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L’environnement, dernier alibi de l’Union européenne

Trois ans après le non français au référendum sur le Traité constitutionnel, le peuple irlandais vient de refuser la copie quasiment conforme du Traité de Lisbonne. Si, pour certains optimistes comme le Premier ministre polonais, M. Donald Tusk, il ne s’agirait que d’un «  incident référendaire  », beaucoup de commentateurs estiment que la construction européenne est en panne. Mais la réalité est bien pire. Il serait plus juste d’admettre que cette nouvelle étape ne fait qu’aggraver une crise profonde dans laquelle les institutions communautaires s’enfoncent un peu plus chaque jour. S’il en était besoin, le vote irlandais prouve une nouvelle fois que l’Union européenne ne fait plus illusion. Libérale, atlantiste, antidémocratique, l’Europe que l’on construit sous nos yeux n’est définitivement pas celle des peuples. Dans ces conditions, que reste-t-il pour sauver les apparences  ? Bien peu de choses, sans doute. A moins de trouver une crise plus grave encore que celle de la construction européenne. Un problème majeur, d’avenir, grâce auquel l’Europe pourrait facilement redorer son blason... Un problème comme celui du changement climatique.

Rien de tel que l’écologie, en effet, pour faire oublier le désastre social des politiques européennes et laisser croire au citoyen que l’on se soucie de son bien-être et de celui des générations futures. M. José Manuel Barroso ne dit pas autre chose lorsqu’il estime le sujet «  important sur le plan politique, parce que cela peut réconcilier l’Europe avec les nouvelles générations qui parfois ne se reconnaissent pas dans notre action  » (1). C’est ainsi que les délégués européens, puisant leur inspiration dans le succès de M. Al Gore, ne ménagent pas leur peine pour paraître «  en pointe du combat pour le climat  » à chaque sommet où ces questions figurent à l’ordre du jour. Il y a fort à parier que le camouflet du Traité de Lisbonne annonce un redoublement d’activité en la matière, et ce dès le début de la présidence française de l’Union.

Malheureusement, les déclarations d’intention ne peuvent se substituer à un bilan objectif des politiques menées. Et c’est bien là que le bât blesse. Si l’Europe avait à subir un audit environnemental, ce dernier montrerait à quel point ses choix ont contribué à la destruction des écosystèmes en donnant une priorité absolue à la concurrence libre et soi-disant non faussée.

Très bien structurés, les lobbies ont en effet su forger la réglementation communautaire en fonction de leurs intérêts, l’institution répondant avec un zèle remarquable à leurs attentes. Pour la table ronde des industriels européens (ERT), puissante organisation patronale, il est évident que «  les meilleurs accords sont ceux proposés par l’industrie  » (2). Dès lors, on comprend mieux la grande timidité de certains textes, à l’image du programme REACH sur les produits chimiques, remodelé par les grands groupes privés pour échapper à une contrainte trop forte. On comprend aussi que le programme de développement des transports adopté par l’UE reprenne très largement le rapport de l’ERT sur le sujet, qui prône un développement autoroutier massif, la création de nouveaux aéroports et de lignes à grande vitesse, afin de satisfaire «  le marché  ». Ou que le brevetage du vivant soit maintenant autorisé pour le plus grand bonheur des marchands d’organismes génétiquement modifiés (OGM).

C’est d’ailleurs dans le domaine agricole que l’imposture écologique de l’Union est sans doute la plus criante. En dépit de sa croisade pour le climat, elle continue à consacrer 50 milliards d’euros à une Politique agricole commune destructrice de l’environnement, engraissant toujours les exploitations intensives. Non contente de promouvoir le productivisme, l’UE s’attache par ailleurs à dénaturer l’agriculture biologique. Le règlement 834/2007 qui entrera en application le 1er janvier 2009 introduit dans le bio un seuil de contamination par les OGM (0,9 %) qui s’imposera à tous les Etats  ! Dans le même temps, les annexes de la directive encadrant l’utilisation d’OGM sont toujours inappliquées pour ce qui touche à leur évaluation, les parodies d’études présentées par les multinationales étant encore, à l’heure actuelle, acceptées les yeux fermés.

Enfin, pour ne laisser aucune illusion sur ses réelles motivations, l’Union défend avec ardeur la bourse des droits à émettre des gaz à effet de serre, déjà théâtre de nombreuses manoeuvres spéculatives. Entre le marché libre et la contrainte réglementaire, le choix est ainsi fait. Tant pis si l’efficacité n’est pas au rendez-vous, les rejets des entreprises concernées par ce système ne cessant de croître.

Face à cette réalité, la conclusion s’impose d’elle-même. L’Europe sociale n’existe pas  ; l’Europe écologique non plus. Fondamentalement libre-échangiste, l’Union fonce dans le mur de la concurrence effrénée, où le pire est toujours gagnant d’un point de vue commercial, qu’il s’agisse de conditions de travail ou d’impacts écologiques.

Malheureusement, personne sur la scène politique française n’ose encore établir ce constat. Le tout nouveau Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP) veut briser ce tabou et montrer la construction européenne telle qu’elle est  : un outil au service des puissances financières. Alors, de deux choses l’une. Soit il est possible de la réformer rapidement, en profondeur, et ceux qui le pensent doivent nous expliquer comment. Soit il est trop tard, et il nous faudra sortir de cette Europe-là pour en construire une autre, radicalement différente, fondée sur des valeurs de solidarité, de coopération et de préservation des équilibres écologiques.


Aurélien Bernier
Secrétaire national du M’PEP en charge des questions environnementales
http://www.m-pep.org/
Blog personnel : http://abernier.vefblog.net/
 

(1) Le plan d’action de la Commission européenne, 13 mars 2007, http://www.touteleurope.fr

(2) «  Europe Inc. - Comment les multinationales construisent l’Europe & l’économie mondiale  », Observatoire de l’Europe industrielle, AGONE, 2005.


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8 réactions à cet article    


  • Cug Cug 29 juillet 2008 11:20

    Votons la prochaine fois pour un candidat qui rendra le pouvoir au peuple et respectera sa volonté, enfin si il y en a un .


    • Plum’ 29 juillet 2008 11:40

      L’Union européenne repose actuellement sur le dogme de « la concurrence libre et non faussée ». Lutter pour sauvegarder l’environnement nécessite de fausser gravement la concurrence dans les nombreux domaines qui touchent à l’environnement. Il y a là une incompatibilité totale (que n’ont pas du tout comprise les Verts et Cap 21, perdant ainsi toute crédibilité).

      Tant qu’elle sera prisonnière de ce dogme, et rien ne montre qu’elle veut s’en libérer, l’Union Européenne ne pourra pas défendre efficacement l’environnement.


      • Vincent Perrier-Trudov Vincent Perrier-Trudov 29 juillet 2008 13:41

        Vous passez sur la directive REACH comme s’il s’agissait d’un coup d’épée dans l’eau. C’est tout à fait malhonnête.

        Cette directive est une avancée majeure dans la longue marche de la contrainte des grandes entreprises vis-à-vis des nécessités environnementales.

        C’est un peu facile de jeter l’opprobe sur un texte sous prétexte qu’il n’est pas parfait. En attendant, c’est beaucoup mieux que ce qui existait avant, c’est à dire rien !

        Voici donc, pour ceux qui s’y intéressent, ce qu’est cette directive : elle impose aux grands groupes pétrochimiques de prouver l’absence de nocivité de leurs produits existants et également celle de leur produits à venir avant leur mise sur le marché.

        Jusqu’à présent, les BASF et autres Bayer commercialisaient une molécule (par exemple un insecticide), et lorsque l’on s’apercevait, des années après qu’elle était nocive, on la retirait en trainant les pieds et en gagnant le maximum de temps.

        Tout ca pour commercialiser la même molécule un peu modifiée, et relancer le processus.

        REACH impose désormais d’une part de prouver l’absence de nocivité de toutes les molécules présentes sur le marché, et ensuite de prouver avant leur mise sur le marché l’absence de nocivité de leurs innovations.

        Et ça, ça compte pour du beurre ? Pour vous, cela ne vaut rien ?

        L’Europe, que vous décrivez comme "libérale, atlantiste et anti-démocratique" a été capable de faire ce qu’aucun autre Etat n’a fait avant elle : faire plier les multinationales pétro-chimiques.

        Et cela n’est pas tout. L’Europe a également été la seule à faire plier Microsoft, pour abus de position dominante, non pas seulement en imposant une amende pour passer l’éponge, mais en infligeant une astreinte jusqu’à ce que l’infraction ait disparue.

        L’amende était de 1 milliard d’euros. L’astreinte a cumulé 500 millions. Même pour Microsoft, cela commence à faire beaucoup. Et devinez quoi ? Ils ont revu complètement leur copie pour leurs OS suivants.

        Et cela aussi, cela compte pour rien ? Vous pensez que c’est la France toute seule, avec son petit drapeau bleu-blanc-rouge qui aurait pu imposer cela ?

        Votre attitude anti-européenne est suicidaire. Parce que c’est la seule institution capable de nous défendre face aux excès de la mondialisation.

        Les institutions européennes sont un contenu. Le contenant - les politiques suivies - c’est à nous de les insuffler. Le TCE était une bonne chose de ce point de vue là, car avec la majorité qualifiée sur un plus grand nombre de sujets, il aurait été plus facile de faire passer des réglementations écologiques.

        Vous en doutez ? Lorsque vous êtes dans un système d’unanimité, un seul pays peut tout bloquer. Il suffit aux USA de "convaincre" les dirigeants tchèques ou polonais - comme ils l’ont fait pour le bouclier anti-missiles, pour bloquer une réglementation qui ne leur conviendrait pas.

        Dans un système de majorité, les pays nordiques (Finlande, Danemark, Suède), qui sont souvent en pointe en la matière, auraient naturellement eu moins de mal à dégager une majorité pour des textes de cette nature.

        Quand vous dénigrez REACH, vous tirez contre votre propre camp. Quand vous tirez sur l’Union Européenne, c’est vous-même que vous handicapez.

        Ouvrez les yeux !

        http://vincentperriertrudov.wordpress.com


        • HELIOS HELIOS 29 juillet 2008 18:22

          Personne ne pretend qu’iil ne faut pas d’Europe....

          Ce que les porteurs du NON expriment, c’est que l’Europe des peuples doit passer avant l’Europe des financiers. En clair c’est une autre Europe.

          A partir de l’Europe qui existe aujourd’hui, consacrant POUR L’INSTANT les traités signés jusqu’a Nice, on peut parfaitement ecrire et faire voter par tous les peuples d’Europe un traité (rien a voir avec le TCE ou Lisbonne) qui consacre :

          Un mecanisme DEMOCRATIQUE basé sur le parlement et la commisssion
          Des principes forts (puisqu’une constitution n’a pas de sens pour plusieurs peuples) a appliquer...
          Et des objectifs clairs a atteindre, par etapes... dans le respect de chacun des etats membres. Le premier est justement le vote par referendum pour tous les pays, des choix majeurs...

          Apres, on pourra se preoccuper des détails.


        • Plum’ 29 juillet 2008 19:51

          Ouh la la... Et vous osez prendre Microsoft pour exemple, alors que la commission européenne ne s’est occupée que de problèmes annexes en n’osant pas s’attaquer à l’essentiel : la vente liée forcée de Windows dans presque tous les ordinateurs de grande diffusion, permettant ainsi de s’assurer un quasi-monopole sur les ventes aux particuliers. Sans parler de la lamentable affaire des brevets logiciels où la commission européenne a cédé aux grands lobbies comme Microsoft pour annuler un vote du parlement.

          Et vous osez traiter d’anti-européen ceux qui refusent de telles méthodes ! Ne serait-ce pas vous qui êtes anti-européen, en étant incapable de défendre les intérêts des Européens ? En leur faisant croire à des leurres ! Que Microsoft aurait cédé sur quelque chose d’essentiel, quelle galéjade !


        • Francis Francis 30 juillet 2008 13:12


          Et cela n’est pas tout. L’Europe a également été la seule à faire plier Microsoft, pour abus de position dominante, non pas seulement en imposant une amende pour passer l’éponge, mais en infligeant une astreinte jusqu’à ce que l’infraction ait disparue.

          Non, ils n’ont pas fait plier M$, M$ a tout fait pour reculer l’exécution des jugements rendus, et cette entreprise continue à faire vivre son monopôle en imposant notamment son navigateur avec ses OS.

          L’amende était de 1 milliard d’euros. L’astreinte a cumulé 500 millions. Même pour Microsoft, cela commence à faire beaucoup. Et devinez quoi ? Ils ont revu complètement leur copie pour leurs OS suivants.

          A l’échelle des bénéfices réalisés par M$, cette amende est une blague, voire une incitation à l’infraction. Bref, le ratio avantages/inconvénients penche clairement pour ces premiers. Ils n’ont donc pas revu complètement leur copie.

          Et cela aussi, cela compte pour rien ? Vous pensez que c’est la France toute seule, avec son petit drapeau bleu-blanc-rouge qui aurait pu imposer cela ?


          Tout à fait, il suffit d’une simple loi votée par le Parlement. En clair, d’une volonté politique. Voyez comme celui-ci a pu voter une législation spécifique à propos des faucheurs d’OGM ...


          Concernant la directive REACH, je ne connais pas assez bien le sujet pour la commenter, ceci étant, j’attend encore son application.

          Le TCE était une bonne chose de ce point de vue là, car avec la majorité qualifiée sur un plus grand nombre de sujets, il aurait été plus facile de faire passer des réglementations écologiques.


          A condition que ces réglementations ne fasse pas obstacle à la "conccurence libre et non faussée", ne l’oubliez pas !


        • xray 29 juillet 2008 16:51

          De cette Europe du fric, des banquiers et des ânes, on n’en veut pas ! 

          Dès l’instant où l’on a parlé de construire l’Europe, on pouvait observer que les plus acharnés à « construire l’Europe » étaient les plus incompétents en tous domaines. On aurait dû se méfier. 

          ÉCHO-EUROPE (L’EURO-INJUSTICE) 
          Anéantir toute forme de responsabilité que le pouvoir ne peut contrôler. 
           

          Elle est belle ! L’EUROPE ! 
          http://echo-europe.blogspace.fr/ 

          Il fallait voter NON ! 
          http://mondehypocrite.midiblogs.com/files/Il_fallait_voter_NON_.doc 


          • judel.66 29 juillet 2008 22:03


             finalement il faut inciter l’allemagne , premier pollueur européen , a arreter ses centrales polluantes au lignite et a construire des centrales nucléaires......

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