Ingénu ou machiavélique, le président trace une route dont on perçoit la destination : la ruine
N’en déplaise à Macron, les affaires de l’Etat ne se conduisent pas comme celles d’une startup ou d’une épicerie et s’il avait eu un soupçon de curiosité, la somme d’expérience exprimée dans la littérature classique aurait pu davantage l’avertir sur les difficultés qui ne manqueraient pas de paver le chemin sur lequel il s’est engagé. A ce titre, un auteur s’est particulièrement distingué mais hélas pour lui, ce n’est pas Paul Ricoeur, dont la lecture, bien qu’intéressante, pourrait sans grande conséquence être épargnée aux présidents. D’ailleurs, le soudain regain de popularité de cet obscur chercheur doit sans doute davantage à l’impérieux besoin d’habiller le nouveau président d’une carapace d’intellectualité sensée améliorer une crédibilité qui s’est fracassée sur la fête de la musique de l’Elysée, entre autres, car ce ne fut qu’un début. Pour trouver quelque chose de sérieux sur l’art de gouverner, il eut fallu lire Machiavel, le penseur qui donnait des conseils aux princes. Certes, ses leçons commencent à dater mais s’il est une chose qui n’a certainement pas beaucoup évolué depuis son époque, c’est la nature humaine. Mais Machiavel, sous couvert de conseiller les princes, écrivait surtout pour les peuples et il serait suicidaire, en tant que peuple, de spéculer sur l’improbable bêtise de Macron, car l’autre hypothèse est qu’il agit de façon parfaitement éclairée et que ses frasques sont autant de diversions destinées à brouiller la visibilité ce qui est à l’œuvre. Voyons donc ce que nous dit Machiavel, ange ou démon ?
Aucune phrase mieux que celle-ci ne résume la situation dans laquelle se trouve empêtré notre jeune président : « Ceux qui de particuliers deviennent princes seulement par les faveurs de la fortune ont peu de peine à réussir, mais infiniment à se maintenir ». Soutenu par les puissances financières et médiatiques davantage que par son talent, même s’il n’en est pas dépourvu, le président aurait dû éviter certains écarts de langage et de comportement, par rapport une certaine normalité attendue à son niveau, en conservant à l’esprit que la crédibilité qu’il a dilapidée en de multiples occasions aurait été sa principale alliée pour affronter les épreuves actuelles. Certes, le prince souhaitait la rupture mais mieux conseillé, il aurait dû savoir que cette rupture était en tension avec sa crédibilité, ce qui dévoile avant tout sa méconnaissance de la nature humaine. Peut-il gouverner sans connaitre le cœur des hommes ? Quelques indices soulèvent des doutes, en particulier s’agissant de la qualité des personnes visibles dont il s’est entouré.
« Il n'est pas de peu d'importance qu'un Prince sache bien choisir ses ministres car, selon sa prudence, ils seront bons ou mauvais. Et l'on peut juger de la cervelle d'un seigneur rien qu'à voir les gens dont il s'entoure. Quand ils sont compétents et fidèles, on peut croire à sa sagesse [ ] ; mais s'ils sont les contraires, on peut douter de ce qu'il vaut lui-même, [ ] ». Les démissions en cascade des « poids lourds » du gouvernement ou de proches conseillers apportent donc un éclairage sur la « cervelle » de Macron et chacun peut apprécier la compétence des ministres et conseillers qui défilent de plus en plus rarement sur des plateaux télé où ils se contentaient, de toute façon, de réciter les éléments de langage élaborés par d’obscurs communicants qui leur tenaient lieu de maîtres à penser. Ce qui a été gagné en cohérence a été perdu en sincérité, en spontanéité et sans doute aussi en autonomie. Il est vrai que ses ministres ne semblent pas au service du peuple mais au service d’une idéologie et que la pérennité du profit qu’ils peuvent tirer de la république dépend davantage de leur capacité de mémorisation que de leur imagination. Mais les français ne sont pas dupes et le clonage d’homme lige a surtout eu pour effet de détourner les citoyens de la politique et de les inciter à reprendre le contrôle de leur destin, d’où cette lutte pour le RIC.
« Quand le hasard fait que le peuple n'a plus confiance en personne, comme cela arrive parfois, ayant été trompé dans le passé par les choses ou par les hommes, on en vient nécessairement à la ruine ». C’est très exactement la situation qui semble être aujourd’hui celle de la France et si l’on en croit Machiavel, elle ne nous promet rien de moins que la ruine. Certes, cette ruine pourrait faire les affaires de certaines idées puisque les Etats forts, dont la France, sont probablement le principal obstacle à la réalisation de cette utopie qu’est l’Europe non plus des nations mais en tant que nation, l’avènement d’un supranationalisme régional avant qu’il ne poursuive son extension au reste du monde. Encore une fois, ce type de projet, tout comme le communisme en son temps, méconnait fondamentalement la nature humaine et ne peut que générer des souffrances et la ruine, c’est le chemin sur lequel s’est engagée la France aujourd’hui, celui que viennent de quitter les USA et le Royaume Uni, pour ne citer que nos principaux modèles. Mais revenons à ce peuple qui subit les conséquences de choix qui ne sont pas les siens et qui souffre jusque dans ses libertés fondamentales, progressivement restreintes au nom d’une sécurité qui semblait pourtant si naturellement assurée il n’y de cela qu’une trentaine d’année, une éternité.
Machiavel nous avertit que « quiconque ayant conquis un État accoutumé à vivre libre, [et] ne le détruit point, doit s’attendre à en être détruit. Dans un tel État, la rébellion est sans cesse excitée par le nom de la liberté et par le souvenir des anciennes institutions que ne peuvent jamais effacer de sa mémoire ni la longueur du temps ni les bienfaits d’un nouveau maître. Quelque précaution que l’on prenne, quelque chose que l’on fasse, si l’on ne dissout point l’État, si l’on n’en disperse les habitants, on les verra, à la première occasion, rappeler, invoquer leur liberté, leurs institutions perdues, et s’efforcer de les ressaisir ». Sans doute n’est-ce pas un hasard si la première valeur de notre devise est la liberté, celle auquel le français est le plus attaché. Puisqu’un tel peuple ne se soumettra jamais à l’oppression d’une utopie supranationale, il semble que le problème ne puisse être résolu que par la migration et le remplacement, solution qui ne manqueront pas d’éveiller l’attention de ceux qui soucieux des soldes migratoires auront constaté que de nombreux diplômés choisissent de s’expatrier, à tel point que ce serait devenu un phénomène de masse. Un prince qui souhaiterait fusionner la France dans une entité supranationale aurait tout intérêt à adopter des mesures qui amplifieraient ce phénomène, tel que l’accroissement des taxes et impôts en tous genre, ainsi que cette fameuse dette dont personne ne voudra assumer le remboursement.
Le projet de supranationalisme suppose que les français acceptent un transfert vers des autorités étrangères des décisions concernant leur avenir, ce qui est déjà partiellement le cas aujourd’hui. Machiavel nous enseigne que l’une des conditions pour la réalisation de ce projet, dès lors qu’elle touche à la liberté, ce qui semble être le cas avec les réformes engagées par l’Europe sur le droit du travail, est la dispersion du peuple de France et la dissolution de l’Etat. Sans savoir ce qui se trame dans la tête de nos dirigeants, il semble que la situation actuelle prenne le bon chemin pour la réalisation de ces conditions. Toutefois, le supranationalisme n’a de sens que si cette utopie est partagée et aujourd’hui, il est frappant que les USA, la Grande Bretagne, la Russie et la Chine entre autres, c’est à dire les grandes puissances de demain, s’en écarte. Il se pourrait donc que l’on assiste au suicide de la France en tant que grande puissance. Ce suicide sera achevé dès lors que l’Allemagne aura pris toute la mesure de sa puissance et aura coupé le cordon ombilical avec les autres états européens, ou les aura digérés. Avec un budget de la défense de 43 milliards d’Euros, sans dissuasion, contre 36 milliards pour la France, soit un différentiel réel d’environ 10 milliards d’euros par an, il est probable que cette divergence, qui nous laissera sur les bas-côtés de l’histoire, interviendra dans moins d’une dizaine d’année. A ce moment, Macron sera loin, très loin, et probablement très riche.
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