La question des Roms et Sarkozy
La bataille autour des Roms redistribue les cartes du jeu politique et marque un tournant du quinquennat.
La question des roms en France est en train de prendre un tour politique décisif pour la suite du mandat du président Sarkozy. Il y a de quoi s’étonner qu’une question jusqu’à présent locale – faire respecter le droit de propriété – et juridique – faire respecter le droit de l’immigration – soit devenue aussi vite l’alpha et l’oméga politico-médiatique de notre pays. Instrumentalisation électorale, spectacularisation de l’information par les médias qui veulent du sang et des larmes, syndrome du bouc-émissaire : tout ces arguments ont surement une part de fondement, si l’on n’oublie pas que le problème dure depuis des siècles, faute de solution facile et évidente. Mais tous ces arguments ne suffisent pas à expliquer l’agitation. Derrière elle, il y a une question politique de fond, qui touche frontalement à la sensibilité politique des deux centre de gravitation idéologique des français depuis 30 ans, à savoir le droit de l’hommisme supranationaliste d’un côté, et le nationisme – sous toutes ses formes – de l’autre. Non content de provoquer la puissance de feu politiquement correcte du dominant, à savoir le premier, il est en train de perdre le soutien du courant qui a assuré son élection, à savoir le second1. La question des roms en est le révélateur et le substrat.
D’un côté donc, un front politiquement correct se mobilise. Dominant outrageusement parmi les élites, la puissance de ses points de diffusion médiatique lui assure une diffusion correcte dans l’opinion – mais une détestation non moins réelle aussi. Ce front, on se le figure par l’action, simultanée plutôt que coordonnée, que nous décrivons rapidement ici. Entre les organisations dites anti-racistes tels que le MRAP, le CRAN ou SOS Racisme, le Parti Socialiste ligne DSK-Aubry, le journal Le Monde portant plainte contre le pouvoir, la Commission Européenne annonçant aujourd’hui même engager deux procédures d’infraction contre la France, et les institutions internationales tels l’ONU criant au loup, il y a la force d’une cohérence et la faiblesse des résultats. Tous ces mouvements instrumentalisent leurs missions respectives, la lutte contre le racisme, la protection des sources des journalistes, le rapprochement des peuples européens, etc, afin de rabaisser la souveraineté nationale, source de tous les maux, de détruire l’Etat, frappé d’obsolescence, de décrédibiliser le passé et les traditions enracinées, terreau des extrémistes, disent-ils. Daniel Cohn-Bendit a toujours été en pointe de ce combat. De Mai 1968 à son action à la tête d’Europe Ecologie, sa cohérence idéologique, elle n’est pas à gauche. Elle est libérale, et elle est anti-nationale. Avec les résultats que l’on sait : car depuis 30 ans, depuis Giscard en France au moins, quelle politique a été systématiquement menée sinon la leur ? Les roms, pour eux, ne sont qu’un levier pratique, pour rejeter sur d’autres – les Etats – ce qui est d’abord de leur responsabilité. L’Europe à 27, c’était leur rêve : mais comment a-t-on pu accepter en Europe deux Etats, la Bulgarie et la Roumanie, qui maltraitent depuis des siècles tout un segment de leur population ? Et il y a de quoi, dans ces conditions, être doublement choqué, quant on voit le discours tenu en Roumanie et en Bulgarie à l’encontre de notre pays. Peu importe : libre-circulation bonne gens, les Etats riches se débrouilleront bien comme ils peuvent. Et vive l’Europe surtout.
A vrai dire, toute cette agitation serait tempête dans un verre d’eau si Nicolas Sarkozy conservait le soutien de sa base électorale. Sa base électorale, c’est le nationisme, ce second centre idéologique de la vie politique française moderne, quoique paradoxale, parce que ne disposant pas de parti politique dédié. Or de ce côté là aussi l’effritement est certain. Il n’est certes pas nouveau, mais il s’accélère. Ce n’est pas tout d’avoir pour plume Henri Gueno et comme conseiller Patrick Buisson. Les gens ressentent, désormais, que les accents sécuritaires de Nicolas Sarkozy ne sont qu’impostures. Ils souffrent de voir l’insécurité dans leur vie quotidienne, et des promesses de résultats qui ne se concrétisent pas. D’autant qu’à souffler sur les braises, on attise le sentiment d’insécurité, et celui là comment lutter contre ? Et comment accepter l’idée d’une déchéance de nationalité ? La question, ce n’est pas l’ethnicisation de la citoyenneté par la réaffirmation du droit du sang, c’est la vigueur de l’assimilation du creuset français par celle du droit du sol. L’identité française accessible à tous, par delà toutes les différences qui subsisteront, mais l’identité française quand même, comme condition d’une vie en commun. Qu’a fait Nicolas Sarkozy à part contribuer à sa décrédibilisation ? Le pouvoir croit donner caution en expulsant quelques Roms de plus, mais les gens ne sont plus dupes. C’est que la question migratoire est loin de suffire à faire une bonne politique nationale. Il y faut surtout la force d’une souveraineté politique et économique. Mais que valent les discours d’interventionnismes, tel celui de Toulon, et les maigres plans de relances et grands emprunts, quant on se couche au premier doigt levé des marchés financiers ? Comment défendre une Europe qui protège quand c’est au nom du principe qui la constitue, le libéralisme, et sa version politiquement correcte, la lutte contre les déficits prétendument insurmontables et le soi-disant pragmatisme, qu’est réformée, par le bas, le régime de retraite ?
La force de la campagne de Nicolas Sarkozy, par delà quelques errements droitiers, c’était d’avoir su montrer aux français le lien entre la force de la communauté nationale et la possibilité d’une réelle politique sociale. Sa contradiction originelle, c’est d’avoir mené une politique internationale et économique essentiellement contraire à sa campagne2, peut-être pour se ménager le soutien médiatique des droits de l’hommistes. Aussi la séquence politique que nous vivons sera-t-elle lourde de conséquences, peut-être même décisive. Nous vérifions un vieille adage politique du cardinal de Retz : "on ne sort de l’ambigüité qu’à ses dépends". Il en savait quelque chose.
1Même si certains droits de l’hommistes ont voté pour Sarkozy en 2007 – d’où pour une part l’ouverture – et que tous les nationistes n’ont pas été sarkozystes – je n’ai personnellement jamais cru à la sincérité des aspects de sa campagne électorale abordant ce point...
2Témoin deux actes forts du quinquennat parmi tant d’autres : le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, et la promotion du traité de Lisbonne, si proche du TCE pourtant souverainement rejeté par les français en 2005...
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