Jacques Chirac, ou l’insoutenable dérive de la France
Jacques Chirac ne briguera pas de troisième mandat. Une demi-surprise. Et une excellente nouvelle pour la France. Son bilan en tant que chef d’Etat est « globalement négatif ». Il y avait urgence car il laisse aux jeunes générations une France à la dérive. Pas facile dans ces conditions de bâtir son avenir. Mais nous sommes prêts à relever le défi par « amour pour notre pays ».
Je suis venu vous dire que je m’en vais. Fin du suspense dimanche soir. Jacques Chirac a annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Une demi-surprise. Depuis plusieurs semaines des signaux avaient été régulièrement émis laissant supposer ce scénario. Tel le Petit Poucet et ses cailloux.
La première sage décision depuis probablement sa candidature en 1995 !
Avec le retrait de Jacques Chirac, ce n’est pas une page mais un chapitre de l’histoire politique contemporaine de la France qui se tourne au regard de la longévité de sa carrière, 40 ans, et des responsabilités exercées : ministre, deux fois Premier ministre et deux fois président de la République. Un CV unique sous la cinquième République.
Donc que l’on soit d’accord ou pas avec son action politique, que l’on aime ou pas Jacques Chirac, il faut lui reconnaître ce destin "exceptionnel’’. Et respecter l’homme.
Mais ce retrait, temps propice à l’émotion donc à l’altération d’une mémoire qui incline au pardon, ne doit pas nous rendre aveugle sur le bilan de son action. Bien sûr, les historiens diront que nous manquons encore du recul nécessaire pour bien l’apprécier par rapport à son époque. Est-ce vrai tellement les stigmates et les blessures de son inaction sont aussi visibles et aussi douloureuses ?
Concernant la politique intérieure et les réformes qui étaient indispensables à mettre en œuvre pour redresser la France, le bilan est sans conteste "globalement négatif". On le sait, la France, après ses douze ans de présidence, se porte plus mal. Pas un indicateur au vert : paupérisation sociale, détérioration des performances économiques (déficit record de la balance commerciale, baisse de la compétitivité), déclassement professionnel pour nombre de catégories, précarisation de l’emploi, inertie du marché du travail, dégradation des comptes publics (prélèvements obligatoires au plus haut, un taux d’endettement jamais atteint, une charge insoutenable reportée sur les futures générations), affaissement de l’autorité de l’Etat, fragilisation de la paix civile avec une société éclatée et minée par des tensions intercommunautaires. Ses postures contre les extrêmes sont restées vaines car insuffisantes. Que peut en effet le verbe contre un mal-être profond et durement ressenti frôlant le désespoir ? Les Français sont inquiets pour leur avenir. Aucune réponse de nature à les rassurer n’a été apportée. Aux autres le sale boulot !
Certes tous ces maux existaient sous Mitterrand. Mais ils se sont aggravés sous Chirac.
Sans parler de sa pratique de l’exercice du pouvoir qui trahit une soif inextinguible pour ce dernier, un mépris pour le peuple (aucune remise en cause en dépit de revers historiques pour un président en exercice) et une conception personnelle voire autocrate. De la dissolution manquée en 1997 à sa cohabitation de cinq ans en passant par sa réélection par défaut en 2002 et le "non’’ fracassant au référendum sur le traité européen, Jacques Chirac affiche une impressionnante série d’échecs.
En politique étrangère, le bilan est tout aussi discutable. A y regarder de très près on se rend compte que la France a perdu de l’influence en Afrique et au Proche-Orient. Sa voix est moins écoutée dans l’ensemble. Bien sûr, il y a l’exception qui confirme la règle ou plus exactement l’arbre qui cache la forêt, car c’est la seule action à la hauteur de notre place dans le concert diplomatique : l’Irak, où Jacques Chirac a brillé par son "non’’, son refus "gaullien’’ aux Etats-Unis. Mais qu’en reste-t-il ? En quoi l’intervention de la France a-t-elle contribué à améliorer la situation ? Quel projet a soutenu la France par la suite ? L’Histoire là aussi risque d’être sévère.
Car pour l’environnement, autre cheval de bataille de notre président, il faudra revoir. Les progrès au niveau international restent marginaux.
On aurait donc aimé qu’il fasse un mea culpa aux Français comme il l’a fait à son dernier sommet européen. Mais rien. L’humilité n’a pas sa place. Que des compliments. Normal, il faut réussir à tout prix sa sortie.
C’est pourquoi, d’une façon générale, il y avait urgence que Jacques Chirac lâche enfin prise. Je lui souhaite tous mes meilleurs vœux pour cette nouvelle vie de "retraité’’. Retraite active ou pas, de loin ou de près en politique. Toutefois, s’il pouvait raccrocher définitivement, cela nous ferait extrêmement plaisir.
Mais il aurait été bien et mieux inspiré que Jacques Chirac se retire plus tôt. Il serait sorti par la grande porte. Et grandi également. Raté ! Dommage pour lui. Mais surtout pour la France et lesFrançais qui paient une lourde facture. Mais lui s’en lave les mains car sa vie est derrière désormais et non devant lui. Ce qui n’est pas le cas pour nous, jeunes générations qui devons construire notre avenir.
Pas facile à partir d’un pays à la dérive. Mais nous sommes prêts à relever le défi, à reprendre la barre pour redresser le cap. Par "amour pour notre pays’’ comme l’a si bien dit Jacques Chirac mais si mal montré.
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