Interview de Nicolas Sarkozy : quoi de neuf sur le plan économique ?
Nicolas Sarkozy donnait jeudi 24 avril 2008 une interview très attendue par les Français. Quelle analyse peut-on faire des déclarations du président de la République sur le plan économique ?
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L231xH187/nicolas-sarkozy-2-2-aa624.jpg)
J’ai regardé l’interview de Nicolas Sarkozy avec un regard qui se portait vers l’entreprise et la conjoncture économique. D’habitude en regardant cet exercice je m’ennuie au bout de quelques minutes. Quel que soit le président. Cette fois-ci, je suis resté les 90 minutes, et j’ai continué sur la soirée débat qu’organisait France 2.
Un président rassembleur pour la France ?
Si vous n’avez pas regardé l’interview, vous avez manqué quelque chose. C’est un ovni médiatique que nous avons vu : Nicolas Sarkozy était à la fois lui, et pas lui. C’était un mélange entre le Nicolas Sarkozy, que vous avez connu en campagne électorale, et un président de la République (au sens où les Français l’attendent).
J’ai prêté attention à sa façon de faire, plus particulièrement s’il allait se mettre dans la peau de Jacques Chirac comme il avait pu le faire ces dernières semaines : je ne l’ai attrapé qu’une fois. Dans sa posture et sa façon de répondre. De façon assez choquante puisqu’à ce moment j’ai cru recevoir sans la demander une image subliminale du président Chirac.
Les décors étaient sublimes, mais l’organisation de l’espace avaient des airs de monarchie : c’est une impression de verticalité qui ressort. Tout d’abord avec l’organisation dans l’espace des gens : la place du président Nicolas Sarkozy en haut de l’écran ; en dessous, les journalistes, puis encore en dessous le "public". Mince et peu étalé en largeur. Ensuite, il y a les rideaux, les drapeaux et les piliers de la salle de l’Élysée lorsque le réalisateur élargissait les plans. On a l’impression que ces éléments de décor sortaient de terre ou du ciel. Enfin, les couleurs : du rouge entre sang et ocre, et du jaune or.
Les gens ont sans doute besoin de repères.
Sur certains aspects, Nicolas Sarkozy avait presque l’accent d’un PDG d’entreprise. A un moment de l’interview, il a même laissé filer le mot “masse salariale” en référence aux fonctionnaires de l’éducation ; avant de se reprendre pour préciser le contexte du mot.
Bref : pour moi, il a plutôt bien réussi à faire la synthèse entre son électorat très à droite et celui de la gauche modérée. A ce titre, ses propos sur l’immigration en référence aux grèves de sans-papiers pour obtenir une régularisation illustrent bien ce grand écart.
Alors qu’Yves Calvi le questionnait sur ce thème, il a d’abord pris des accents très droitiers jusqu’à remonter habilement son discours sur les valeurs de la France partagées par les électeurs de gauche modérée.
Regardons ce qui concerne plus spécifiquement les chefs d’entreprise, maintenant.
La conjoncture mondiale est mauvaise
C’est officiel, cela va mal dans le monde sur le plan économique. Ne souriez pas, c’était important que Nicolas Sarkozy le dise : jusqu’alors le Français moyen ne pouvait qu’entendre de source sûre et officielle que deux personnes ou entités. Soit Christine Lagarde et ses histoires de marquise et de Bisounours parce que tout va bien. Soit de l’autre l’opposition voire le FMI qui annoncent la fin du monde.
Dire de cette façon que la conjoncture est mauvaise était presque un acte politique. Je l’ai ressenti comme une annonce avec toute la solennité qu’un président peut donner, sans diminuer son importance. Dans le même temps, Nicolas Sarkozy a considéré (et c’est une seconde inflexion par rapport à Christine Lagarde) que la conjoncture mondiale joue un rôle important dans la conjoncture française ; en précisant que le volontarisme pouvait permettre de trouver des solutions.
Au chapitre des mauvaises nouvelles économiques constatées par Nicolas Sarkozy :
- la crise des subprimes (il est revenu plusieurs fois dessus, il en a remis au passage une couche sur le PDG de la Société générale) ;
- l’augmentation du pétrole et des matières premières ;
- le ralentissement de la croissance mondiale.
Au chapitre des bonnes nouvelles économiques constatées par le président de la République :
- le chômage (le taux de chômage est actuellement à 7,5 % en France) ;
- 200 000 chômeurs de moins l’an passé ;
- une croissance française amenée à faire mieux que l’Allemagne cette année et l’année prochaine (faisant référence à un rapport du FMI sur la croissance mondiale).
Je l’ai senti venir sur l’augmentation des créations d’entreprises en France en 2007. Mais non... pourtant, ce chiffre est une excellente nouvelle pour l’économie.
Les réformes vont accélérer... mais pas d’annonce fracassante pour les entreprises
Le président de la République s’est adressé aux Français et a rappelé des réformes en cours. Il n’a pas évoqué de nouveautés qui intéressent spécifiquement les dirigeants. Nicolas Sarkozy a cependant rappelé des réformes qui nous concernent, en cours ou qu’il souhaite ardemment mener à terme :
- augmenter la concurrence (dans le secteur de la grande distribution, mais pas seulement) ;
- favoriser l’intéressement aux résultats dans les petites et moyennes entreprises ;
- réformer malgré les corporatismes privés (j’ai tout de suite pensé aux chauffeurs de taxi) ;
- supprimer les lois Galland et Raffarin (marges arrière et tailles des grandes surfaces) ;
- réforme du marché du travail (licenciement par consentement mutuel, par exemple) ;
- réforme de la représentativité syndicale.
J’attendais des nouvelles plus en rapport avec les petites et moyennes entreprises.
Notamment des nouvelles du rapport Attali sur la croissance française, et du rapport Hurel sur l’auto-entrepreneuriat. Le second est moins polémique que le premier, Nicolas Sarkozy aurait pu envoyer un message de soutien à ce rapport dont on n’entend (malheureusement) plus parler.
En conclusion : Nicolas Sarkozy donne de la cohérence à ses réformes et fait de la pédagogie.
C’est le fond de cette interview : donner de la cohérence aux réformes, faire de la pédagogie, viser individuellement un large panel de Français, se poser en président de tous les Français.
Les entrepreneurs et dirigeants se consoleront en se disant qu’il y a encore quelqu’un aux manettes avec de la volonté, malgré les récentes mauvaises nouvelles. Chiffres économiques français, conjoncture mondiale, crise du pouvoir d’achat, inflation. Ces nouvelles ne manquaient pas.
Je ne sais pas si Nicolas Sarkozy va globalement dans la bonne direction. Mais il va globalement quelque part. C’est déjà plus conforme aux attentes des Français ?
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