Feu orange du Conseil constitutionnel à la loi TEPA
Le couperet du Conseil constitutionnel est tombé. Et c’est l’une des mesures les plus populaires du candidat Sarkozy qui passe à la trappe : la déduction fiscale des intérêts d’emprunts immobiliers contractés depuis 2002. Au-delà du fond, quels enseignements pouvons-nous tirer de cette décision ?
Le couperet du Conseil constitutionnel est tombé. Et c’est l’une des mesures les plus populaires du candidat Sarkozy qui passe à la trappe : la déduction fiscale des intérêts d’emprunts immobiliers contractés depuis 2002.
Dans sa décision du 16 août, le Conseil a en effet rejeté l’ensemble des griefs soulevés par l’opposition contre les dispositions de la loi faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, mais a censuré d’office les dispositions de l’article 5 qui étendaient aux prêts déjà contractés le crédit d’impôt institué pour favoriser l’acquisition de l’habitation principale.
Le Conseil constitutionnel a jugé que le crédit d’impôt institué par l’article 5 de la loi TEPA constituait un avantage qui, pour les prêts futurs, répond à un objectif d’intérêt général qui est de favoriser l’accession à la propriété. En revanche, les neufs Sages, plus Valéry Giscard d’Estaing membre de droit en sa qualité d’ancien président de la République, ont estimé qu’il n’en va pas de même pour les prêts déjà accordés car, par définition, pour ceux-ci, le contribuable est déjà propriétaire de son habitation principale. Il s’agit alors d’un soutien au pouvoir d’achat au bénéfice des seuls contribuables propriétaires de leur habitation principale. Dans ce contexte, le crédit d’impôt pour les prêts déjà accordés aurait constitué une rupture caractérisée de l’égalité entre les contribuables.
Au-delà du fond, quels enseignements pouvons-nous tirer de cette décision ?
Le premier est que cette décision tend à démontrer que le Conseil constitutionnel n’est pas à la botte du pouvoir alors même que huit de ses neufs membres ont été nommés par la droite. « Le Conseil fait donc du droit, et pas de la politique » : c’est ce que l’on est en mesure d’attendre de ceux qui, dans un Etat de droit, sont chargés de veiller au respect de la loi fondamentale.
Reste que, dans le cadre de la réforme des institutions à venir, bien des pistes de réflexion restent ouvertes pour faire du Conseil constitutionnel une juridiction pleine et entière :
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la nomination de ses membres est un sujet récurrent de discussion... et de polémique. Certains plaident pour que les sages soient élus à la proportionnelle ou à la majorité qualifiée par les assemblées. Dans un tel schéma, la désignation des membres du Conseil serait inévitablement soumise à des tractations partisanes - hypothèse à mon sens périlleuse - sous couvert d’assurer un pluralisme politique qu’il conviendrait plutôt d’assurer au sein même des assemblées via l’instauration d’une version amendée de représentation proportionnelle. En bref, dans ce dossier, il convient de veiller à ne pas dépolitiser d’un côté pour repolitiser à outrance de l’autre. D’ailleurs, le président de la République et les présidents de chacune des assemblées du Parlement n’ont pas péchés dans la nomination des sages. Suite au dernier renouvellement du Conseil en février, l’enceinte de la rue de Montpensier a ainsi vu s’installer entre ses murs deux éminents juristes (Renaud Denoix de Saint-Marc et Guy Canivet) et un ancien président du perchoir, Jean Louis Debré, reconnu pour ses compétences en matière de droit constitutionnel. Il conviendrait mieux selon moi de privilégier une solution intermédiaire s’inspirant des « hearings » américains, à savoir que la nomination des membres du Conseil reste de la compétence du président de la République et des présidents des deux chambres mais après sollicitation de l’approbation du Parlement, ou au moins de l’une des deux chambres (ce qui pourrait être une piste de réforme pour le Sénat...), cette solution s’inscrivant dans une visée plus globale de revalorisation du rôle du Parlement ;
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la mise en place d’un mécanisme de question préjudicielle de constitutionnalité permettant aux justiciables de soulever l’inconstitutionnalité d’une loi devant un juge ordinaire, qu’il soit judiciaire ou administratif est une autre piste innovante. Ce système aurait le mérite de mettre fin à cet insoutenable paradoxe qui veut que la Constitution renvoie à un arsenal très complet de textes protecteurs des droits fondamentaux (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, droits sociaux issus du Préambule de la Constitution de 1946, Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, Charte de l’environnement) sans que les justiciables français puissent les invoquer devant leurs propres juges nationaux, les obligeant ainsi à aller chercher des droits européens (CEDH) ou communautaires (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne). In fine, cette mesure aurait pour effet de faire de la Constitution une norme plus proche du citoyen dans la perspective de l’émergence d’un nouvel démocratique dans une République du XXIe siècle rénovée.
Yoann Gontier
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