En fait la France c’est Madeleine Bas-de-Laine
La dette publique ça vous dit quelque chose ? J’imagine que oui, étant donné qu’on nous répète sur tous les tons que nous sommes sur un bateau qui coule et qu’il y a intérêt à lâcher du lest - les pauvres, le système social, les services publics - si nous ne voulons pas mourir gelés dans l’eau accrochés à une porte d’armoire comme Jack dans Titanic.
Je croyais moi aussi que cette dette
était une inextricable catastrophe. J’avais bien entendu des voix
discordantes, mais bon c’était celle de Besancenot alors j’avais pas
vraiment écouté - eh oui j’ai des préjugés comme tout le monde, jusqu’à
ce que je lise ce matin un article de Bernard Maris dans Charlie hebdo.
Je l’aime bien Bernard Maris, c’est un des rares économistes que
j’arrive à écouter et qui en plus est compréhensible. Parce que moi dès
que ça commence à parler cash-flow, stock options, Nasdac et prix du
baril je décroche vite.
Bref, voici en gros le contenu de l’article :
Déjà
on apprend qu’on est bien moins endettés que certains pays : on a une
dette de 64,7 % du PIB, mais l’Italie en a une de 105 % et le Japon
de... 157 % ! Et ce ne sont pas des pays du tiers-monde que je sache. De
plus, si la France a une forte dette publique, elle a en revanche une
faible dette privée - c’est-à-dire que les ménages ne s’endettent pas
énormément - contrairement à des pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis.
Or, c’est la dette privée qui génère le plus d’instabilité.
Maris
pose ensuite une question subversive dans la pensée dominante : "Et si
la France n’était pas endettée ?". Il cite ensuite la thèse défendue
dans un article d’Alternative économique
écrit par l’économiste Mathieu Plane. Je suis permis d’en reproduire
une partie, attention, il y a quand même du vocabulaire économique,
mais accrochez-vous c’est édifiant :
La dette au sens de Maastricht (les impressionnants 64,7 %) est une mesure brute qui ne prend pas en compte les actifs détenus par les administrations publiques. Or, ces dernières possèdent des actifs financiers (actions cotées, dépôts...), mais surtout des actifs physiques (infrastructures). La dette financière nette était de 38,2 % du PIB en 2006, soit à un niveau proche de celui de 1995, alors que la dette au sens de Maastricht a augmenté de 8,7 points de PIB sur la même période.
Cet écart d’évolution s’explique par la forte valorisation des actions détenues par l’Etat au cours de ces dix dernières années. Si on comptabilise l’ensemble des actifs, c’est-à-dire aussi les actifs physiques, les administrations publiques ne présentent plus une dette, mais une richesse nette (37,8 % du PIB en 2006). Celle-ci a d’ailleurs augmenté de plus de 22 points de PIB entre 1995 et 2006, ce qui veut dire que les administrations publiques se sont enrichies sur cette période, notamment en raison de la forte valorisation des terrains détenus par l’Etat (+ 200 % en dix ans). Le bébé français ne récupère pas à la naissance une dette publique de 18 700 euros, mais hérite au contraire d’un actif net de 11 000 euros, même s’il est vrai qu’une partie des actifs physiques ne sont pas cessibles et qu’il est difficile de leur donner une valeur marchande.
De plus, d’un point de vue global, ce qui compte pour le nouveau-né français, ce n’est pas uniquement le patrimoine des administrations publiques, mais celui de la nation, qui intègre également les autres secteurs institutionnels (ménages, entreprises, position extérieure...). Au regard du compte de patrimoine de la nation, chaque Français né en 2006 hérite en moyenne de 185 400 euros.
Enfin, la dette publique française est notée AAA par les agences de notation (Standard & Poor’s, Ficth Ratings), la meilleure note qui soit en termes de qualité de dette. La France fait donc partie des meilleurs élèves de la classe mondiale quant à la gestion de ses finances publiques. Cela veut dire aussi que l’Etat français ne risque pas de faire défaut au remboursement de sa dette, ce qui explique par ailleurs la faiblesse des taux d’intérêt sur les obligations publiques (inférieurs à 4 % en moyenne depuis début 2005), considérées comme un placement sans risques. Si la gestion des finances publiques doit être rigoureuse, d’autant plus que le choc du vieillissement va s’amplifier dans les prochaines années, rien n’indique donc que l’Etat français soit en situation de faillite.
Alors que se passe-t-il vraiment ?
En
réalité, la France se comporterait selon Maris comme les "hedge funds"
américains qui viennent de provoquer la crise ; elle emprunte à taux
faible puis place l’argent dans l’immobilier par exemple. Les revenus
des actions compensent les intérêts de la dette parfois largement et
donc, paradoxalement, on s’enrichit en s’endettant. Aaah ! le mystère des
flux de capitaux pour nous, pauvres mortels...
Tous les sacrifices qu’on nous demande de faire presque au nom de la survie du pays sont donc injustifiés. On donne 15 milliards d’euros par an aux plus riches, en même temps on supprime des postes de fonctionnaires, d’enseignants alors que le système va mal, la culture vivote... et tout ça non pas parce que nous sommes en danger de crise économique, mais juste par idéologie.
Charlie hebdo du 2/04
Alternative économique n° 265, janvier 2008
Tété pour le titre
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