de la seconde ? Quelles marges de manoeuvre pour Méluche ? Y a-t-il des éléments dans l’expérience Chevènement qui peuvent éclairer de chemin de Mélenchon, des leçons à tirer de la comparaison des deux démarches ? Qu’ont-elles de commun ? quelles sont leurs différences ? Mes pensées ne sont pas celles d’un analyste politique, simplement quelques réflexions d’un citoyen. Une participation citoyenne...
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Un peuple abandonné, ramené à la maison par les syndicats réformistes qui ont bien accompli leur boulot de chiens de berger.. Un peuple trahi.
Une masse qui ne se sent plus concernée par la politique, qui n’est plus représentée nulle part, qui souvent ne participe même plus aux élections, susceptible d’être parfois tentée par des aventures extrêmes où le racisme , la peur de l’autre, l’encouragement par le pouvoir même à rechercher le coupable dans celui qui n’est pas mieux loti, ou à peine mieux, aident à manipuler les esprits. Alors faute de mieux, le FN, peut sembler un refuge..
Parce qu’à gauche il n’y a plus rien. Personne. Le Parti communiste a vécu et n’est plus capable de rassembler les éclopés de la société. Le PC ne vit plus que dans les souvenirs de son histoire populaire et sociale. Pour le reste ce ne sont guère que des groupuscules épars, des associatifs, des alternatifs brouillons et peu enclins à trouver des compromis pour se rassembler.
Les grands partis aujourd’hui ont choisi leur camp qui n’est pas celui de ce peuple là. C’est le camp de la droite libérale, de la mondialisation économique, de la pensée unique, de la finance triomphante, de la spéculation sauvage.
Si certains s’affublent encore de l’étiquette gauche c’est uniquement une indication abusive qui permet de simuler le combat démocratique ou l’alternance. D’ailleurs on passe sans s’en rendre compte, du côté de chez Valls, de chez Rocard, ou de chez Strauss-Kahn, de la droite la plus dure à cette pseudo-gauche qui respecte les mêmes valeurs, celles de l’argent fou, des profits délirants pour les uns et de l’inéluctable misère pour les autres. Il n’y aurait plus d’alternative.
Or, de temps en temps, des hommes se lèvent pour essayer. Pour rassembler ce peuple, pour tenter de le réconcilier avec les valeurs sociales et humanistes de la république, pour l ’amener à retrouver sa dignité dans le combat pour ses droits.
Il y a eu en 2002 Jean-Pierre Chevènement, il y a aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon.
Je ne sais pas si le rapprochement que je fais leur plairait à l’un et à l’autre. J’en doute. Et pourtant il me semble avoir un sens. L’expérience Chevènement a vécu, l’expérience Mélenchon est en cours. Peut être que l’analyse des deux, l’exposé de ce qui les rapproche et les différencie, l’étude des raisons qui ont conduit la première à l’échec, peuvent contribuer au succès, ne serait il que relatif de la deuxième.
D’abord les hommes. Deux trublions, deux personnalités venues de la gauche du Parti Socialiste, deux politiques qui ne mâchent pas leurs mots. Rappelez vous Chevènement qui voulait faire « turbuler » le paysage politique. Et aujourd’hui Mélenchon qui les invite « à s’en aller tous », en un petit livre passionnant, bourré d’idées, chargé de virulence et qui rendrait l’espoir au plus démoralisé des vaincus.
Leurs mots même les rapprochent : l’appel aux citoyens. La « révolte citoyenne »chez le Ché, la « révolution citoyenne » chez Méluche. La foi en le pouvoir rendu aux citoyens, en la nécessité de l’intervention citoyenne dans le gouvernement, dans l’évolution de la cité leur est commune.
Rappelons aussi qu’en 2005, les deux appelèrent au non pour le référendum Européen.
La similitude s’arrête là. Leur projet n’était pas le même parce que leur vision du monde n’est pas la même.
Revenons en 2002. Quel était l’optique de Chevènement ? C’était, de remodeler le paysage politique en supprimant le clivage droite gauche pour le remplacer par un clivage entre républicains, souverainistes attachés à l’état, à la nation, et adeptes du capitalisme sans frontières. La démarche qu’il entreprit pour y parvenir ne fut pas comprise, et fut l’une des raisons de l’échec (pas la seule).
Dès le départ, la candidature du Ché fut bien accueillie, surtout parmi les gens de gauche,. Les sondages en donnent témoignage, qui lui prédisent jusqu’à 14% des suffrages, et en font le troisième homme.
Tous les espoirs sont permis. Mais le premier ennui vient du fait que l’espéré Seguin ne suit pas. Le second vient de l’équipage hétéroclite qui s’agglutine autour du projet du Ché et qui va de l’extrême droite à l’extrême gauche.. Le point de rupture est atteint lorsque le président du MRC entreprend des discussions avec de Villiers. Cette fois les soutiens de gauche prennent peur, et commencent à déserter. D’autant que Jospin apparait alors en difficulté à cause d’une campagne désastreuse au cours de laquelle il a notamment déclaré que son programme n’était pas socialiste.
Les socialistes font appel au « vote utile » ce qui sera insuffisant puisque les voix perdues par Chevènement ne seront pas toutes récupérées. On sait ce qu’il en a été de l’élection, ou le Ché obtient 5,33% des suffrages, assez pour qu’on l’accuse d’avoir fait perdre Jospin.
Le projet de Mélenchon est moins sophistiqué, plus clair aussi. Alors que Chevènement est un politicien de talent rompu aux jeux ambigüs et fluctuants de la politique politicienne où l’on adapte ses idées aux contraintes du moment, Méluche est direct, moins louvoyant et plus affectif. Son but est de recréer une gauche, un mouvement citoyen capable d’attirer pour s’imposer par les urnes, à l’image du parti allemand « die linke » créé par Oskar Lafontaine et qui devient à chaque élection plus incontournable. Ses exemples il va les puiser aussi dans les pays d’Amérique du sud qui ont dû leur salut au fait de s’être débarrassés de la tutelle étasunienne et d’avoir évincé le FMI de leur redressement financier. Parce que Mélenchon ne s’enferme pas dans le cadre étriqué du nationalisme, même s ’il croit farouchement à l’importance de la participation citoyenne à la vie de la nation. Il est au départ ouvert au monde, il croit en une Europe fédéraliste, mais une Europe des peuples et pas des commerçants , des financiers, des actionnaires et des spéculateurs. Il refuse l’Europe destructrice du bonheur et du bien-être des peuples.
La réussite n’est pas encore acquise. Le chemin ne manque pas d’embûches ni de pièges , et la marge de manoeuvre sera souvent étroite.
On commence déja à voir que Méluche dérange, on lui reproche son franc-parler qu’on taxe de populisme, ses sorties contre la servilité des médias, qu’on appelle « dérapages ». En même temps on l’invite parce qu’il fait de l’audience. Tout cela prouve qu’il est en train de conquérir une image, de la notoriété.
Après le dénigrement il se peut que vienne l’instrumentalisation.
Il serait bien étonnant que l’UMP ne songe pas à utiliser le front de gauche comme une épine dans le pied du PS. Il vaut mieux surveiller les sondages des mois qui viennent et garder du recul vis à vis de trop bons scores annoncés. .
Il y a aussi les difficultés des rapports avec le PC. J’en connais au PC qui choisiraient facilement les 1,5% de Chassaigne accompagnés d’un bon accord-parapluie avec le PS pour sauver des sièges aux législatives, plutôt que les 6, 8, 10% ou plus de Mélenchon..
Au soir du second tour des élections régionales en Limousin, malgré l’euphorie des excellents résultats du Front de Gauche (près de 20% des voix), un copain communiste m’avait fait remarquer assez amer, que le PC perdait dans cette histoire la moitié de ses sièges en passant de 6 à 3...
Et puis viendra la culpabilisation du « vote utile », et de ceux qui hésiteront au moment de glisser leur bulletin dans l’urne, effrayés à l’idée de reproduire 2002...
Chevènement réapparait ici, par sa proposition de créer un grand parti de gauche, qui fédérerait du MRG à l’extrême gauche... Proposition restée confidentielle pour le moment. S’agirait il de reproduire l’Union de la gauche pour que le PS reprenne son hégémonie sur ses alliés ? Et pour faire quoi ? Pour propulser Strauss-Kahn ?
Remarquons que si c’est le président du FMI qui est le candidat socialiste, cela enlèvera beaucoup de raisons de culpabiliser en votant Front de gauche... Quelque chose me dit d’ailleurs que dans ce cas là, il y en aura du peuple de gauche à taquiner le goujon le jour du second tour, laissant les admirateurs de toutes les droites se dépatouiller entre eux ...
Et si Méluche après tout dépassait le PS ? Ne peut on rêver ? Puisqu’il est question de révolution citoyenne...
Une chose est bien certaine, comme dirait Villepin : « Il faut refermer la parenthèse »..
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