Front National, Souveraineté populaire et alter-européisme de Gauche
Suite au coup fatal d’une violence inouïe porté par les institutions technocratiques européennes à l’encontre de la Démocratie grecque et donc par conséquent, porté à l’encontre de la Démocratie tout court, un débat est né au sein de la classe politico-médiatique et intellectuelle française sur la logique des « fronts » ; débat impulsé à l’origine par l’économiste Jacques SAPIR s’inspirant des écrits de Stefano FASSINA. Cette réflexion se base sur la nécessité de la constitution d’un front commun de libération nationale anti euro qui irait de la « gauche radicale à la droite souverainiste » et qui serait la condition « sine qua non de futurs succès », suite au constat qu’il n’y a effectivement pas d’autre politique européenne possible que la soustraction des délibérations démocratiques nationales exprimant la souveraineté populaire à la puissance normalisatrice de la finance et de la doctrine du libre échangisme instauré par les traités européens. Mais associé le Front National à une telle idée présente des risques en plus du fait que nous pouvons remettre en cause la conditionnalité exprimée.
Le Front National souille l’idée même de la « souveraineté populaire »
Il aurait été effectivement souhaitable d’associer des forces de la gauche radicale (mais pas des adeptes de l’alter-européisme) et de la droite souverainiste (mais pas de tous les souverainistes) au sein d’un front commun de libération nationale anti euro en vue de la construction d’une alternative à la politique européenne, idée sérieusement mise à mal par la lettre de Jean Luc Mélenchon adressée à Jean Pierre Chevènement et dans lequel il explique son opposition frontale à l’idée du rassemblement des « républicains des deux rives » et aussi dans une certaine mesure l’hostilité partagée par la quasi majorité des dirigeants de la gauche radicale à l’encontre d’une telle idée.
Néanmoins, l’implication d’une force d’extrême droite telle que le Front National (totalement inconcevable à l’heure actuelle, constat partagé par tous) serait dangereuse dans le sens où elle serait susceptible de favoriser l’essor d’une fracture importante au sein de la société française à défaut d’un rassemblement massif au lendemain d’une éventuelle libération. « Le souverain n’est formé que des particuliers qui le composent (…) » disait Jean Jacques ROUSSEAU dans son ouvrage Du contrat social écrit en 1762, ouvrage dans lequel il posa les fondements de cette notion politique. Chaque citoyen détient par conséquent une part de la souveraineté populaire. La réussite de ce front qui suppose dans un premier temps un projet de démantèlement de la zone euro et « l’organisation de l’économie le jour d’après » explicité à juste titre par l’économiste, un projet tel que celui-là qui pourrait s’apparenter au Conseil National de la Résistance, se base également avant tout sur un recentrage national qui nécessite l’approbation et l’adhésion de tous les Français, cela est la véritable condition sine qua non de la réussite d’un tel Front. Le projet ne peut donc se résumer à des questions techniques et économiques, domaines dans lesquels le Front National affirme des points de vue tout à fait cohérents.
Il est clair que la présence du FN dans ce projet compromettrait lors de sa seconde phase (de loin la plus importante) sérieusement le sentiment d’appartenance de tous les français à ce nouveau rêve national post-euro, principalement parce que la « rupture importante » au sein du parti a bien eu lieu au niveau des élites hyper médiatisées ayant un sens de la communication aiguisé et une certaine habileté lorsqu’il s’agit de récupérations opportunistes à des fins souvent douteuses, mais l’idée selon laquelle il y’a eu une évolution rapide au niveau de la structure et de l’essence même du parti n’est pas crédible. La réussite de l’organisation économique de la société française au lendemain de l’émancipation du carcan européiste dépend avant tout du degré d’adhésion de ce même peuple à ce projet de renouveau national car le risque de déstabilisation que présente un retour à la souveraineté nationale sans la reconnaissance d’une très grande partie de la population serait tout à fait considérable.
Comment peut-on dès lors faire adhérer le plus de français possible à ce nouvel élan avec un parti dont la majorité des cadres tant supérieurs que moyens et de la base militante défends toujours des idéologies identitaires, des théories tels que le choc des civilisations ou encore instrumentalise sans gêne et de surcroit de manière complétement décomplexée la crise humanitaire actuelle des réfugiés ? Marine Le PEN elle-même s’est d’ailleurs illustré à ce sujet sur son compte twitter en lançant un hashtag qui sous-entend assez clairement qu’il y aurait face à l’afflux de réfugiés un risque de ne plus rester français en France. La présence du Front National adepte des discours stigmatisant et de l’obsession xénophobe dans un tel projet compromettrait donc l’unité du peuple français et c’est en ce point qu’il souille l’idée même de la souveraineté populaire car ses positions en dehors du champ économique n’amènent que division.
La potentialité du Front National à parasiter l’idée du vivre ensemble est sans égale, avec une propension incompressible plus élevée que tous les autres partis politiques se réclamant être anti ou du moins alter européen à distiller de manière plus subtile que d’antan (il faut le reconnaître) des discours amalgaments, cela est je pense incontestable.
La gauche radicale doit se ressaisir
Comme je l’ai déjà dénoncé dans ma toute première publication, il existe aujourd’hui au sein de la gauche radicale française une majorité qui persistent à maintenir l’idée selon laquelle un changement est possible en inversant les rapports de forces au sein de la zone euro et que tout ne serait finalement qu’une histoire de conjoncture politique oubliant qu’il n’y a juste plus rien à discuter ou à renégocier, l’essentielle des dispositions étant gravées dans des traités ayant quasi valeurs constitutionnelles. Surmonter ce genre de discours anesthésiant est aujourd’hui l’un des grands défis de la gauche radicale française et aussi du parti communiste français, qui doit prendre conscience que rien ne changera sans briser la continuité des traités et donc à un moment donné, envisager une rupture totale si elle ne souhaite pas être dépassée sur le plan idéologique.
Cette dynamique est en marche, comme le relève Jacques SAPIR « il y’a une évolution importante au sein des forces de gauche ». L’exemple le plus récent pour illustrer cette évolution c’est Eric COQUEREL, coordinateur général du Parti de gauche et conseiller régional d'Île-de-France qui a publié le 18 août un billet intitulé Pour un sommet internationaliste du plan B dans lequel il tire toutes les conséquences de l’échec des négociations entre la Grèce et la Troïka en pointant du doigt l’erreur commise par TSIPRAS, d’avoir engagé un bras de fer avec ses créanciers sans avoir mis sur pieds au préalable un plan opérationnel de sortie de la Grèce de la zone euro et qui au bout du compte l’a conduit a accepté un accord pour lequel il n’avait pas été élu et auquel il ne croit pas. Il plaide donc d’une manière très claire pour la mise en place d’un plan B effectif pour la France dans le cas où le pays serait amené à désobéir et à SORTIR DE L’EURO face à une farouche intransigeance des institutions européenne.
La dynamique est donc en marche et c’est pourquoi je profite de cette tribune pour appeler malgré tout à une alliance entre la droite souverainiste sans ses dérives identitaires et de la gauche radicale s’étant réapproprié la notion de souveraineté populaire et bien évidemment débarrassée du fardeau totalement contre-productif de son discours anesthésiant pour avoir la possibilité de participer à la mise en place d’un projet de rassemblement national lors du retour à la souveraineté afin d’y représenter les valeurs qui sont les siennes, ne plus se laisser faire par le détroussage méthodique de ses thèmes de prédilections par ce parti d’extrême-droite anciennement plus reaganiste que Reagan lui-même. Cela donnerait toutes les chances de réussir aux dispositifs économiques.
Il ne faut pas s’y m’éprendre et se laisser piéger par un faux dilemme qui n’a pas lieu d’être : la meilleure solution pour un retour à la souveraineté nationale passe incontestablement par la capacité à élaborer un rêve national partagé par tous et susceptible d’incarner le projet économique et économique post-euro, c’est justement à ce moment précis que la France aura le plus besoin de se rassembler.
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