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Accueil du site > Actualités > Politique > La « France périphérique » : vers la sécession ?

La « France périphérique » : vers la sécession ?

Article publié sur Demosthene2012 , blog politique

Christophe Guilluy n’est pas un géographe du sérail et il ne feint pas la neutralité académique. Son dernier livre a fait du bruit non seulement dans le Landerneau géographique mais surtout dans la presse – Libération où Laurent Joffrin prenait conscience que « le peuple, le plus souvent, n’est plus avec la gauche » ou Marianne et du côté des hommes politiques (Marianne rapporte qu’ « il a fallu faire parvenir d’urgence deux exemplaires au cabinet de Valls en pleine rédaction de son discours de politique générale »). C’est peut-être l’une des clés des polémiques enfiévrées qui entourent son dernier ouvrage, La France périphérique, comment la gauche a sacrifié les classes populaires publié chez Flammarion. Dans le petit milieu des géographes, plutôt ancré (très) à gauche, Guilluy dérange car son travail « colle » très bien à des questions d’actualité et qu’il ne prétend guère à la seule objectivité scientifique. Son dernier livre, publié quatre ans après Fractures françaises, utilise à la fois les codes de la recherche et ceux du pamphlet. De nombreux géographes nuancent ses thèses mais la plupart s’engagent clairement contre son travail, sous-entendant qu’il dérive vers des idées de plus en plus suspectes à leurs yeux.

La thèse principale du livre reprend pourtant le travail entamé dans Fractures françaises : une partie de la société française serait tentée par la sécession, le repli sur soi mais aussi la mise en place d’une « contre-société » anti-élitaire. Pas toute la société française, pas la France des grandes métropoles intégrée à la mondialisation. Tout ce qui n’est pas cette France-là, celle des élites, des CSP+ mais aussi des migrants des métropoles. Selon Guilluy, 60 % de la France serait « périphérique », reléguée à l’écart des grandes métropoles par les impératifs de la compétitivité mondialisée. Ces « oubliés » sont surtout ouvriers, employés, chômeurs et ont quitté les centres à cause du coût du foncier, des délocalisations industrielles. Guilluy rejoint, dans son analyse de la gentrification de nombreux quartiers autrefois populaires, les travaux d’Anne Clerval (auteur de Paris sans le peuple, et pas franchement tentée par l’extrême-droite…) qui ironise sur ces Parisiens qui défendent la mixité sociale tout en « cultivant une sociabilité endogame comme la plupart des groupes sociaux, mais aussi l’évitement scolaire ». Ces populations modestes ont fui, par la suite, les périphéries immédiates afin d’éviter la cohabitation avec de nouvelles populations, immigrées celles-ci. Ce repli, cette fuite, s’est faite sans violence, sans bruit mais a été systématique, selon Guilluy qui parle d’ « échec de la cohabitation avec les populations immigrées », de « stratégie résidentielle d’évitement des quartiers sensibles (…) qui a permis de faire baisser les tensions en réduisant les territoires de contact ». Selon Guilluy, la situation des quartiers « sensibles » n’est pas si désespérée dès lors qu’ils sont proches des grandes métropoles et bénéficient de la politique de la Ville : la mobilité résidentielle est y la plus importante de France, ce qui implique une certaine mobilité sociale. Les quartiers « sensibles » des petites villes industrielles, eux, n’ont pas cette chance, encore moins le « périurbain subi » (l’exemple de Brignoles y est largement développé).

Il démontre ensuite, de façon convaincante, la corrélation entre le vote Front National et la France des « oubliés ». Dans son interview donnée à Slate.fr, Guilluy résumait son propos de façon assez abrupte et démontait le mythe d’une France des classes moyennes  : « Les catégories qu’on croyait être des classes moyennes ne le sont plus. Il s’agit plutôt d’une population qui a pris en pleine gueule la mondialisation, mais concrètement. C’est-à-dire avec une déflation salariale, la précarisation sociale, la paupérisation et la fin de l’ascension sociale pour les enfants, d’où le vote des jeunes prolétaires pour Marine Le Pen ».

Des géographes universitaires comme Eric Charmes (spécialiste de la périurbanisation) reconnaissent la qualité des cartes de l’ouvrage ainsi que la validité d’une grande partie des constats dressés par Guilluy. Cependant, et nous le rejoignons sur ce point, c’est lorsque l’ouvrage vire au pamphlet et développe des thèses non seulement polémiques mais peu étayées par des preuves concrètes qu’il pose problème, et question. Non que Guilluy soit illégitime à développer l’idée d’une « contre-société » qui émerge dans cette France éloignée des grandes métropoles, qui recrée un « village », de nouvelles solidarités mais est aussi tentée par un rejet radical des élites. Mais Eric Charmes a raison d’écrire que Guilluy fait alors de la politique et que son discours devient « performatif » : « Son discours ne décrit pas la réalité, il contribue à l’engendrer ». L’analyse d’Eric Charmes, la plus limpide et dépassionnée qu’il nous ait été donné de lire, pose enfin une question essentielle et qui est, au final, éminemment politique : « quelle place accorder aux conflits sur les valeurs par rapport aux dimensions économiques des fractures sociales ? »

Parce qu’il pointe avec force et radicalité ce conflit des valeurs entre une France des élites qui prend les électeurs du FN « pour des débiles » et une France périphérique tentée par la sécession, le livre de Christophe Guilluy dérange. Il reprend avec une délectation certaine les analyses du think tank Terra Nova en 2012 sur « l’impossibilité de revenir sur le divorce culturel qui sépare les ouvriers du PS. Très critiqué à gauche, ce think tank avait vu juste, et son diagnostic est d’ailleurs valable pour l’ensemble des couches populaires (…) Sur les sujets fondamentaux de la mondialisation, du libre-échange, de l’immigration ou du multiculturalisme, le dialogue est devenu impossible. » Guilluy s’amuse ici, lui qui fut proche du courant de la « Gauche populaire » qui s’opposait justement à Terra Nova.
Parce qu’il utilise des mots qui gênent aux entournures, Guilluy irrite : il explique le « séparatisme territorial » existant entre les classes populaires anciennes et celles d’origine immigrée par « l’angoisse compréhensible de ne pas souhaiter être ou devenir « minoritaire » sur un territoire donné » et stigmatise à l’inverse les classes dominantes qui ont « les moyens de la frontière invisible avec l’autre » en concluant par cette formule plutôt bien trouvée : « Aux classes dominantes, qui vivent le « multiculturalisme à 5 000 euros par mois », et pour qui la solution passe par plus de mixité, les classes populaires, celles qui vivent le « multiculturalisme à 1 000 euros par mois » répondent séparatisme ». Il se réjouit donc (à raison) que la politique de la Ville inclue désormais les petites villes paupérisées de la France « périphérique » mais se demande s’il n’est pas déjà « trop tard » : les classes populaires remettent au cause l’Etat-providence, assimilé à des aides considérables pour des populations immigrées et non pour eux, alors que ce sont précisément ces classes « qui en ont le plus besoin ».

Il nous semble, pour conclure, que la médiatisation du livre de Christophe Guilluy est salutaire mais qu’il est bien difficile de savoir comment ce livre - et les thèses qu’il porte, peut influencer nos dirigeants. Salutaire car il permet de mettre fin à un angélisme qui avait déjà du plomb dans l’aile - la société française non comme on souhaiterait qu’elle soit mais comme elle est réellement, ce qui peut, dans un monde idéal, conduire à des politiques liées à des réalités observables. Ce qui permettrait, toujours dans un monde idéal, de reconnecter ces deux France à défaut de les réconcilier tout à fait. Salutaire également car il pointe le mépris de certaines élites (gardons-nous de généraliser) pour une France peu éduquée, prolétaire et sans avenir qui ne comprendrait rien et montre la réaction de cette France qui, percevant ce mépris, ne s’en laisse pas compter et réagit par un rejet de plus en plus radical. Salutaire enfin car, toutes à leur joie de créer et développer des métropoles hyperconnectées (certes utiles et nécessaires), nos élites régionales et nationales sont bien obligées de voir ce que le Front National a déjà observé depuis longtemps - comme en témoigne l’implantation de Steeve Briois à Hénint-Beaumont, par exemple, et la thématique sociale et protectionniste portée par son parti dans la région.
Sans réaction rapide, en particulier un renouvellement politique profond, le « morcellement et l’éclatement de la société française paraissent inéluctables », conclut un Guilluy prophétique. Il est pourtant à craindre que les thèses de Guilluy, polémiques et perturbantes, soient surtout reprises comme des « éléments de discours » par les politiques, ce qu’ils ont au demeurant déjà commencé à faire. Manuel Valls a utilisé des phrases entières du livre dans son discours de politique générale, Nicolas Sarkozy parle de Français déboussolés tentés par des solutions extrémistes. Il y a fort à parier que les thèmes soulevés par Guilluy seront à nouveau au cœur des futures campagnes électorales, surtout celle de 2017. A l’évidence pour attirer des votes. Quant à s’en servir pour élaborer de véritables stratégies politiques utiles à la « France périphérique », qu’il soit permis d’en douter.

Demosthene2012


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12 réactions à cet article    


  • lsga lsga 28 novembre 2014 19:20

    Une analyse de la situation proche du zero intellectuel. Le terme « Capitalisme » appairait même pas dans l’article, c’est dire...

     
    Et puis, les classes populaires françaises ont été gavées et engraissées pendant des décennies par un État Providence Impérialiste, financé sur le pillage de l’Afrique. 
     
    Non, ce n’est que maintenant que le Capitalisme va leur marcher sur la gueule. Ce n’est que maintenant que « le peuple » (la classe moyenne obèse française) va devenir « de gauche », c’est à dire prolétaire. 
     
    Vivement. 


    • VICTOR LAZLO VICTOR LAZLO 28 novembre 2014 22:49

      Lgsa

      Vous dites :« Et puis, les classes populaires françaises ont été gavées et engraissées pendant des décennies par un État Providence Impérialiste, financé sur le pillage de l’Afrique. »
      Décidément, salauds de pauvres !
      Le pillage de l’Afrique ??? Vous parlez de ces capitalistes noirs qui vendaient leurs compatriotes aux capitalistes blancs, sans doute ?
      Ou alors de ces rois et aristocraties africaines qui partageaient avec les capitalistes coloniaux blancs les fruits de leurs pillages et exactions ? Et de leurs successeurs aussi vénaux et « internationalistes » que nos dirigeants à nous...
      Africains, européens, nous sommes constitués de la même maniére. 
      Pour le reste la « classe moyenne obése » te dit bien des choses, ilgsa.

      • lsga lsga 28 novembre 2014 23:16

        1. Je ne réfléchis pas en termes de « pauvres » et de « riches », mais en termes de bourgeois et de prolétaires.

         
        2. Je ne réfléchis pas en termes de blanc et de noir, mais en termes de bourgeois et de prolétaires.
         
         
        Je vous la refais proprement :
         
         
        Si les bourgeois le pouvaient, ils donneraient un niveau de vie élevé au plus grand nombre. Mais, ils en sont incapables, car c’est incompatible avec le fonctionnement même du Capitalisme qui repose tout entier sur le profit, comme une cathédrale repose sur une clé de voûte. 
         
        Nous pouvons passer un nouveau niveau civilisationnelle. Il faut sortir du Capitalisme, passer au Socialisme. 
         
        Les larmoiements de la classe moyenne européenne qui pleure encore et encore la disparition de son système social national deviennent insupportable. Cette classe moyenne européenne, qui veut toujours plus de matières premières africaines, et toujours moins d’africains, est exécrable. 
         
        Qu’ils soient blancs, noirs, catholiques, esquimaux, ou pastafariens n’a absolument aucune importance. Ce n’est pas la question. La question c’est : Quand est-ce que le prolétariat européen va enfin renverser son oligarchie ? et ainsi pouvoir instaurer une démocratie directe avec le prolétariat africain ? Je crois, malheureusement, que cela ne se produira pas avant que la classe moyenne européenne ne soit écrasée par les lois du Capitalisme. Mais bon.. on ne sait jamais...
         


      • Yvance77 Yvance77 29 novembre 2014 09:44

        Salut,
        .
        Ce que vous évitez soigneusement (à dessein ou pas va savoir) est de mentionner que c’est un des inspirateurs d’Eric Zemmour et ceci transparaît dans son « Suicide Français » !
        .
        Depuis que je vis - et bien - dans une de ces zones, je ne peux que faire ce constat là également. Les galères sont immenses dans une contrée un poil reculée qui ne bénéficie plus d’attention soutenue comme les zones difficiles socialement.
        .
        Pas de transports en commun fréquents, désertification médicale, emploi plus que précaire (même se rendre à Pole qui n’emploie plus est une souffrance), stress continuel, les Restos du cœur n’y sont pas.
        .
        A choisir à Saint Denis, Le Mirail ou l’Ariane tu as plus de possibilité


        • eric 29 novembre 2014 09:46

          J’ai brièvement rencontré Guilly lors d’un diner à la maison et j’ai lu son précédent bouquin.
          Plein de choses passionnantes.

          Un sentiment général, il vient intellectuellement des gauches, et si il est en train de se libérer de ses œillères, il conserve des réflexes conditionnés...

          Les ouvriers n’ont jamais voté à gauche : dire que le PS s’éloigne du peuple est une illusion d’optique et peut être même une prétention injustifiée....

          le « vote ouvrier » cela a toujours été de l’ordre de 80% d’abstention. Qui plus est un bon million de fonctionnaires sont statutairement des ouvriers. Or, les fonctionnaires ouvriers votent comme des fonctionnaires ( c’est à dire beaucoup) et pas comme des ouvriers.

          Les force vives des gauches ne sont certainement pas massivement des grands bourgeois ultramondialisés au coeur des processus de modernité, contrairement à ce qu’ils aimeraient croire....

          En pratique, et dans toutes les sensibilités politiques, et par construction, ce sont ceux qui réussissent le mieux que l’on voit le plus et que l’on entend le mieux parmi les cadres. Alors ok, les grands oligarques qui financent la presse de gauche sont des oligarques ultra mondialisés. Les patrons du PS sont tous énarques. Mais c’est vrai partout. « Même au Fn », il y a des tas de chef d’entreprise qui bossent dans le monde entier avec aisance.

          La faiblesse du FN à Paris par exemple, ou la force relative du PS, peut tout a fait s’expliquer par le fait que dans un pays très centralisé, le nombre de fonctionnaire par habitant y est sans doute très supérieur à ce qu’il est dans d’autres zones géographiques...Entre la RATP et la poste ou on recrute les facteurs à Bac plus 4 mais à statut ouvrier, les personnels techniques des innombrables lycées et hopitaux si cela se trouve, le vote à gauche à Paris est un des plus « ouvrier » de France dansune des villes ou il y en a peut être le moins...

          Les taux d’abstentions populaires baissent car le niveau monte. A 80% d’une classe d’âge au Bac, la distance culturelle entre militant PS et FN ne s’accroit pas, elle diminue...

          « L’Humanité » de Jaures était un journal fait par des normaliens pour des normalien et illisible pour une population en tendance au certif. Le Monde ou le NO sont parfaitement à la portée de 80% de la population. Pire celle-ci est à même de comparer ce qu’elle y voit et sa vraie vie et de ne pas avoir envie d’en lire plus....

          Le mépris de gauche pour le « peuple » n’est en rien une nouveauté. Rappelons qu’elles l’ont toujours considéré comme « aliéné » et en attente d’une avant garde qui l’éclaire pour la sortir de l’obscurantisme...
          Le problème est qu’il est à la fois de moins en moins justifié et de moins en moins admis par les impétrant. Toujours sous Jaurés, l’instit socialisté étati un notable dans un village. Aujourd’hui, et pour la plus part des gens, c’est un prestataire de service, pas au plus haut niveau et dont on s’estime légitime à évaluer le travail.

          C’est le mépris séculaire de la classe moyenne lettrée de gauche pour ce qu’elle nomme le peuple, autant que sa clôture sociologique qui fait qu’elle ne le connait pas, qui expliquent le malaise actuel des gauches.

          Prenons les artisans et commerçants. Les « poujadistes » comme on dit à gauche ; A Paris, je descend dans un quartier ou il y a plein de meilleurs ouvriers de France. Le fleuriste roule sur l’or, à écrit une pièce de théâtre qui a été jouée à New York et est invité à donner des cours au Japon. Le boulanger à un réseau de boutique dont certaines à l’étranger. Cas un peu extrêmes, mais pas tant que cela. Sur les chaines de TV français, il y a abondance de reportage sur les métiers d’art, l’excellence du savoir vivre à la française, et des artisans qui font des fortunes à l’étranger.
          Tient, il vient d’y avoir un long reportage sur le « bouseux » qui vend ses chapons dans la presse japonaise....Dans la bouffe, les métiers d’arts, etc... nous sommes aux premiers rangs mondiaux !

          On le sait peu, mais c’est dans les sciences humaines que la recherche française est le plus dans les bas des classements internationaux. Et dans le domaine « culturel », l’excédent de la balance des fromages, couvre à peu prêt nos déficits d’importation de produits culturels.....

          Et devinez qui vote pour quoi majoritairement dans ces milieux respectifs ...

          Bref, le diagnostic de Guilluy s’appliquerait presque mieux aux milieux sociologiquement à gauche qu’au « peuple »....

          La touche final, c’est la « société ». Les pauvres s’organiseraient en « contre société.... »

          Et c’est vraiment le fond de la question. Qui a prouvé que les 25% de classe moyenne lettrée à statut de gauche, s’adjoignant différents type de clientèle lors des élections était « la société » ?
          Qui même, compte tenu des résultats, en particulier en matière de culture peut croire que l’on parle d’une élite ?

          Il y a plus de facilité à communiquer et plus de valeurs communes entre un cadre supérieur du privé mondialisé et un artisan provincial d’excellence, qu’entre eux et un universitaire de gauche adepte de l’intersectionnalité contrairement à ce que pourrait faire croire le niveau d’étude.

          Le reste de la société est certainement en train de se demander si il en a pour son argent, avec les « productions » des classe sociales de gauche, et en particulier les services publics.
          Le reste de la société à connu des évolutions des changements absolument considérable depuis 30 ans, démentant l’idée d’une société française immobiliste. Mais il constate que oui, il y a une catégorie boulet qui elle n’a pratiquement pas changé dans un monde en révolution. Et à ses frais.

          Je pense que c’est cela, en réalité, l’angoisse à gauche et la peur du peuple.

          Je pense aussi que cela explique l’agressivité systématique des gauches contre toutes les grandes valeurs qui fondent le vivre ensemble dans le reste de la société. Par exemple, la lutte contre la méritocratie....


          • heliogabale heliogabale 29 novembre 2014 12:02

            Le problème est que les révolutions se forment dans des espaces urbanisés... Quel pouvoir a la France périphérique pour changer les choses ? D’un point de vue démographique, elle est minoritaire... Les solidarités qui peuvent se créer sont rendues difficiles par les faibles densités de population qui les caractérisent... Elles sont dépourvues d’attractivité économique, politique, culturelle et universitaire... les jeunes qui ont des diplômes désertent aussi vite que possible ces zones et elles sont par conséquent vieillissantes...

            La France périphérique est condamnée à mourir...

            Je veux bien que l’on pointe du doigt la gauche mais les politiques de rurbanisation ont essentiellement été des politiques de droite. Couplée à une bulle immobilière, cela ne pouvait être qu’une catastrophe.

            On a là des gens qui ont acheté à prix d’or des habitations dans des zones peu attractives et qui ne le deviendront pas. Se condamnant à être immobiles, le vote FN devient une évidence pour beaucoup d’entre eux...

            En 2012, Hollande a recueilli le vote des zones densément peuplées et Sarkozy le vote de la « France périphérique »... dans une situation qui aurait empiré on aurait cette même configuration mais avec Le Pen à la place de Sarkozy et Mélenchon à la place de Hollande...

            Le compromis qui pourrait être fait est la création d’une grande métropole quelque part entre Bourges et Dijon : on déplacerait une partie des administrations (publiques mais également des sièges sociaux, des universités) situées à Paris et l’objectif serait d’atteindre les 4 millions d’habitants dans les 15 ans à venir...


            • Profil supprimé Jean-Michel Lemonnier 29 novembre 2014 13:08

              L’article est assez nuancé, et vous ne faites pas dans le panégyrique de Guilluy, comme dans certains milieux politisés où chaque contestation de la doxa universitaire est forcément irréprochable (voir Zemmour).
              Guilluy vise juste mais pas complétement, en effet. Déjà, le terme « périphérique » prête à confusion. On peut l’associer facilement à « périurbain » et on confondra périphérie sociale et périphérie spatiale.
              Guilluy fait du « périurbain », l’espace de relégation des « petits blancs » pas forcément « de souche » d’ailleurs (Français de branche issus de l’immigration espagnole, portugaise post-45, etc.). En gros, on peut reprocher au géographe, d’essentialiser certains espaces. Le problème c’est que ses détracteurs des milieux académiques, des pontes comme Jacques Levy en font autant. Ce dernier avec ses « gradients d’urbanité », une thèse plein de sous-entendus idéologiques attribue aux « centres », aux métropoles qui profitent de la mondialisation des caractéristiques discutables. Ces espaces centraux sur lesquels on trouverait à la fois des fortes densités de populations, une forte concentration d’activités, etc. seraient aussi les espaces de la tolérance et du bien vivre ensemble, contrairement au périurbain qui serait l’espace du repli sur soi. Plus le gradient est élevé plus l’ouverture sur l’autre et sur le monde est grande. C’est très critiquable. Très idéologiquement de gauche...

              Guilluy et Levy ne prennent pas en compte la diversité du périurbain. De fait, ils se rejoignent pour attribuer des qualités uniques au(x) périurbain(s). Il n’y a pas, en effet, un périurbain mais des périurbains. Ces derniers sont de plus en plus divers : socialement, ethniquement, etc., certains espaces sont des espaces de conflits, mais pas uniquement. On sait qu’une petite-bourgeoisie, dirons-nous, issue de l’immigration africaine existe en France et vit sur certains territoires périurbains et côtoient, sans soucis, des « de souche » de même niveau socio-économique.
              On peut même imaginer à terme, un embourgeoisement, d’un périurbain victime lui aussi d’une certaine gentrification. Il y a en France, un périurbain qui tend à s’autonomiser et qui de fait n’est plus réellement « périphérique » (ni spatialement donc par rapport aux grands centres urbains, ni socialement...). Le terme périurbain perdrait alors son sens concernant ces territoires.
              La perte de diversité, contrairement à ce que semble écrire Levy se fait dans les hypercentres des grandes villes, on y pratique l’entre-soi choisi, on veut certes bien côtoyer la diversité humaine, et un bourgeois de gauche ou de droite « de souche » ne verra aucun inconvénient à vivre aux côtés d’un Français issu de l’immigration nord-africaine à la seule condition que celui-ci ait le même niveau et le même genre de vie. Les autres moins ou pas « fortunés » devront se contenter des quartiers périphériques des villes.

              Il y en encore beaucoup de choses à dire. On s’arrête ici. Mais sur ces questions de l’organisation socio-spatiale de l’espace français, résultat à la fois du laisser-faire libéral et de l’incurie des aménageurs, planificateurs dirigistes d’après-guerre, on pourrait soulever longuement la question de la « mobilité géographique », qui est un peu le cheval de bataille de la gauche. Plus on est mobile, plus on est moderne, adapté au monde actuel. Or, c’est sans doute le cas pour l’hyperclasse et les cadres sup’ +++’ qui passent leur vie entre hôtels, TGV et aéroports pour assister à des conférences ou effectuer des missions à l’étranger, mais cette mobilité est le plus souvent contrainte, perturbante et déracinante pour les classes sociales économiquement faibles.

              Et on a là tout la tartufferie de gauche qui se dévoile. La mobilité géographique (laissons de côté cet autre problème des migrations journalières) n’est pas synonyme de mobilité sociale. Aller chercher un CDD de 6 mois payé au smic à 800 bornes de chez soi, je ne vois pas en quoi c’est une ouverture sur le monde ou une promotion...C’est uniquement une adaptation à la NECESSITE capitaliste...à développer longuement...comme la question de l’étalement urbain (cauchemardesque), des formes urbaines, du prix du foncier (que fait la gauche à ce sujet ?)...


              • Cosmogonie Cosmogonie 29 novembre 2014 17:26

                En effet, je ne fais pas un panégyrique de Guilluy car je n’en vois pas l’intérêt : j’ai tenté de conserver un regard « froid » et « objectif » (avec tous les guillemets nécessaires, Guilluy n’y parvient pas plus que moi ou quiconque) sur son livre. L’intérêt majeur dudit livre est qu’il réveille un peu certaines consciences endormies et que nul ne peut plus ignorer les thèmes qu’il soulève. Il est logique qu’il agace ceux qui ne peuvent pas entendre ce qu’il a à dire et qu’ils se mettent à le diaboliser (« néoconservateur » et « marxiste » en un seul homme dans certaines revues de géo).
                Quant à Jacques Lévy...nous parlons d’un grand ponte de la géographie qui passe son temps à culpabiliser les périurbains (qui heureusement ne le lisent pas) et qui définit la ville par la « coprésence »...
                 Ce que vous décrivez rejoint les travaux d’Anne Clerval, une géographe autrement plus subversive que J. Lévy.

                Petite nuance toutefois : les périurbains ne sont pas dans la France périphérique de Guilluy sauf ceux qui se trouvent très éloignés des grands centres urbains (+de 60km, grosso modo). Ce qui exclut la majorité des périurbains et ne conserve que les petites communes périurbaines, ce qu’on appelle parfois en géographie le « périurbain subi », qui manque de services, de transports...


              • Profil supprimé Jean-Michel Lemonnier 30 novembre 2014 12:02

                Oui. Pour Levy, il ne faut pas dire « gentrificateur » mais « défaiseur de ghettos » par exemple...
                On est typiquement dans la novlangue déconstructiviste, la pensée molle, le discours faux-cul de ces pseudo-subversifs, qui ne se rêvent qu’en conseillers du prince (la carrière !).
                Déconstruire les déconstructions, le boulot des tâcherons en SHS, ou comment toujours être dans l’air du temps...


              • lisca lisca 29 novembre 2014 14:37

                On a une alliance objective des gavés (y compris moyens) et des immigrés en France.
                Le reste du pays se retrouve en sandwich-cornichons entre la grosse demi-boule du haut et celle du bas, pressé, compressé, sur le point d’expirer.
                On en veut certes à son porete-monnaie, mais encore plus à son âme et à l’innocence de ses enfants.
                Jamais ce peuple historique, naturellement actif et bienveillant (on appelle cela l’empathie aujourd’hui) n’a été aussi maltraité par la « gouvernance » : une mouvance avec pions interchangeables et toujours bons à jeter, employée par des commerçants de la finance, des trafics et du gros bizness.
                Jamais on ne l’avait travaillé à ce point pour que le peuple de France se dénature : qu’il devienne passif à force de découragement, vide et donc malheureux, peu ou mal instruit, sans énergie ni débouchés pour créer ou fonder une famille, sans religion ni rites autres que les manifs Bastille-Nation.
                On est dans « les Misérables » de Victor Hugo. Une misère moins économique (il y a encore de quoi manger) qu’animique.
                Misérables de l’âme, ceux qui prétendent gouverner et qui poussent à leur propre misère culturelle le valeureux peuple historique de France traité en Mohican.
                Qui je l’espère va s’en tirer.
                Il y a quelques signes annonciateurs, ce livre de Guilly par exemple.


                • Dany romantique 29 novembre 2014 14:50

                  Il est toujours intéressant de débattre autours de sujets comme l ’immigration, celle -ci choisie par la bourgeoisie aux affaires mais subie par les classes populaires de souche (prolétaires et classes moyennes inférieures) dans un contexte de globalisation et de rentabilité du profit maximum exacerbé par la financiarisation de la planète.

                  Ce sont l’ensemble des outils (système) qui aboutissent à une redistribution des cartes sociales en fonction des obsessions performatives économique. Pour faire simple : existe t-il un fil directeur entre l’immigration interne importée et les délocalisations dans des pays à bas coût salariaux ? la réponse est limpide.
                  Des chroniqueurs comme Zemmour couvrant l’ensemble des sujets (sociaux, sociétaux, politiques,économiques) ou des chercheurs comme Guilluy apportent des éclairages dans un monde en silence, dont la recette éternelle n ’est que partielle et de court terme, à savoir : la croissance, la croissance, la croissance. La croissance c’est la hotte du père Noël. Or nous savons que de ces mots rabâchés en élixir il n’y a pas à attendre de dessein d’une cohérence sociale.
                  Les classes sociales existent toujours mais leur décryptage est devenue complexe. Les syndicats traditionnels (corps intermédiaires) ne font plus recettes depuis longtemps. En effet il n’y a pas de contre poids réel face aux délocalisations compétitives par les luttes sociales rendues impuissantes. Les partis classés à gauche sont divisés sur les solutions. Le PS est devenu social démocrate à tout crin et les écologistes de même. Le Front de gauche est resté dans la thématique de l’international prolétarien, néanmoins avec des constats toujours réels sur la loi du profit économique et financier. En final, les partis radicaux de gauche (qui ne sont pas extrémistes en tant que tels mais à l’extrémité du panel des partis) ne sont plus audibles par les classes populaires, ceci en paradoxe avec l’hostilité populaire aux partis de gouvernements « dits Républicains » qui sont alignés sur Bruxelles et l’Euro. Les partis qui ont encore de la vivacité (FDG, NPA, FN) sont méprisés et jugés incompatibles par les mass médias qui les classent dans la catégorie de partis « populistes ». Oh le gros mot ! 
                  C’est ce constat d’essence bourgeoise qui revient en boucle dans les analyses des politologues sur les plateaux.
                  Ce dédain des élites intellectuelles reste en parfaite contradiction avec le sondage grandeur nature des français qui ont voté à 55 % contre le traité européen en 2005. La « démocratie représentative » a signé la fin de la récré avec le traité de Lisbonne sous Sarkozy (le vrai plan B celui là) il fallait s’y attendre, en synergie des acteurs politiques de ralliement « de clique tribale »,se disant pourtant « républicains ».
                  Les choses n’étant par superposables (ADN du FN et ADN du FDG) il n’y pas de souci pour le sérail. Bien entendu, On ressortira la peur à avoir à voter pour des partis « extémistes » dits nationalistes, frileux, ayant peur de l’étranger, voir fascistes, terme dévoyé qui ne coûte pas cher et qui fait son effet.
                  Pourtant qu’on à voir les précités avec le fascisme historique (un seul parti, pas de liberté intellectuelle, pas de syndicats, pas de liberté de la presse, répression des manifestations, des emprisonnements pour empêcher la liberté de s’exprimer) etc, etc..
                  Mais il faut bien faire peur pour que le système se perpétue. 
                  Les constats mis en avant par des intellectuels (dans des genres différents) comme JC Michéa, Jacques Sapir, Fréderic Lordon, Etienne Chouard et bien d’autres sur l’imposture qui se cramponne (un coup UMP, un coup PS) ajoutant aux éclairages de Guilluy ou Zemmour viennent déranger le microcosme qui mange ensemble ( JPJuilhet/ Fillon) sur des intérêts électoraux, des intérêts de classe dominante. Le jeu est identique aux processus du XIX siècle sauf que les acteurs se sont complexifiés ( moins caricaturaux) pour opérer dans les mêmes règles du jeu. 

                  Les quelques décodeurs qui subsistent en France dans la galaxie intellectuelle main stream demeurent pourtant vitaux pour la démocratie. Il faudrait éviter de chinoiser sur le chimiquement pur des positionnements et ne pas se laisser piéger par l’assimilation au front national. Le FN héberge encore des nostalgiques de l’Action Française même si les dernières options sous Filippo sont assez souvent parallèles sur le constat, à ceux qui dénoncent les effets néfastes du système capitaliste globalisé de Bruxelles reposant sur Wall Street et la City. Il faut aussi faire différence entre les électeurs lambda (écoeurés par le chômage et les pertes identitaires) d’avec les dirigeants eux mêmes qui sont moins naïfs, en tous cas plus « discutables » idéologiquement.
                  Bien entendu, de ce fait, l’alliance reste improbable des catégories populaires exploitées et appauvries pour les raisons déjà dites (les 55 % du non au référendum européen sont hybrides donc atomisés voir en affrontement idéologique sur la question complexe de l’immigration subie). 
                  Les rapports sociaux n’ont pas engendrés une classe homogène - celle ci est fracturée au plan identitaire par une nouvelle mixité- et ceci est peut-être voulue par le système, en tous cas pour diminuer les acquits sociaux et faire pression sur les salaires. 
                  Pendant ce temps, faisant des électeurs FN l’épouvantail qu’il ne faudrait pas fréquenter, pas comprendre (malgré des repositionnements historiques de ce parti admettons le) c’est tout bénéf pour la globalisation qui sédimente les classes élitistes (qui vivent dans les aéroports) et les sédentaires, les oubliés, qui subissent ces nouvelles fractures sociales ET identitaires.  
                   
                   

                  • Montdragon Montdragon 29 novembre 2014 22:53

                    @Lisca +++++
                    Et le désespoir de voir des familles entières d’ex -éleveurs de chèvres logées dans du BBC pas cher, quand on vit dans le privé mal isolé et claquer 150€/mois en gaz....
                    Entre les gavés du haut et gavés du bas, les Kevin et Jessica vont voter très mal.

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