Du génie français de l’usine à gaz
Faillite. Celle de la sécurité sociale, bien sûr. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, était l’invitée de RTL, ce matin, à 7h50. Son défi n’est pas mince. Cette année, le déficit de la sécurité sociale sera de 11,7 milliards d’euros. L’année prochaine, selon la prévision, qui se révèle souvent optimiste à l’usage, le déficit devrait être de 8,9 milliards d’euros. Comment faire face à une telle montagne de dettes ? La réponse du gouvernement est floue. Mieux maîtriser les dépenses, dit-il. L’espoir est de récupérer, ici ou là, grosso modo, deux milliards d’euros. Pour le reste, personne n’en sait rien. Comme disent ceux qui pensent que la gravitude de la situation n’est pas grave, il reste encore des gens pour nous prêter des sous. Alors, chers amis, empruntons, empruntons ! Et débouchons donc le champagne avant que le Titanic ne rencontre l’iceberg ?
Hors micro. Roselyne Bachelot, aiguillée sur le sujet par les questions des journalistes autour de la table, entend bien discuter avec les médecins de la carte de l’installation des spécialistes sur le territoire. Et de donner quelques exemples du désert sanitaire, chiffres peut-être connus de certains d’entre vous mais que, personnellement, je ne possède pas très bien. Exemple : zéro pédiatre dans la Sarthe. Zéro. C’est terrible, zéro. Ou bien, zéro ophtalmologue dans un département du sud, j’oublie lequel, alors que dans le département voisin, l’Hérault dans mon souvenir, il y en a pléthore, elle a dit le chiffre mais je ne le reproduis pas ici car je n’en suis pas sûr. Je sais, j’ai la mémoire qui flageole, ce matin. Est-ce grave, docteur ?
Ceci dit, pour contraindre les médecins, bonjour. Ils se sont habitués depuis longtemps au confort du système. Libéraux dans le travail et collectivistes dans le paiement. On appelle ça le beurre et l’argent du beurre, la marque même du génie français. J’entendais, dimanche dernier, l’un de leurs représentants, prononcer la phrase fétiche : "Le gouvernement veut revenir à la maîtrise comptable des dépenses de santé. C’est inacceptable." Ben voyons ! Restons-en donc à la non-maîtrise, c’est tellement plus agréable.
35 heures. A partir de lundi, 1° octobre, la réforme des 35 heures entrera en vigueur. Le principe est simple : les heures supplémentaires seront détaxées et défiscalisées. L’application, elle, paraît relever du casse-tête. Le Parisien du 24 septembre racontait que des sessions de formation réunissaient les comptables et les DRH des entreprises pour les familiariser avec les complexités de la réforme. Exemple d’une question posée par une avocate : "Imaginez un salarié aux 35 heures qui travaille, conformément à la loi, 1067 heures par an. En mars, vous lui donnez des heures supplémentaires. Au 31 décembre, vous vous rendez compte qu’il n’a pas rempli son quota de 1067 heures. Que faites-vous ? Lui reprenez-vous les heures supplémentaires payées en mars ?" Selon le quotidien, il paraît que personne n’avait la réponse parce que la loi ne dit rien de ce cas de figure. Il semblerait donc que les députés et les sénateurs, qui cumulent mandats et fonctions pour justement ne pas se couper de la vraie vie, aient mal anticipés les situations complexes, absurdes, ubuesques, dans lesquelles se trouvent plongés ceux qui doivent appliquer un code du travail touffu, confus, complexe. A l’origine, les 35 heures étaient une usine à gaz. Là dessus, quelqu’un se met en tête d’assouplir les 35 heures. Bravo. Bonne idée. Et il fabrique une autre usine à gaz. Tous en choeur : rebravo !
Cumul. Tiens, justement. Édouard Balladur était l’invité du Grand Journal, hier soir sur Canal Plus, auquel je participe, comme vous le savez peut-être, en tant que cumulard du journalisme, je devance l’appel sur le sujet. Donc, l’ancien Premier ministre explique que la réforme constitutionnelle qu’il projette doit, c’est son objectif, donner davantage de pouvoirs au Parlement français qu’il n’en a aujourd’hui. D’accord, lui est-il répondu, mais s’ils ont plus de pouvoirs, donc plus de travail potentiel, est-ce que les parlementaires cesseront de cumuler fonctions et mandats pour se consacrer à leurs activités parlementaires, à l’image, soit dit en passant, de ce qui se passe dans tous les pays voisins, certes tous inférieurs à nous en matière de génie mais enfin pas tout à fait crétins non plus. Réponse chaloupée d’Édouard Balladur d’où il ressort qu’il est très peu probable, c’est de la litote, que la réforme débouche sur une interdiction du cumul des mandats. Ainsi donc, Jean-François Copé et ses amis pourront continuer à être avocats et parlementaires, assureurs et parlementaires, je connais même un élu qui siège au comité d’orientation d’un magnat de la presse, et il y en a plein que je ne connais pas qui font la même chose, et en plus ils pourront être maires, président de ceci, de cela, de conseils généraux, etc.
Moi, pour répondre par avance à la paire de baffes qui va m’atterrir sur le museau, je suis journaliste politique, point, du matin au soir, d’accord, mais tout de même aux 35 heures hebdomadaire, soit 1067 heures annuelles, pile poil dans les clous et sur ce, bon week-end.
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