La fin de l’embauche à vie des fonctionnaires ?
C'est bien connu, pour pouvoir exister, les hommes ou les femmes politiques ont besoin de se démarquer et de créer le Buzz.
Est ce la logique de la sortie de Christian Jacob, patron des députés UMP qui a lancé récemment une « réflexion » sur la pertinence de l'embauche à vie des fonctionnaires ?
On ne saura jamais ce qui est passé dans la tête de l'intéressé mais on pourra constater que sa sortie a fait un flop. Le Ministre en exercice de la Fonction Publique, Georges Tron, en a profité pour rappelé délicatement : « ...ils y a des formules qui permettent aujourd'hui de travailler comme agent public sans pour autant être titulaire ». Belle métaphore pour dire que la précarité est désormais bien organisée dans la Fonction Publique.
La proposition de C. Jacob :
Il réfléchit à la pertinence de l'embauche à vie des fonctionnaires (pour bien sûr la restreindre) nous dit-il et comme effrayé par son audace il parle de contrats d'objectifs permettant de passer du secteur public au secteur privé et vice versa. Il précise quand même que cette mesure serait compliquée pour les ministères régaliens (finances, défense, intérieur, justice) et qu'elle ne concernerait que les cadres et les nouvelles embauches.
Autrement dit, C. Jacob ne propose rien et aurait mieux fait de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de proférer cette ânerie.
Mais finalement cette sortie n'était-elle pas destinée uniquement à stigmatiser la Fonction Publique en ces temps de crise, le reste n'ayant pas beaucoup d'importance. On peut le penser à la lecture de réactions enregistrées sur le web où l'on nous ressert les lieux communs des fonctionnaires payés à rien foutre et qui emmerdent le monde.
Un peu comme si M. Jacob, intrumentalisé par le « Château » avait voulu provoquer son petit débat polémique, à l'instar de celui sur l'identité nationale piloté par E. Besson dans le seul but de « cliver » à quelques mois de l'élection présidentielle.
Monsieur Jacob est tout sauf une buse. Il a exercé plusieurs fonctions ministérielles depuis 1992, dont celle de Ministre de la Fonction Publique dans le gouvernement de Villepin entre 2005 et 2007 et à ce titre il doit savoir que sa proposition de passerelles entre public et privé se heurte à quelques difficultés.
Quelques exemples
Tout d'abord il convient de rappeler que les objectifs du secteur public et ceux du privé sont antinomiques, les premiers visant à assurer l'intérêt général, les seconds visant la recherche du profit maximum pour les actionnaires.
Ensuite dire que bon nombre d'entreprises privées travaillent pour le secteur public par le biais de marchés publics et de délégations de service public et que le conflit d'intérêt serait omniprésent.
On voit mal par exemple un cadre de l'équipement (exemple pris par M. Jacob) s'occupant des marchés de construction ou de la gestion des contrats de délégations d'autoroute dans son ministère aller faire un tour pendant 5 ans dans ces entreprises ou dans leurs filiales et revenir gentiment à son poste tout en ayant gardé son sens de l'impartialité.
On imagine sans peine le débauchage auquel se livreraient ces entreprises afin de préserver leurs marges à deux chiffres dans la durée.
Monsieur Jacob semble par ailleurs avoir oublié (c'est bête pour un ancien Ministre de la F. P.) qu'il existe depuis 1995 une commission de déontologie ayant pour rôle de contrôler le départ des agents publics vers le secteur privé en veillant à ce que ces départs ne soient pas incompatibles avec leurs précedentes fonctions.
En fait, ce que propose M. Jacob, c'est le noyautage de la Fonction Publique par les intérêts privés et un système de corruption organisée. C'est grave.
Pauvre Fonction Publique
Elle n'avait pas besoin de cet énième sortie destinée à la destabiliser. Déjà mise au régime sec par le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, elle n'a déjà plus les moyens d'assurer les missions qui lui sont confiées, y compris dans les domaines régaliens de la police et de la justice sans parler des enseignants jetés en patûre devant des élèves sans formation préalable.
Le rêve absolu des libéraux qui nous gouvernent, c'est la suppression des statuts des fonctions publiques (Etat, Territorale, hospitalière) et l'intégration des salariés dans des agences dont les statuts permettraient le recours à l'embauche d'agents de statut de droit privé.
C'est en gros ce qui s'est passé à France Télécom où des carottes salariales ont été présentées aux fonctionnaires pour qu'ils renoncent à leur statut public. On voit à quoi on est arrivé dans cette entreprise ou les méthodes managériales ont abouti à pratiquer la destabilisation systématique à coup de réorganisations et de restructurations avec en prime des cas de harcèlement avérés dont certains se sont terminés tragiquement.
Sans attendre le changement de statut, certaines collectivités publiques (Etat et collectivités locales) pratiquent déjà ces méthodes : mobilité forcée, changement de métiers sans formation préalable (au nom de la polyvalence), projet d'organisation fumeux pilotés par des consultants extérieurs, externalisation de tâches (pour le plus grand profit financier de cabinets privés), deviennent la règle au mépris du service public et de ses usagers qui devront payer de plus en plus cher les services proposés et deviendront des clients.
C'est cela qui est à l'oeuvre actuellement et la sortie de M. Jacob s'inscrit parfaitement dans cette logique et ce contexte qui plairont tant aux « marchés » et aux agences de notation.
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