Et si Eric Woerth n’y était pour rien, à Paris ?
Le
Canard nous révèle que ce mouvement populaire exemplaire, dont est issu l’actuel
défenseur du pouvoir d’achat des déshérités, vole au secours de Jacques Chirac.
Il s’agit d’éponger les ¾ d’une ardoise de 2,2 millions d’Euros réclamée par la
Mairie de Paris dans une affaire d’emplois présumés « fictifs » que d’autres
cultivant l’euphémisme appellent « de complaisance ».
L’UMP n’étant pas sur le banc des accusés, j’ai du mal à suivre…
Non seulement Jacques Chirac bénéficie de la présomption d’innocence puisqu’il n’a pas été jugé et condamné, mais encore l’article 2 des statuts de l’UMP qui en définit l’objet, n’autorise pas une telle transaction. Dans cette palette ambitieuse d’intentions louables : il n’est ni question d’aider les présidents en détresse ni de promouvoir durablement la combine entre élus de droite et de gauche, voire les pratiques indélicates des hommes politiques. Bien au contraire, au service de la France, l’association UMP concourt à faire avancer la dignité de la personne, la justice sociale, les droits et devoirs fondamentaux pour épanouir l’autorité de l’Etat et l’identité nationale.
Si je ne me trompe, de telles intentions ne lui permettent pas, sans une facture justifiée et authentique de la Mairie de Paris, de disposer de la recette, au profit d’un membre du club, sans perpétrer un détournement de fonds sociaux. Le patrimoine exclusif d’un parti est destiné à son objet pas au sauvetage d’une mairie ou d’un président nécessiteux. Au demeurant, comme il avait démenti le 29 juillet la rumeur selon laquelle l’UMP allait dédommager la Mairie de Paris, Dominique Paillé porte-parole du mouvement, répond à la télévision suisse romande le 26 août dernier, que l’annonce de cet arrangement, décidé par les deux interlocuteurs eux-mêmes, a surpris les instances de l’UMP. L’affaire ayant été traitée à huis clos « pendant l’été » et conclue avant les vacances présidentielles, il est à souhaiter, pour lui, que l’irréprochable trésorier aux larges épaules, Eric Woerth, démissionnaire le 30 juillet, n’ait pas été consulté. Le plus populaire des hommes politiques français bénéficierait d’une affaire de plus et d’une parution supplémentaire à la une des media.
« Si fluctuat nec mergitur », la mairie de Paris, partie civile depuis 2001, ne saurait se constituer receleur en acceptant, en toute connaissance, des fonds détournés de l’usage prévu pour boucher le trou du fait de collaborateurs fantômes appointés qui ne hantèrent point ses antichambres. Fonds qui, s’ils étaient versés, pourraient faire l’objet d’une mise sous séquestre au cas où un fâcheux de l’UMP, à jour de ses cotisations, aurait, lui aussi, l’idée traitresse de porter plainte pour abus de biens sociaux et détournement de fonds.
En effet, l’amalgame rhétorique de Bertrand Delanoé entre l’affaire dite d’Alain Juppé dans laquelle le RPR aurait, selon lui, été « civilement impliqué », et celle concernant Jacques Chirac ne paraît pas d’une grande rigueur. A ce jour aucune décision de justice n’a condamné le RPR ou l’UMP à indemniser la Mairie de Paris pour quelque préjudice que ce soit. De quelle implication judiciaire civile s’agit-il dans l’affaire Juppé ?
Bien au contraire, comme le constate la Chambre des comptes de l’Ile de France dans son jugement, du 29 novembre 2005 : le protocole de remboursement anticipé conclu le 19 avril 2005 atteste que l’UMP vient spontanément aux droits et obligations du RPR et verse à la ville de Paris qui lui en délivre quittance la somme de 889.618,64 €.
Bien entendu il n’est pas du ressort de cette Chambre des comptes régionale d’apprécier si oui ou non, en la circonstance, il est fondé que l’UMP vienne aux droits et obligations du RPR coupable de vilénie municipale. Sinon elle aurait noté que cette personne morale, à qui nombre d’adhérents et sympathisants prêtent bénévolement leur concours, n’est aucunement soupçonnée de recel, abus de confiance et détournement de fonds publics. Elle ne saurait alors être inquiétée voir « impliquée » en lieu et place des acteurs des faits poursuivis et condamnés par la justice. La réalité est que le RPR a été naïvement mis en cause par les justiciables, eux-mêmes, pour se défendre et se laver de leur indélicatesse sous prétexte qu’ils étaient liés à cette association politique proche du pouvoir. Apparemment, le tribunal ne s’est pas laissé convaincre.
Fait notoire, à l’actif de Nicolas Sarkozy, l’accord UMP-Mairie de Paris du 19 avril 2005 intervient après qu’il ait accepté la présidence du parti. Il faut ici admirer la force de persuasion du personnage et la qualité de sa relation avec la mairie de Paris pour conclure ce protocole de remboursement anticipé. En effet, selon une dépêche AFP du 10 juin 2004, la mairie de Paris avait avant la condamnation en Appel, déjà rejeté l’offre d’Alain Juppé de lui rembourser 1,18 M €.
Toutefois l’affaire Jacques Chirac n’est pas tout à fait identique. Alain Juppé a été jugé et condamné pour « prise illégale d’intérêt » conformément à l’article 432-12 du nouveau code pénal. Il est reproché à Jacques Chirac « détournement de fonds publics et abus de confiance » !
A lire ce chef d’accusation, toute cette embrouille aurait été crée par Jacques Chirac, maire, à l’instigation de Jacques Chirac, président du RPR, au profit du candidat Chirac à la présidence de la république. L’homme politique préféré des Français se serait donc à la fois servi de sa fonction de Maire et de sa position de chef de parti pour abuser simultanément et conjointement de ses deux responsabilités dans le but d’obtenir le financement le plus important possible en vue des campagnes électorales présidentielles du parti dont il briguait l’investiture et le soutien pour couronner sa carrière politique.
Sous cet aspect, Alain Juppé apparaît comme le rouage d’un système qui profite aux ambitions carriéristes de Jacques Chirac. Sous prétexte du précédent Alain Juppé, qui se révèle un dol ou tout comme au détriment de l’UMP, il est alors difficile de comprendre pourquoi, aujourd’hui, l’UMP de Nicolas Sarkozy serait tenue de rembourser le dommage de la mairie de Paris, si le seul et même homme met en œuvre un système pour profiter, lui-même et indirectement, des fonds communaux parisiens et de ceux du RPR afin d’atteindre un objectif personnel.
Comment ce parti respectable, absent des pourparlers ,et la Mairie de Paris peuvent-ils s’accorder, sans l’intervention de la justice au mépris du droit commun, du contribuable et au détriment du patrimoine d’une association politique :
- l’une pour établir un accord de dommages pris en compte par un parti qui ne lui a causé le moindre préjudice et n’émarge pas sur son budget ;
- l’autre pour régler un litige à propos d’un dommage résultant d’une prétendue indélicatesse de dirigeants sans scrupule du RPR ?
Si, les années antérieures étant prescrites, la Mairie de Paris accepte un remboursement des salaires versés d’octobre 92 à mai 95 aux présumés collaborateurs du RPR par l’UMP, fondée le 17 novembre 2002, celle-ci ne les a jamais eu à son service. D’autant moins que ce parti ne succède pas tout à fait au RPR de Michèle Alliot-Marie, dissous volontairement le 21 septembre 2002 par ses membres. Il rassemble le 17 novembre 2002 les restes de plusieurs formations politiques de droite dont l’UDF et Démocratie Libérale qui cumulent des pertes avant de recevoir l’aide publique basée sur les dépenses de campagne et leurs résultats aux élections de 2002. Sans parler des 2,1 millions versé en 2002 à l’ANF (Association nationale de financement) crée en mai de la même année, une coquette contribution d’environ 33,4 M € est versée en 2 fois par le Trésor Public, c’est-à-dire le contribuable, dès 2003.
En effet, c’est à une dissolution sans liquidation qu’il a été procédé, le RPR a ainsi transmis l’universalité de son patrimoine actif et passif à l’UMP. Quoi de plus juste qu’il indemnise la Mairie de Paris du préjudice que lui aurait causé le RPR, n’est-ce-pas ?
L’ennui, c’est qu’au temps de cette métamorphose, aucune revendication de la Ville de Paris n’a été prise en compte dans le bilan certifié du défunt RPR. La Mairie de Paris n’apparaît pas dans le détail du poste dettes fournisseurs et comptes rattachés, pas plus que la dette fiscale et sociale ne concerne ces emplois litigieux, ce qui aurait été l’évidence que le RPR prenait officiellement à sa charge le coût des « fonctionnaires », « missionnaires » municipaux et conseillers prétendus fictifs. N’ayant pas, lui-même, engagé ces collaborateurs, quels qu’aient été les services rendus au parti ils l’ont été illégalement, dans l’ignorance officielle de celui-ci. En ce sens le RPR, association loi de 1901, n’a pas à les connaître et, encore moins l’UMP, sans appeler en garantie et en réparation l’auteur et les acteurs du montage délictueux dont il est, lui-même, victime. Un président, un trésorier ou un membre d’association, politique ou non, ne saurait puiser à sa guise dans la caisse de celle-ci pas plus qu’il ne peut enfreindre, sans conséquence personnelle, les statuts et la loi en abusant de sa position ou fonction.
En supplément, l’acceptation par les élus du Conseil Municipal parisien, qui doit encore se prononcer sur, selon les medias, le « deal » Delanoé-Chirac-Sarkozy, en dirait long sur leur respect du droit républicain et leur conception de la probité, si en connaissance de cause, ils entérinaient de telles pratiques sous prétexte de sauver les apparences et la République. Si, en 1998, la plainte d’un particulier n’avait pas mis la justice en mouvement, Paris aurait-il vu le moindre liard de dommages ? Les responsables de ces abus ont-ils proposé d’indemniser le préjudice prescrit ? Leur volonté est donc préméditée et leur action délibérée. Après l’épisode Juppé de 2005 ce distingué aréopage municipal prêterait son aimable concours à une récidive évidente au préjudice de l’UMP en acceptant un tel arrangement.
Il est curieux à l’occasion de ce remboursement exemplaire que l’avis des instances de l’UMP n’ait pas été requis pour disposer des fonds. A croire que dans cet organe de propagande tout dévoué à la Présidence, dont le budget semble avoir financé les sondages, le respect de la démocratie gravé dans les statuts (art.4) n’a plus cours. A moins que, une fois encore, le tout-puissant Président en exercice n’aient, à l’exemple des 36 rafales brésiliens, 2 frégates russes et autres succès économiques sans suite, devancé une décision qui n’a pas encore été ratifiée statutairement en informant le Canard. Peu réaliste !
En effet, les statuts de l’UMP ne permettent pas à son président, élu pour trois ans de décider et disposer unilatéralement du patrimoine de l’association. En supplément, s’il exerce la plus haute fonction de l’Etat, pendant la durée du quinquennat, 3 secrétaires élus par le bureau politique exercent la direction du parti. En sommeil, il ne peut, statutairement, rien entreprendre personnellement ni contracter le moindre engagement au nom du parti, il ne le représente pas.
Comme il viole la constitution, quand il conduit le Gouvernement et démissionne les ministres, M. Sarkozy, président de l’UMP a, c’est vraisemblable, fait peu de cas des statuts de l’UMP en 2005 quand après la condamnation d’Alain Juppé son parti dédommagea la Mairie de Paris. Un acte qui pourrait être frappé de prescription triennale pour autant que les adhérents UMP ait été informés en toute clarté et justification de cette dépense, lors de la présentation des comptes 2005 de l’association et qu’elle ne présente pas les caractéristiques d’un dol.
De cette première affaire, tenter de récidiver, pour la tranquillité de M. Chirac, et rembourser les ¾ du coût des emplois présumés fictifs à la Mairie de Paris avec les fonds du parti est une possibilité qui vient à l’esprit de certains. Toutefois, pas plus qu’avec l’affaire Juppé, ce n’est le RPR et encore moins l’UMP qui a violé a loi sur le financement des partis et embauché, pour le compte de la mairie de Paris. C’est les services du personnel de la commune, sur la recommandation ou non des élus qui siégeaient au Conseil Municipal. qui engagèrent et rémunérèrent les employés. En conséquence, comme d’utiliser des fonds publics à des fins personnelles, c’est et demeure un délit que de puiser dans les caisses d’un parti sans exiger réparation des responsables.
D’autre part, comment expliquer la participation personnelle faramineuse de Jacques Chirac ? Elle représente plus du tiers du patrimoine de son foyer publié en avril 2007. En effet, s’il est apparu, au cours de l’enquête commencée en 1998 qu’un « fonctionnaire municipal » travaillait à Ussel dans la permanence du député de Corrèze -fait litigieux antérieur au 26 octobre 1992 et déclaré, comme tous ceux précédant cette date, prescrit en 2003 - le Maire de Paris de l’époque ne cesse de clamer son innocence et son ignorance des faits non prescrits reprochés.
Alors ? Pourquoi payer de sa propre poche et de celle de l’UMP, au prix d’un délit, des dommages dont aucun des deux payeurs n’est responsable ? Quels liens ou quelles autres affaires unissent-ils, tout soudain, le président en exercice et celui qui améliore ses maigres rentes sur les bancs du Conseil Constitutionnel en publiant des souvenirs attendrissants ? Quel intérêt commun partagent ces deux hommes pour que, selon les medias, à l’appel du second, le premier sacrifie le pécule du parti, durement amassé par Eric Woerth, victime de toutes les calomnies ?
Après tout, comme le déclara Alain Juppé lors de son procès, n’est-ce pas Eric Woerth qui venant de prendre la direction des finances du RPR en 1993, découvrit et l’informa du « système des emplois fictifs » pratiqué par le parti ? Une révélation si choquante pour ce bon Alain, maire adjoint aux finances de la capitale de 1983 à 1995, qu’il se garda d’intervenir auprès de la municipalité. Silence à l’accent d’omerta, il oublia même d’en informer son patron au parti, Jacques Chirac. En retour, bel exemple de solidarité partisane, les deux hommes, partageant, seuls, ce lourd secret qui troublait leur sommeil, omirent, pour faire cesser l’arnaque, de mettre en garde les membres du RPR à l’occasion du rapport de la trésorerie lors de l’assemblée générale.
Au plus récentes nouvelles, Xavier Bertrand, lui-même, ignore tout de ce nouvel accord et, preuve qu’il ne le rejette pas à priori, attend le protocole de la Mairie de Paris. Il considère donc pour avérée la responsabilité du RPR dans cette affaire et envisageable de soulager la trésorerie de l’UMP.
Pourquoi, selon le Canard, le parquet sous la tutelle du Garde des sceaux, défenseur des intérêts publics et du respect de la loi, a-t-il fait savoir qu’il plaiderait la relaxe ? Que décideront les juges indépendants. Passeront-ils aussi l’éponge sans la pression de l’Elysée ou, pour l’exemple, appliqueront-ils le code pénal à l’infortuné retraité, bouc émissaire de la justice, qui a si dignement servi la France ?
Les questions sont posées.
Dans l’attente, par respect pour le kalium et les plantes herbacées, permettez-moi de suggérer de ne plus recourir à l’expression galvaudée « république bananière », république française suffit.
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