Hollande : vers une VIe République
Avec une cote positive de 13 %, François Hollande est impopulaire comme jamais un chef d’état ne l’avait été avant lui sous la Ve république. Il dispose pourtant d’une possibilité de sauver son mandat, et cela même sans retournement de la conjoncture socioéconomique dans les deux années à venir...
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Disons-le tout net, François Hollande est très mal parti pour terminer sur un bilan favorable un quinquennat mal engagé dès les premières semaines d’exercice du pouvoir exécutif par manque d’autorité. Un quinquennat surtout rapidement en rupture avec les promesses assénées, durant la campagne électorale, avec une feinte détermination par un candidat socialiste à la pêche aux voix.
Et ce n’est pas la fuite en avant libérale, caractérisée par l’arrivée à Matignon de Manuel Valls en remplacement du falot Jean-Marc Ayrault, puis la toute récente nomination de l’ex-dirigeant de la banque Rothschild Emmanuel Macron au ministère de l’Économie, qui sont de nature à rassurer tous ceux qui, au sein des classes populaires et moyennes, ont cru en 2012 la parole du champion socialiste. Beaucoup, parmi ces Français qui ont voté pour François Hollande, ont encore en mémoire les accents fermes de celui qui clamait alors sur un ton péremptoire « Le changement, c’est maintenant ! » ou bien encore « Mon ennemi, c’est la finance ! » Ces Français de gauche ont aujourd’hui, non plus l’impression, mais la certitude d’avoir été trompés, et l’on ne peut évidemment qu’approuver ce constat.
François Hollande est-il donc condamné à terminer son mandat aussi piteusement qu’il l’a commencé ? Sans aucun doute, si aucun élément extérieur à sa politique ne vient booster de manière spectaculaire les résultats économiques de notre pays, avec pour conséquence d’amener une embellie significative sur le marché de l’emploi. Si, comme c’est probable, aucun retournement de conjoncture spectaculaire n’intervient, le président de la République, mandat échu, pourra regagner Tulle pour aller à la pêche aux truites sur les rives de la Corrèze. En choisissant de préférence un environnement pastoral pour se mettre à l’abri de l’ire des trop nombreux Français cocufiés par la trahison de ses engagements au profit des forces du grand capital.
Cette fin de mandat en capilotade est-elle inéluctable ? Pas forcément car François Hollande dispose encore d’une carte maîtresse de nature à lui permettre, le moment venu, de sortir par le haut de ces habits présidentiels si mal taillés pour lui ? « Impossible ! », me direz-vous, à l’unisson de tous ces compatriotes qu’il a trahis et qui lui vouent désormais un profond ressentiment. Hollande est, à leurs yeux, complètement carbonisé, et la fin de son mandat devrait prendre, pour tous ces Français désabusés, la forme d’un long calvaire, d’une interminable agonie politique.
Cette carte salvatrice existe pourtant dans le jeu étriqué dont dispose encore François Hollande. Certes, elle ne permettrait pas au « président de personne », comme l’a nommé Cécile Duflot, de refaire surface en termes de résultats dans l’optique du scrutin de 2017. Mais elle lui donnerait l’occasion d’entrer dans l’histoire en ayant été celui qui a su, contre les intérêts corporatistes et les chantages des puissants barons locaux de gauche comme de droite, oser les changements réclamés à cor et à cris par une large majorité de nos compatriotes, écœurés par les dérives d’une Ve République subclaquante.
Il s’agit évidemment, et chacun l’a bien compris, d’un référendum. Nos institutions ont en effet un urgent besoin d’être réformées pour répondre aux besoins de fonctionnement d’un état moderne, dégagé du déni de démocratie lié au scrutin majoritaire, et débarrassé des personnages corrompus qui pourrissent l’image de la vie politique. Aller résolument dans cette voie, c’est aussi - et surtout - répondre aux attentes de nos compatriotes.
Or, il est impossible de compter sur les élus réunis en Congrès pour modifier en profondeur la constitution dans le sens de cette nécessaire modernisation. Croire le contraire relève de l’illusion dans un pays où les élus, sous couvert de se mettre au service de l’état et de leurs concitoyens, font carrière et servent avant tout leurs intérêts personnels. Dans un tel contexte, pas question pour eux de se résoudre à scier la branche sur laquelle ils sont confortablement assis. C’est pourquoi les changements nécessaires à la modernisation de nos institutions doivent passer par la voie référendaire. Or, le président de la République dispose du droit de proposer au peuple français ces changements. Il pourrait le faire sous cette forme :
Mes chers compatriotes,
Notre pays est, depuis de trop longues années, confronté à des difficultés sociales et économiques dont souffrent notamment les plus modestes de nos concitoyens, victimes d’un pouvoir d’achat en berne et d’un niveau de chômage beaucoup trop élevé. Malgré les orientations de notre politique et les décisions prises par le Premier ministre en plein accord avec moi-même, les résultats tardent à venir. Cela suscite des frustrations, et même, ici et là, une colère bien compréhensible. Mais la voie du redressement est désormais clairement tracée, et la situation socioéconomique de notre pays ira, n’en doutez pas, en s’améliorant de manière significative.
Les choix économiques, et leurs conséquences sociales, sont évidemment au cœur de l’action du pouvoir exécutif qui m’a été confié par le vote de 2012. Mais il appartient également au Président de la République que je suis d’agir pour que les institutions répondent le mieux possible aux attentes du Peuple français dont elles sont l’outil de gouvernance de la Nation. Or, nos institutions ne fonctionnent plus de manière satisfaisante sur de nombreux points. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre en place un Comité chargé de rédiger un projet de Constitution en vue de l’instauration d’une VIe République. Ce Comité, dont les modalités de désignation et de fonctionnement seront actées ultérieurement, sera composé d’experts juridiques indépendants des partis, mais aussi, pour la majorité de ses membres, de citoyens tirés au sort.
Toutefois, sans attendre que ce texte important et refondateur ait pu être rédigé en vue d’être validé, j’ai décidé de soumettre d’ores et déjà au Peuple français, par voie de référendum, un texte portant sur deux volets : la représentation nationale et le référendum d’initiative citoyenne. Il va de soi que ces dispositions seront intégrées dans le texte de la future Constitution si les Français, en votant « OUI » à ce référendum, en approuvent la mise en œuvre.
Il s’agit, en tout premier lieu, de revoir le mode de désignation des représentants du Peuple à l’Assemblée Nationale. À l’évidence, les députés sont trop nombreux, comme le montre la comparaison de notre pays avec les grandes démocraties qui nous entourent. C’est pourquoi j’ai décidé de diviser par deux l’effectif des députés (de même que celui des sénateurs). Les clivages partisans n’ont, par ailleurs, plus guère de sens dans notre société contemporaine. C’est pourquoi j’ai décidé que les députés seront dorénavant élus à la proportionnelle intégrale, comme cela se pratique sans difficulté chez nos voisins, y compris lorsque les résultats du scrutin imposent une coalition de gouvernement. Le temps des baronnies locales doit également appartenir au passé. C’est pourquoi j’ai décidé que le nombre des mandats successifs dans une fonction élective serait dans l’avenir limité à deux, que ce soit sur le plan national ou sur le plan local. Enfin, de la même manière que les fonctionnaires de notre pays doivent être sans tache judiciaire, il importe que les représentants du Peuple à l’Assemblée Nationale se montrent exemplaires. C’est pourquoi j’ai décidé que l’accès à la députation sera désormais interdit à toute personne ayant fait l’objet d’une condamnation pour des faits délictueux en rapport avec l’exercice d’un précédent mandat.
Le deuxième volet de ce scrutin concerne le « référendum d’initiative citoyenne ». Un « référendum d’initiative partagée » a été institué par un vote des députés et des sénateurs réunis en Congrès par mon prédécesseur en 2008. Mais ce référendum s’apparente de facto à un parcours du combattant tel que l’organisation d’un scrutin de ce genre n’a quasiment pas l’ombre d’une chance de voir le jour. Cela dit sans même évoquer le champ très limité des questions pouvant être abordées. Dénier le droit aux citoyens d’une nation moderne de procéder, sans entraves juridiques, à un acte de démocratie directe comme l’est le « référendum d’initiative citoyenne » est un déni manifeste de la souveraineté du Peuple. En conséquence de quoi, j’ai décidé de créer un véritable « référendum d’initiative citoyenne ». Il sera mis en œuvre dès lors qu’auront été recueillies les signatures de 5 % des Français inscrits sur les listes électorales, soit actuellement environ 2,3 millions d’entre nous. Le champ des questions pouvant être soumises à ce référendum sera précisé ultérieurement. Mais d’ores et déjà, je m’engage à ce qu’il soit sensiblement élargi par rapport au « référendum d’initiative partagée », y compris sur l’abrogation des lois en vigueur, quelle qu’ait été leur date de promulgation.
Voilà, mes chers compatriotes, ce que je vous propose de mettre en œuvre. Il vous appartiendra, dans quelques mois, de vous prononcer dans les urnes sur l’approbation ou le rejet de ces dispositions constitutionnelles. Vous le ferez en votre âme et conscience, sans laisser votre décision être polluée par des considérations extérieures à votre intime conviction. Afin de vous y aider, et conscient que mon avenir personnel pourrait influer sur le résultat de cet important référendum, je vous annonce aujourd’hui solennellement que j’ai décidé de ne pas me représenter lors du scrutin présidentiel de 2017.
Vive la République ! Vive la France !
François Hollande prendra-t-il une initiative de ce genre ? C’est peu probable car cela demanderait un courage qu’il n’a encore jamais montré depuis son arrivée à l’Élysée. Juché, comme sœur Anne, en haut de sa tour, à scruter l’horizon pour voir surgir au loin la croissance et, avec elle, le retour des emplois, il continuera donc probablement à croire en sa bonne étoile et à « foncer dans le mur en klaxonnant », pour reprendre une image popularisée naguère par Philippe de Villiers. Ce faisant, il finira dans les oubliettes de l’histoire. Ou, guère plus enviable, dans les anthologies de la caricature politique.
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