Il faut réhabiliter les « Fusillés pour l’exemple » !
Alors que se préparent les commémorations de l'armistice du 11 novembre 1918, alors que l'Etat, des institutions et des collectivités territoriales préparent le centième anniversaire du déclenchement de la grande guerre, il est indispensable que les « fusillés pour l'exemple » ne soient pas oubliés.
Des Municipalités ont déjà pris des initiatives comme celle qui consiste à faire apposer sur les monuments les noms de ces hommes qui méritent eux aussi d'être honorés.
Aucune victime de cette guerre ne doit être oubliée.
« J’ose dire avec des millions d’hommes que la grande paix humaine est possible. » Jean Jaurès
Certains étaient des pacifistes comme l'était d'ailleurs Jean Jaurès avant d'être assassiné, certains n'acceptaient pas les ordres stupides et les sacrifices inutiles, d'autres étaient dans l'impossibilité de comprendre les consignes, tous ont été fusillés pour l'exemple !
Depuis des dizaines d'années des associations comme la Fédération Nationale de la Libre Pensée et la Ligue des Droits de l'Homme demandent que tous ces hommes, victimes de cette grande guerre soient réhabilités .
Le Conseil général de Corrèze dont François Hollande était le président fait partie des 13 conseils généraux qui se sont prononcés pour la réhabilitation collective des « fusillés pour l'exemple ».
Nous attendons toujours que le président de la République soit fidèle aux principes défendus par l'ancien président du Conseil Général de Corrèze !
Ces hommes qui ont été exécutés sommairement et dont la réputation a été ignominieusement salie ont droit eux aussi à ce qu'on leur rende hommage.
Durant les deux premières années de cette grande guerre, avant les mutineries de 1917 et la répression féroce qui s'en suivit , 430 soldats environ, peut être beaucoup plus de soldats ont été exécutés dans le cadre de l'application des décrets du 2 août et du 6 septembre 1914 instituant des « conseils de guerre spéciaux », c'est à dire une « justice » accélérée, arbitraire et sauvage. Il fallait faire des exemples et imposer une discipline de fer afin que les hommes deviennent docilement de la chair à canon.
L’histoire du soldat de Mellionnec a donné lieu à l'écriture par Louis Guilloux d'un texte émouvant paru dans « Vendredi », le 5 juin 1936 durant l'ascension du Front populaire « Douze balles montées en breloque »
Ce texte reste très très proche des faits :
« Le Bihan était né dans un hameau où on ne parlait que le breton. Il ne savait pas le français du tout. Le peu qu’il avait appris à l’école, il l’avait oublié entièrement. Il était aussi ignorant qu’on puisse l’être, ce qui ne fût pas arrivé si on l’avait instruit dans sa langue. Il le disait, et ne comprenait pas pourquoi on ne l’avait pas fait, puisque l’institutrice, bretonne comme lui, savait naturellement le breton. Mais il était interdit à l’institutrice de parler le breton à l’école…
Il partit dès le premier jour…Un matin, le soldat Le Bihan tiraillait derrière un bosquet, quand vint l’ordre de se porter en avant. Comme il s’élançait, une balle lui traversa la main droite de part en part. Il n’en continua pas moins de courir. Mais quand, de nouveau couché par terre, il voulut recommencer à tirer, il ne le put, et le capitaine lui donna l’ordre de rejoindre le poste de secours le plus proche. Il se mit en route et après quelque temps arriva au poste ou il montra sa blessure à un major, qui parut extrêmement intéressé…Le major lui posa diverses questions, auxquelles Le Bihan ne répondit pas, ne les ayant pas comprises. Le major n’insista pas. D‘une part, il n’avait pas de temps à perdre, et, d’autre part, il avait ses idées arrêtées sur la discipline aux armées, et la manière de la faire observer. Il griffonna quelque chose sur un bout de papier, qu’il remit à Le Bihan, et donna l‘ordre a un planton de le conduire plus loin à l’arrière, ce qui fut fait …. Le Bihan se laissa conduire où l’on voulut …. Or, aussitôt « remis aux autorités » et le billet du major déchiffré, le soldat Le Bihan fut conduit au poteau et fusillé. Accusation : « blessure volontaire à la main droite. »
Pour conclure cet article, voici un extrait d'une délibération du conseil régional de Champagne-Ardenne, en date du 25 juin 2012 :
« Durant la première guerre mondiale, 2400 soldats français ont été condamnés lors de jugements expéditifs et arbitraires, rendus par des conseils de guerre spéciaux, pour refus d’obéissance, abandon de poste ou mutinerie rendus par des conseils de guerre spéciaux. Plus de 650 d’entre eux ont été fusillés pour l’exemple. Ces « fusillés pour l’exemple » sont morts pour la France et par la France. Ils n’étaient pas des lâches comme les autorités militaires ont voulu le faire croire. Ils se sont insurgés devant l’hécatombe, contre les échecs répétés des assauts sous la mitraille. Au chemin des Dames en 1917, entre Reims et Soissons, plus de 200 000 soldats ont péri en quelques semaines. Après cette désastreuse offensive, 40 000 soldats refusent de monter au front et dénoncent des erreurs de commandement. Sous les bombardements incessants, dans une boue trempée de sang, plongés dans le désespoir, ils ont refusé d’être sacrifiés pour rien, de mourir lors d’attaques condamnées à l’avance. […] il est temps de reconnaître la mémoire de ces soldats qui sont allés jusqu’à l’extrême limite de leur force et de leur humanité. Tous ces hommes ont été injustement dépossédés de leur honneur. Il appartient à la République de la leur rendre et de réparer cette injustice comme le demandent leurs descendants et nombre d’associations. Le Conseil régional apporte son soutien à cette réhabilitation pleine, publique et collective de tous les « fusillés pour l’exemple » de la guerre de 1914-1918 et demande au Président de la République de prendre une décision forte en ce sens. »
Jean-François Chalot
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