Dans la République de Solferino, l’été des chauds et froids strauss-kahniens…
Quasi-beau temps judiciaire chez les socialistes français ce 1er juillet 2011 : si l’affaire Guérini n’en finit pas de remuer le microcosme marseillais, Dominique Strauss-Kahn a obtenu sa liberté à New York et Jean-Paul Huchon a regagné son éligibilité auprès du Conseil d’État.
Il ne fait pas bon d’être strauss-kahnien dans la République de Solferino depuis l’échec désastreux de Lionel Jospin en 2002.
Le dilettantisme de leur mentor leur a fait perdre la bataille de 2007 au profit de Ségolène Royal (en interne). Après la nouvelle défaite présidentielle, le mentor s’est expatrié aux États-Unis pour le temps du quinquennat, laissant ses troupes dans l’expectative.
Le congrès de Reims en automne 2008 a vu le premier éclatement du strauss-kahnisme. Absent tout en laissant croire qu’il était là, Dominique Strauss-Kahn ne pouvait plus se salir les mains dans le particularisme des délices politiciens du PS. Ses deux principaux lieutenants, Jean-Christophe Cambadélis et Pierre Moscovici, ont pris alors des directions différentes.
Cambadélis a vu en Martine Aubry celle qui pourrait garder le PS en jachère avant un retour triomphal de DSK tandis que Moscovici, qui est d’une toute autre stature, se voyait déjà à la place de premier secrétaire. Ne franchissant pas le Rubicon (aucune motion déposée par lui), Pierre Moscovici se replia derrière Bertrand Delanoë au dernier moment, faute de mieux.
Pierre Moscovici pouvait s’imaginer le Premier Ministre de Dominique Strauss-Kahn au fur et à mesure que ce dernier "grossissait" dans les sondages. Une bulle de popularité finalement assez semblable à celle d’Édouard Balladur en 1994.
Ensuite, tout ce qui s’est passé depuis un mois et demi a suivi un scénario délirant qui aurait été refusé même par les plus mauvais réalisateurs ou romanciers, tellement il est invraisemblable.
Premier retournement total avec l’arrestation très médiatique de Dominique Strauss-Kahn, menottes aux mains et mal rasé. Épisode inédit de la vie politique française pour l’un des grands favoris de l’élection présidentielle (notamment parce que cela fait appel à une affaire judiciaire, à un scandale sexuel et aux décisions d’une administration d’un pays étranger).
La plupart des responsables socialistes, proches de DSK ou pas, ont été tellement secoués qu’ils ont également fait des déclarations assez maladroites et parfois contestables.
Une nouvelle fois, le mentor jouait à l’Arlésienne, mais cette fois en dehors de sa volonté si l’on en croit certains journalistes mis dans la confidence de sa déclaration de candidature imminente. Les strauss-kahniens se sont retrouvés une nouvelle fois orphelins.
C’est donc par nécessité politique que Martine Aubry est entrée dans la danse de la primaire, le 28 juin 2011. Ont suivi dans son sillage, ceux des strauss-kahniens qui l’avaient déjà soutenu à Reims, à savoir entre autres Jean-Christophe Cambadélis qui se serait bien vu premier secrétaire du PS à la place d’Harlem Désir. Le député-maire de Grenoble Michel Destot, tout comme Bertrand Delanoë, l’ont rejointe par principe de précaution.
Des strauss-kahniens un peu plus indépendants (qui ont refusé la participation des fabiusiens au strauss-kahnisme historique) ont préféré au contraire soutenir la candidature de François Hollande : Pierre Moscovici, Gérard Collomb etc. ; et le plus indépendant d’entre eux s’est même lancé dans la bataille : Manuel Valls.
Ce qui vient de se passer trois jours après la candidature de Martine Aubry est un nouveau coup de théâtre à New York. En gros, le "New York Times" explique que la plaignante dans l’affaire n’est pas digne de foi, qu’elle a menti plusieurs fois et que son témoignage, unique élément à charge contre DSK, serait "erroné", selon des informations fournies par le procureur (responsable de l’accusation).
Bien entendu, toute la machinerie médiatique a ressorti les mêmes tambours et trompettes que le 15 mai, en relayant sans relâche l’information et en laissant entendre que DSK serait lavé de tout soupçon.
Si effectivement la voie semble mieux aller pour lui, il faut quand même être très prudent puisque pour l’instant, tous les chefs d’inculpation sont maintenus, du moins jusqu’au 18 juillet 2011, date de la prochaine comparution devant le juge.
Or le 18 juillet 2011, c’est après le 13 juillet 2011, date de clôture des candidatures à la primaire socialiste. Si Benoît Hamon ne veut pas en entendre parler, ni Martine Aubry, voici que François Hollande s’est déclaré favorable à un assouplissement de la règle en proposant de rallonger jusqu’à fin juillet, voire fin août, le dépôt des candidatures. Étrange prise de position quand on sait que François Hollande avait justement bénéficié du retrait obligé de DSK.
Certains strauss-kahniens les plus fous croient effectivement en la possibilité d’un retour de Dominique Strauss-Kahn dans le jeu présidentiel. Cela ne manquerait pas de gêner la plupart des strauss-kahniens qui ont déjà pris position (par exemple, Michel Destot a affirmé qu’il restait fidèle à Martine Aubry, quoi qu’il arrive).
Mais personne ne peut exclure non plus que le procès puisse aller jusqu’à son terme et donc empêcher DSK ne serait-ce que d’être présent physiquement en France au moment crucial.
Plus pragmatique, Jack Lang voudrait juste que DSK vienne participer à la campagne quand il le pourra…
Même si Dominique Strauss-Kahn sortait complètement blanchi et innocenté de cette affaire sans précédent, il serait peu probable qu’il veuille être actif dans la campagne présidentielle à court terme. Dans tous les cas, son état psychologique a été soumis à rude épreuve et il aurait tout intérêt à prendre du champ.
Ces retournements incessants rendent très difficiles la campagne de la primaire des socialistes. Beaucoup d’élus socialistes (qui voudraient choisir le "bon candidat") ne savent plus sur quel pied danser alors que d’autres personnalités sont sûres d’elles-mêmes et poursuivent leur campagne (comme François Hollande, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg). Le dernier rebondissement a en tout cas complètement cassé la dynamique que comptait amorcer Martine Aubry.
Plus généralement, c’est tout le crédit politique du futur candidat socialiste qui risquerait d’être atteint au fil des aléas judiciaires new-yorkais. La réaction de nouveau exagérée des responsables du PS ce 1er juillet 2011 n’a pas encouragé leur électorat à voter pour eux.
S’engouffrer dans les informations brut sans avoir du recul ne peut que donner le vertige …à ses électeurs potentiels. En ce sens, l’attitude de réserve qu’a souhaité adopter Nicolas Sarkozy est salutairement sage et digne… pour son propre intérêt !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (2 juillet 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L’article du New York Times du 1er juillet 2011.
L’image de DSK.
L’immense gâchis.
La porte de sortie.
Sera-t-il Président ?
Où sont passés les strauss-kahniens ?
Martine candidate.
Christine, Martine et Eva.
Les trois visages du PS.
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