La promesse de « pouvoir d’achat garanti »
Symptomatique du retard idéologique accumulé par le Parti socialiste, la promesse de Ségolène Royal de « pouvoir d’achat garanti » est tout à la fois superficielle et inopérante au regard des défis à relever.
Dans la présentation par Ségolène Royal, le 11 février au cours du discours de Villepinte, de son “Pacte présidentiel”, la série de mesures dites de “pouvoir d’achat garanti” comportait la promesse de porter le SMIC à 1 500 euros “le plus tôt possible dans la législature” (proposition numéro 7 du Pacte).
Outre que, formulé en ces termes, un tel engagement est vidé de sa substance (le SMIC pourrait très bien atteindre en cinq ans ce niveau sans intervention gouvernementale), un intéressant parallèle retient ici notre attention.
Dans une autre grande démocratie, le parti de centre-gauche a remporté les élections législatives et s’apprête à augmenter le salaire minimum. Ironie de l’actualité à l’heure où la France claironne son antilibéralisme de principe, il s’agit de la majorité démocrate récemment installée au Sénat et à la Chambre des représentants américains. Dans les prochains jours en effet, la Chambre devrait voter une loi portant augmentation du salaire minimum fédéral.
Le parallèle, hélas, s’arrête ici. En premier lieu, il convient de noter que les situations américaine et française sont incomparables parce que diamétralement opposées : les Etats-Unis connaissent une période de quasi plein emploi, quand la France traîne comme un boulet un taux de chômage de 10 % depuis plus de vingt ans. La question de l’augmentation du salaire minimal est un problème de riches — et en termes d’emploi, nous sommes pauvres.
Sans risquer l’anathème et l’insulte suprême d’ “ultralibéralisme”, peut-on encore faire observer que dans un pays avant-dernier de la classe européenne en matière d’emploi, une vraie politique économique et sociale de gauche devrait reconnaître comme priorité immédiate et absolue la création d’emplois nouveaux, avant de chercher à améliorer la situation de ceux qui sont déjà titulaires d’une position permanente ? Les économistes, de gauche comme de droite, s’accordent à penser que pour créer de l’emploi, il est contre-productif d’augmenter le coût du travail. Or, pour l’économiste Patrick Artus, “le SMIC à 1.500 euros va alourdir de 25 % le coût du travail peu qualifié.” (Le Monde du 14 février 2007)
Ensuite, et à la différence du Parti socialiste français, le Parti démocrate américain a compris que les premières victimes de l’augmentation du salaire minimum sont les petites et moyennes entreprises. En conséquence, cette augmentation sera, de l’autre côté de l’Atlantique, assortie de réductions d’impôts pour les PME, qui auront pour effet de compenser en pratique le coût de salaires plus élevés. Si le Parti socialiste, comme la ribambelle de candidats d’extrême gauche à l’élection, croit porter un coup aux grandes entreprises dans la lutte pour la répartition des richesses, il se trompe tout à la fois d’objectif et de méthode.
De méthode d’abord puisque, toujours selon Patrick Artus : “Les entreprises préféreront licencier, et nous aurons plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires en deux ans.” Par ailleurs, le conditionnement des aides publiques aux entreprises à l’engagement de ne pas licencier (proposition numéro 14) ne constitue en aucun cas la parade à cet effet pervers ; non seulement les groupes présents en France partiront, mais aucun nouveau ne viendra alors s’y installer.
D’objectif évidemment aussi : qui peut encore soutenir, à l’heure de la globalisation et des nouvelles technologies, que le retour à la croissance et au plein emploi peut être réussi en faisant des entreprises le bouc émissaire de la politique économique et sociale ?
A moins de décider de relancer l’emploi en doublant tous les postes de fonctionnaires, favoriser la création d’emplois, c’est d’abord aider les entreprises à embaucher. C’est donc réduire le coût de l’emploi. D’abord sur les travailleurs peu qualifiés, pour faire d’une pierre deux coups : contrairement aux apparences, c’est la rareté de l’emploi peu qualifié qui entraîne la dévalorisation des diplômes, minant par ricochet notre système éducatif.
Pourquoi alors promettre le “pouvoir d’achat garanti” à un pays en paupérisation ? Cherche-t-on à noyer l’électorat dans une soupe idéologique d’un autre âge plutôt que de lui expliquer les vrais défis du XXIe siècle ?
Parti de gouvernement, le Parti socialiste ne devrait pas céder à la surenchère idéologique de l’extrême gauche, au risque de se voir opposer la terrifiante remarque de Jean-Marie Le Pen sur Nicolas Sarkozy : “Il laboure mon terrain, mais c’est moi qui sème, et c’est moi qui récolterai.”
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