Il y a 40 ans, ils assassinaient Salvador Allende
Alors que le Grand Orient de France rend un hommage appuyé, ce soir à la mémoire de Salvador Allende, il est de notre devoir de nous souvenir de ce jour-là… le 11 septembre 1973, dans le palais de la Moneda, les armes à la main, ils assassinaient la liberté, l’égalité et la fraternité en la personne du Président du Chili. Cette dictature durera jusqu’en 1990.
Ce jour-là, les putschistes militaires, avec à leur tête le sinistre Général Pinochet, prenaient le contrôle de la capitale. En prélude à des milliers d’arrestation, ils avançaient vers le palais présidentiel, siège officiel du pouvoir, mais surtout le symbole d’une démocratie triomphante et portée par un Front Populaire, incarné en la personne du président socialiste Allende. Les bombardements avaient déjà atteint le palais présidentiel en flamme, les principaux collaborateurs d’Allende avaient quitté les lieux à sa demande express., seule la Radio Magallanes fonctionnait encore, et Salvador Allende s’est adressé une dernière fois au peuple chilien, message désormais partie intégrante du patrimoine de l’humanité.
« Ils vont sûrement faire taire Radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son de ma voix. Peu importe, vous continuerez à m’écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d’un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et humilier. Allez de l’avant, sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure ». Cette voix, couverte par les rafales de mitraillettes je ne peux pas l’écouter sans avoir la chair de poule, alors que quarante longues années se sont écoulées. Ce message-là, à un prix, celui du sang et du courage. Un long tunnel sombre et obscur allait s’ouvrir sur dix-sept interminables années de terreur.
Mais je pense aussi Víctor Lidio Jara Martínez, célébre chanteur chilien, assassiné par les militaires après qu’on lui est coupé les doigts le 15 septembre. L’écrivain Miguel Cabezas, témoin de la scène raconte :
« " On amena Victor et on lui ordonna de mettre les mains sur la table. Dans celles de l’officier, une hache apparut. D’un coup sec il coupa les doigts de la main gauche, puis d’un autre coup, ceux de la main droite. On entendit les doigts tomber sur le sol en bois. Le corps de Victor s’écroula lourdement. On entendit le hurlement collectif de 6 000 détenus.
L’officier se précipita sur le corps du chanteur-guitariste en criant : " Chante maintenant pour ta putain de mère ", et il continua à le rouer de coups. Tout d’un coup Victor essaya péniblement de se lever et comme un somnambule, se dirigea vers les gradins, ses pas mal assurés, et l’on entendit sa voix qui nous interpellait : " On va faire plaisir au commandant. Levant ses mains dégoulinantes de sang, d’une voix angoissée, il commença à chanter l’hymne de l’Unité populaire, que tout le monde reprit en chœur.
C’en était trop pour les militaires ; on tira une rafale et Victor se plia en avant. D’autres rafales se firent entendre, destinées celles-là à ceux qui avaient chanté avec Victor. Il y eut un véritable écroulement de corps, tombant criblés de balles. Les cris des blessés étaient épouvantables. Mais Victor ne les entendait pas. Il était mort »
Cela se passait dans le stade de Santiago du Chili. Le général criminel Augusto Pinochet règne sur le pays, il a alors 58 ans et déchaîne toute sa haine à l’égard de l’Unité Populaire, il en traquera les moindres replis et s’acharnera à détruire ses artisans un par un, avec une barbarie sans pareil.
L’attaché naval militaire américain, chargé du lien avec les autorités putschistes ose écrire à son gouvernement : « la réussite du putsch est proche de la perfection… » ; Pinochet crée dans les premières heures du coup d’état la DINA, véritable police secrète qui orchestrera une répression terrible, systématique et foudroyante. Oui l’attaché militaire américain avait trouvé les mots justes, terribles et criminels, mais justes.
Ce sont des centaines de personnalités politiques, syndicales et artistiques qui sont exécutés chaque semaine. La terreur nazie est de retour. On sait aujourd’hui, que ce ne sont pas moins de 1 271 personnes qui ont été assassinées durant les trois premiers mois du coup d’état. La valse effroyable de la torture et du meurtre bat son plein sous le regard et l’autorité directe des généraux putschistes et du premier d’entre eux, Augusto Pinochet.
Au final, le bilan de ces années noires, ce sont aussi plus de 7 000 personnes arrêtées pour leurs opinions, parquées dans des stades et déportées. Mais ce sera aussi un million de Chiliens qui vont s’enfuir du pays et prendre le chemin de l’exil. Ils échappent aussi aux nombreux camps de concentrations ouverts par le nouveau gouvernement sanguinaire de Santiago du Chili : Chacabuco au nord du pays, Penalolena aux portes de la capitale.
Un silence de mort souffle sur le pays, saigné au plus profond de son âme… il se perd parmi les morts jusqu’aux murs du cimetière de Santiago où 3 500 noms rappellent à l’humanité entière leur martyr et leur sacrifice.
N’oublions jamais ce crime contre Allende, contre le peuple chilien, et contre l’humanité entière. N’oublions jamais ces criminels et surtout ne perdons pas de vue que cette action été directement pilotée par les services de la CIA, avec à leur tête Henry Kissinger, étrangement prix nobel de la paix et le président de Etats-Unis d’alors, Richard Nixon. Ceux-ci s’étaient fixés comme but d’éliminer toutes les forces de gauche du continent sud-américain. Ce plan avait un nom : le plan Condor… les massacres pouvaient commencer !
Mais aujourd’hui, 40 ans après le Chili restauré dans la démocratie, mais toute l’Amérique du Sud aussi s’est sortie des griffes du plan Condor et a mis en échec les sordides arrangements américains. Oui, les dernières paroles de Salvador Allende étaient prophétiques, les « grandes avenues » se sont belles et bien ouvertes aux peuples d’Amérique du sud. Mais elles sont encore fragiles… les américains, encore eux, les grandes oligarchies financières, les réactionnaires de tous poils y sont aux affuts… pour déstabiliser les régimes démocratiquement mis en place.
Aujourd’hui, l’association des magistrats du Chili a présenté ses excuses pour ces « actions et omissions », dixit ! La vigilance est plus que jamais de rigueur et la « paix » fragile, les forces obscures à l’œuvre il y a quarante ans, les bourreaux de Salvador Allende ont des « enfants » prêts à exécuter toutes les mauvaises œuvres !
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