Jean-Marc Ayrault : l’heure de la démission
Le Président de la République révoque son Premier ministre (ou le fait démissionner), soit en cas de désaccord, soit lorsque la popularité de ce dernier est insuffisante. Il choisit alors un Premier ministre populaire, ou un Premier ministre avec lequel il est d'accord, et de préférence les deux. L'objet de cet article est de faire un peu de prospective.
Jean-Marc Ayrault : l'heure de la démission
Nous disposons d'un outil relativement fiable qui est la cote de popularité des Premiers ministres. Il y a eu sous Mitterrand, en 1992, le passage d'Edith Cresson à Pierre Bérégovoy. Elle était à 22%/76% [ndlr : 22% de confiance, 76% de défiance]. Auparavant en 1984 le passage Mauroy/Fabius : 25%/68%. Sous Chirac, le passage de Raffarin à de Villepin, en 2006 : la cote du Premier ministre était à 22%76%. Notons que François Fillon n'a jamais été dans une configuration plus mauvaise que 35%/65%, ce qui peut expliquer sa longévité. Rocard est resté, lui aussi, très populaire ; lorsqu'il a quitté ses fonctions, il était à 45%/55% (mais il était en désaccord avec Mitterrand, si bien que les analystes de cette période parlent parfois de "cohabitation"). Raymond Barre - sous VGE - est tombé au plus bas juste avant les élections (à 25%/69%) de 1981. Bref : un Premier ministre tombe quand sa cote de popularité descend en-dessous du seuil critique de 25%.
Où en est donc notre Premier ministre ? Jean-Marc Ayrault a bénéficié, en début de mandat, de deux phénomènes. D'abord, personne ne le connaissait, ce qui lui a permis de jouir d'un capital de sympathie. Ensuite, l'état de grâce présidentiel a rejailli sur lui. Mais voilà, les courbes de popularité se sont croisées remarquablement vite. Si l'on suit cette tendance, il lui reste encore - si tout se passe comme prévu - environ trois à quatre mois de travail avant d'être révoqué (TNS-Sofres). D'autant plus que, si l'on observe l'actualité, à chaque fois qu'un nouvel évènement est créé par le gouvernement, c'est soit un échec par le vide (la revalorisation du RSA) parce que personne n'en entend parler, soit un échec par le plein de critiques (la revalorisation du SMIC au "carambar par jour" [selon Mélenchon], PSA, Florange et les dossiers du monde de l'entreprise, ou Notre Dame des Landes), voire le "scandale" Jérôme Cahuzac qui est arrivé plus tôt que prévu. (ci-dessous, données TNS Sofres, Jean-Marc Ayrault et Edith Cresson, 2012, 1992).
Trois candidats : Valls, Aubry, Mélenchon
Pour Pacques, nous aurions un nouveau Premier ministre. Mais qui ? Le Président de la République va avoir le choix. Il devra nécessairement choisir un Premier ministre populaire, avec lequel il sera d'accord de préférence. Il y a le choix Manuel Valls, avancé par les médias, qui l'ont d'ores et déjà choisi. Homme "de gauche" le plus populaire, "Vice-Président" selon le Nouvel Observateur, Manuel Valls a toutes les qualités pour être un bon candidat. Toutefois, sa popularité vient de passer de 46% à 39% en décembre. Le problème de Valls est qu'en dépit de sa popularité, il est peu populaire dans son propre camp. L'affaire des Roms et ses discours sécuritaires feraient de lui un Premier ministre de gauche très à droite, susceptible de fragiliser encore la solidarité du groupe parlementaire PS au Parlement et de renforcer les communistes et le front de gauche dans le challenge de passer devant le PS pour une "majorité alternative".
Il y a la solution "Martine Aubry" qui est vraisemblablement le choix du consensus. Femme, au CV bien rempli, incontestablement de gauche et toujours assez populaire (32%), Martine Aubry cumule les avantages. Femme politique aguerrie, avec un réseau très vaste de soutiens (ancienne énarque, apparatchik reconnue au PS), elle était au second tour des primaires au PS, elle porte aussi sur elle une partie du prestige lié à sa participation aux réformes sociales - et notamment la réduction du temps de travail - sous le Gouvernement Jospin. Sans aucun doute, elle parviendrait à faire consensus dans son camp et même à faire taire une partie des oppositions, notamment de la gauche de gauche, sur la gestion des dossiers sociaux. Certes, elles est un peu moins libérale que François Hollande lui-même, mais tous deux partagent la culture de la haute fonction publique et peuvent constituer, dans l'adversité, de solides alliés de circonstance.
Enfin, voilà un candidat qui ne manquerait pas de faire parler de lui. Jean-Luc Mélenchon s'est proposé comme candidat au poste de Premier ministre. Ce serait un bon candidat. Il est populaire, sa cote est remontée de 28% à 29% en décembre et - visiblement - il a des idées. Son assise sociale à gauche est très large, puisqu'il a su convaincre 11,1% des Français (4 millions) de voter pour lui aux présidentielles. Par ailleurs, 3 millions d'électeurs de François Hollande au Premier tour ont été captés par le discours sur le vote utile. Autrement dit, Mélenchon a été entendu et approuvé par 7 millions d'électeurs. Par ailleurs, il a un soutien important du monde de l'entreprise et notamment des syndicalistes. Au moment où la chute de popularité du Président Hollande est liée à la mauvaise gestion, en termes économiques comme en termes de communication, des dossiers sociaux, il donnerait au Gouvernement une base sociale solide. Le problème, c'est justement qu'il est en désaccord avec cet allié potentiel, tant sur la forme que sur le fond et que, s'il nommait Jean-Luc Mélenchon, ce serait pour perdre le contrôle effectif du Gouvernement. Avec Mélenchon Premier ministre, François Hollande réaliserait son rêve : être un Président normal pour un régime type "IIIe République". On pourrait alors voir le quinquennat se terminer avec l'élection d'une Assemblée constituante, a fortiori si la droite s'extrêmise.
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