France : L’identité nationale est-elle un concept superflu ?
D’où vient l’identité nationale ?
Parlons d’abord de l’identité qui est la reconnaissance d’un individu par lui-même ou par les autres. C’est ce qui définit en partie ou totalement un individu et le dote d’une personnalité, d’une relation d’équivalence.
Une nation est quant à elle constituée du peuple et de ses institutions, de son gouvernement, de son fonctionnement social, culturel, voire économique. La nation associe donc l’idée de peuple (qui lui est proche) à l’idée d’Etat (on parle souvent d’état nation, ce qui montre bien qu’une nation a besoin de se constituer en Etat). La nation est un terme qui sous-entend aussi une certaine unité, équité voire égalité sur certains domaines, dans le peuple qui lui est constitutif.
L’identité nationale est donc ce qui permet à un peuple, à une nation, de se définir, de trouver les points communs qui l’unifient. Elle se constitue à partir d’un ensemble d’hommes qui souhaitent vivre ensemble.
La France est une nation. Puisque l’on parle de nation, on peut donc parler d’identité nationale. L’identité nationale peut être un concept assez large comprenant le territoire, les institutions et la politique, l’histoire, le rapport à la terre, la culture (religion, langue, coutumes)… d’une nation.
La nation, c’est d’abord un peuple et un territoire. Le territoire français existe depuis longtemps, tout du moins pour ce qui concerne l’ouest de l’axe Meuse-Saône-Rhône. La frontière est a été la seule à changer de façon significative pendant notre histoire. Le territoire actuel était déjà occupé par les Gaulois dans l’Antiquité puis il a été envahi, administré et étendu par les Francs et la dynastie mérovingienne. Après le partage de l’Empire lors du traité de Verdun de 843, les contours de la France (Francie occidentale) sont déjà plus ou moins dessinés, même si la frontière reste encore en-deçà des limites actuelles. Au fil des guerres, mariages, traités... le territoire français se constitue pour prendre sa forme définitive au milieu du XIXème (après annexion de la Savoie et du comté de Nice par référendum).
Par ses frontières naturelles, la France s’apparente à une sorte d’isthme où le climat, la végétation, les sols, sont très différents, avec pour résultat une incroyable diversité de paysages (de montagne, de plaine, de littoral, de champs ouverts, de bocage, de parcelles viticoles et fruitières...).
L’actuel peuple français tient ses origines majoritairement des Gaulois, Gallo-romains, Francs, Normands puis ensuite de diverses populations de l’immigration récente, principalement venue des anciennes colonies (Asie du sud-est, Afrique du nord, Afrique Noire et DOM-TOM). La culture française est donc majoritairement latine, celte et germanique.
Culturellement parlant, la religion catholique, la plus ancienne des religions monothéistes implantée en France, est dominante, les autres religions, installées de plus ou moins longue date, sont minoritaires (protestantisme, islam, judaïsme, bouddhisme,...). Cependant, l’influence de la religion catholique a été tellement endommagée par la politique anticléricale des républicains de la IIIème république que la France, jadis fille aînée de l’Eglise, comprend également beaucoup de gens sans religion (toutefois, les sondages ne sont que des estimations). De même, l’Etat, donc la nation, s’est séparé de toute religion en 1905. On peut donc se demander si le catholicisme fait encore vraiment partie de notre identité nationale. En droit, probablement non, mais en fait, probablement oui.
La culture, c’est aussi le français qui s’est progressivement substitué aux langues régionales depuis 1539 (ordonnance qui impose le français pour tous les actes administratifs) mais surtout depuis la république : l’œuvre scolaire des républicains a été de faire apprendre la langue française à tous les Français, qu’ils soient bretons, basques, corses, lorrains, auvergnats… La culture française, c’est également notre patrimoine culinaire (qui découle d’ailleurs d’une certaine diversité agricole, climatique, physique…) et nos coutumes plus ou moins locales (habillement et chants traditionnels par exemple). La France est donc une nation culturellement diversifiée depuis très longtemps, les différences étant aussi bien locales que régionales.
Historiquement, l’identité nationale commence surtout avec la Révolution et l’héritage républicain qui en découle (le concept de nation étant proprement républicain). Cependant, on peut dire aussi que cette identité s’est forgée tout au long des époques médiévale et moderne. La France a connu un processus de « nationalisation » de son territoire qui a réellement abouti à la Révolution, acte de naissance de la nation de droit.
Malgré l’existence de particularismes régionaux forts, le Moyen Age a vu la France s’organiser autour d’un même rapport à la terre : c’est la féodalité qui a réellement organisé le territoire et la société entre le Xème et le XIVème siècle. Certains historiens remontent même à la guerre de Cent Ans pour ce qui concerne l’idée de nation, guerre qui a probablement vu la première grande manifestation du sentiment national en France.
Pendant l’époque moderne et contemporaine, la « nationalisation » de la France s’est surtout résumée à l’expansion du français. Cependant, les particularismes régionaux n’avaient pas été effacés, ce qui reléguait encore l’idée de nation au second plan. Ceci s’inverse à la Révolution par la mise en place d’un état unifié, avec de nouvelles institutions, un droit unique et une langue officielle (même si les langues régionales sont encore parlées). C’est à ce moment-là que le volet politique de notre identité nationale apparaît, puisque la nation se crée à travers son Etat et ses institutions. Tous les Français sont soumis à la même Loi, aux mêmes devoirs et ont les mêmes droits, contenus dans la Déclaration Des Droits de l’Homme et du Citoyen. Les Français sont donc théoriquement égaux face à un Etat central qui les unifie. Dans le domaine juridique, des progrès ont été faits lors de la promulgation du code Napoléon (code civil) en 1804.
Cette oeuvre a été aussi celle des républicains de la IIIème qui ont voté diverses lois, notamment des lois scolaires qui permettent à tous les Français d’avoir une base instructive commune. Ce sont eux aussi qui ont littéralement écrasé les particularités régionales, permettant ainsi l’affirmation de la nation et de son unité. Le jacobinisme a centralisé l’Etat en réduisant le rôle des provinces (notamment par le découpage en départements qui sous la Révolution) et affirmant le sentiment national.
Le fonctionnement de notre société qui est hérité des différentes républiques et de grands évènements politiques, fait donc également partie de notre Identité Nationale. Néanmoins, toute l’histoire de France peut être elle aussi et à juste titre intégrée à notre identité nationale tant avant 1789, car cette histoire est celle du peuple français constitutif de la nation, qu’après 1789, car cette tranche de l’histoire est celle de la nation française à part entière.
Il faut en outre noter que depuis 1982, les particularismes régionaux refont légèrement leur apparition avec les lois Deferre sur la régionalisation. Cependant, cela ne gomme aucunement le concept de nation qui est bien ancré dans les esprits et qui reste transcendant aux régions, l’Etat français n’étant pas devenu fédéral.
Notre identité nationale est matérialisée par des symboles : le drapeau tricolore de la Révolution (qui associe les couleurs de Paris à celle du Roi), la Marseillaise, déclarée chant national le 14 juillet 1795 (composée par Rouget de Lisle en 1792) et Marianne (allégorie de la République Française et de ses valeurs).
Pour conclure, l’identité nationale s’est d’abord constituée à partir d’une identité culturelle, sociale, caractérisant le peuple français et l’unité de ses différentes composantes, avant de se compléter et de s’accentuer par une identité institutionnelle, politique, marquée par la république, son fonctionnement et sa gestion par les différents grands mouvements politiques. La formation de la nation et de son identité en France est donc le fruit d’un long processus qui a abouti au moment de la Révolution française.
A ceux qui s’intéressent à cette identité française, je conseille de lire l’incontournable ouvrage de Fernand Braudel : L’identité de la France, en trois tomes.
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