Conférence de presse de Hollande : contexte, forme et fond, une analyse complète
Première intervention télévisuelle de l’année, cette conférence de presse et son contexte furent très différents de la dernière interview du président datant du 14 juillet. J’avais pointé « à l’époque » les éléments importants environnant cette interview : les affaires politico-financières, la hausse du FN, la hausse de chômage et la contestation croissante à l’égard de l’austérité. Hormis la hausse du chômage qui se poursuit, n’en déplaise à nos social-menteurs au pouvoir, ces éléments ont aujourd’hui changé.
Contexte
- Le pouvoir exécutif a réussi le tour de force de réduire à néant l’opposition interne à l’austérité (qu’est-il advenu de la fronde Montebourg, Duflot, Hamon ?) et à neutraliser momentanément le pouvoir de nuisance du FdG en montant les leaders du PG et du PC l’un contre l’autre.
- La dynamique du FN semble marquer le pas après avoir culminé entre septembre et novembre : 24% d’intentions de vote aux européennes selon un sondage IFOP, et même 42% de personnes qui n’excluent pas le vote Le Pen dans un récent sondage du Figaro. Les dernières estimations montrent que le FN est donné perdant dans son fief d’Hénin-Beaumont, et en baisse de manière générale.
- Les affaires politico-financières ont disparu…de la scène médiatique. Néanmoins,leur jus putride (Tapie, Guéant, Cahuzac) continue à abraser lentement mais sûrement la crédibilité du gouvernement (25% de confiance).
On peut ajouter à ce tableau de nouvelles composantes ou un renforcement de tendances :
- La température d’ébullition de la cocotte minute sociale se rapproche de plus en plus : les mouvements de contestation échappant au contrôle politique se multiplient (les bonnets rouges, les Dieudonnistes, les anti-mariage pour tous…) et semblent se fédérer dans leur colère contre l’exécutif (jour de colère du 26 janvier), les plans sociaux se multiplient et génèrent des actions de résistance syndicale.
- Le pouvoir s’est claquemuré dans sa tour d’ivoire et refuse de plus en plus la réalité : souvenons-nous du mythe de l’inversion de la courbe du chômage réalisé à coups de manipulations informatiques (bug SFR) ou d’omissions sur les radiations et les autres catégories du chômage.
- L’anesthésiant médiatique désormais administré à doses quasi-palliatives avec successivement la banane de Taubira, la violence aux abords des stades, la mort de Mandela, l’affaire Dieudonné, Gayet…Tout cela résulte en un discrédit de la fonction de journaliste, voire en une haine de certains médias (particulièrement BFM TV hué à la fois dans les manifestations de droite et détesté par la gauche).
- Un pouvoir de plus en plus autoritaire avec un recul de la liberté d’expression dans le cas de l’affaire Dieudonné ou encore une surveillance accrue des citoyens.
Forme
- Un évènement international : d’aucuns pourront s’étonner de l’envergure de cette conférence : 600 journalistes dont plus de 200 internationaux, la quasi-totalité du gouvernement rassemblé et 2h30 d’intervention en comptant les questions, cette conférence de presse s’inscrit dans la même lignée que ses 2 précédentes en termes de longueur (2012 et 2013).
- Une communication ampoulée : la longueur de l’intervention (40 minutes) et des réponses aux questions (2h) a largement favorisé la rhétorique voire les sophismes, Hollande a mis jusqu’à 6 minutes pour répondre à des questions peu pertinentes (6 minutes sur le spectacle de Dieudonné, 5 sur le « désir d’ailleurs » des jeunes de 25 ans). Des techniques de communication politique ont été utilisées durant cette conférence de presse : les anaphores utilisées à 8 reprises ! Notons pour exemple l’anaphore « quand on a 25 ans » qui aurait pu faire une bonne entrée au hit parade comme titre de musique. Parmi les outils de com de la dernière édition pour les nuls de la langue de bois, il y avait l’argumentation émotionnelle, les éléments de langage (« le rassemblement pour l’emploi », « la mobilisation de tous »...), la réponse en 2 temps qui consiste à se noyer dans une logorhée hors de propos visant à mieux faire passer la réponse (technique utilisée lors de la réponse à la question « disposez-vous d’une majorité à l’Assemblée pour soutenir cette politique ? »), les chiasmes (« L’avenir de la France, c’est l’Europe. L’avenir de l’Europe, c’est la France »), et encore bien d’autres techniques qui anesthésient, lassent et irritent le spectateur au point le conforter dans son sentiment qu’ils sont au fond tous pareils.
- Les thèmes du débat : 7 thèmes ont été abordés. Dans l’ordre, le pacte de responsabilité (1), la réduction de la dépense publique (2), la jeunesse et l’éducation (3), le racisme et l’antisémitisme (4), l’euthanasie (5), les interventions militaires en Afrique (6) et le l’Europe (7).
Si la l’agencement des thèmes paraît à peu près logique jusqu’au 3ème point, il devient par la suite très déroutant. Pourquoi les interventions en Afrique et surtout l’Europe se retrouvent aux dernières places de ce discours ? Pourquoi le thème du racisme et de l’antisémitisme se retrouve-t-il à la 4ème place alors qu’aucune annonce concrète sur le sujet n’a été faite ? L’Elysée aurait-il perdu le sens des priorités ?
Fond
Evacuons tout de suite la partie censée être la plus importante, les questions des « journalistes », par une petite analyse de leur question. 25 questions ont été posées au cours de cette conférence de presse. Savez-vous que sur ces 25 questions, le thème le plus présent était celui concernant la manière du chef de l'Etat de faire de la politique et de se définir avec 9 questions ? Des questions aussi intelligentes et précises que « Etes-vous social-libéral ? », « social-démocrate ? », « vos erreurs ont-elles contribué à la désaffection des Français à votre égard ? », « N’avez-vous pas l’impression d’avoir perdu 18 mois » ont été posés ?
Le 2ème thème revenant le plus souvent fut l’affaire Trierweiller avec 5 questions !
L’économie ne devait pas être un sujet si important que cela, puisque 4 questions seulement ont été posés à ce sujet. Quant au social, une seule question, très orientée par ailleurs, fut posée. Elle proposait une baisse des indemnisations de chômeurs. Les salariés de Goodyear et de Mory-Ducros seront contents…
Heureusement qu’aucune question n’a été posé sur les plans sociaux, le chômage, l’explosion des cambriolages, l’environnement (pas évoqué une seule fois durant ce simulacre de conférence de presse), l’euro, la réforme de la fiscalité, la fragilité des banques, la hausse des impôts, les suicides des gendarmes qui se multiplient. Heureusement pour les journalistes-courtisans qui risqueraient l’excommunication…Malheureusement pour nous, pauvres moutons stupides que nous sommes.
Peu d’annonces ont été faites hormis un renforcement de la politique d’austérité pour l’année 2014 avec le pacte de responsabilité qui ne créera pas plus d’activité économique (tout simplement parce que les investissements se font que lorsque les chefs d’entreprise anticipent un retour sur investissement passant en général par une hausse de la demande) alors que la contrepartie de la baisse des dépenses publiques détruira obligatoirement des emplois.
Principale proposition, le pacte de responsabilité qui s’appuie sur 5 axes : la fin des cotisations familiales d’ici à 2017 représentant 30 milliards d’euros, une modernisation de la fiscalité sur les sociétés, une réduction du nombre de normes que les entreprises doivent respecter et enfin, seule mesure sociale du « pacte », un engagement des entreprises sur des « objectifs chiffrés d’embauche » contrôlé par un « observatoire des contreparties ». Mis à part le premier point qui paraît clair, il faudra attendre des précisions sur les autres propositions extrêmement inquiétantes de ce pacte. En particulier s’agissant des normes s’imposant aux entreprises ; s’agit-il du droit social ? Du respect des conditions d’hygiène ? Des obligations en termes d’environnement ? Quant aux contreparties, le précédent de la baisse de la TVA dans la restauration démontre que ce système ne marche pas.
La réduction des dépenses publiques sera de 53 milliards d’euros (contrepartie au crédit impôt compétitivité emploi et à la suppression des cotisations familiales pour les entreprises) chiffre dépassant le budget de l’éducation et de la justice réunis ! Les pistes pour cette réduction des dépenses sont effrayantes : baisse des dépenses de la sécurité sociale, suppression de régions et de départements qui ne feront qu’éloigner un peu plus le citoyen du pouvoir et réduire le pouvoir de l’état. Enfin, il est à parier que ces mesures ne suffiront pas et que l’Etat devra tailler dans son budget de fonctionnement en revenant sur ses recrutements de professeurs par exemple et/ou se séparer de ses bijoux de famille et en lançant une ultime vague de privatisations.
Les autres propositions sont anecdotiques, elles concernent la jeunesse avec la volonté de faciliter son accès aux emplois par une hausse des contrats de génération (50000 en plus des 100000 prévus) alors que seulement 20000 de ceux-ci ont été signés en 9 mois, car le problème n’est pas un manque de savoir-faire des jeunes qui de toute façon auraient été formés si les entreprises avaient un réel besoin et l’augmentation de 15% des services civiques. Est-ce vraiment avec des jobs associatifs payés 467,34€ que l’on parviendra à sortir les jeunes de la dépendance parentale ? Autre proposition pour la « jeunesse » : la lutte contre le décrochage scolaire avec un remix des ZEP consistant à offrir de meilleurs rémunérations et conditions de travail aux professeurs.
Dernière annonce importante et peut-être seule mesure qui aurait été positive si elle ne semblait pas aussi triviale en ces temps de perdition, un nouveau texte de loi sur « la fin de vie ».
Inutile d’évoquer les propositions sur le couple franco-allemand, qui demeurent vagues et non négociés avec l’Allemagne ayant donc peu de chance d’aboutir sur des projets concrets.
Conclusion
Au-delà des mesures proposées essentiellement sur le plan économique, il est important de souligner que Hollande a désormais clairement adopté un point de vue capitaliste extrémiste sur la relation entre offre et demande. Selon lui, l’offre détermine la demande. Théoriquement rien n’est plus faux que cela, en effet pourquoi des personnes achèteraient des choses dont ils n’ont pas besoin ? Malheureusement, le capitalisme a réussi en partie à inverser cette relation en nous faisant acheter des biens et des services payants dont nous n’avons pas réellement besoin et qui se substituent à des choses qui n’étaient pas forcément dans la sphère marchande auparavant (ex : les sites de rencontre sur internet).
Hollande persiste dans les dogmes de la croissance et du productivisme qui ne feront que générer toujours plus de misère car le taux croissance baisse tendanciellement depuis maintenant 30 ans. Contrairement à ce que les journalistes prétendent, il n’y a pas ici de tournant. Hollande s’est engagé dans une fuite en avant suicidaire dans la récession qui mènera le pays dans le chaos. Il n’y a aucun retour possible car le pouvoir se coupe de plus en plus de la réalité (comme le prouve ses mensonges sur le chômage) et recourt de plus en plus à la violence et à la censure pour écraser toute contestation. Ainsi, le 15 janvier restera le jour où François Hollande scella son destin.
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