Le 12 avril 2011, le Conseil de l’Europe a publié une « Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique », qui sera ouverte à la signature des états membres le 11 mai. Un groupe international d’experts sera chargé de veiller à la mise en œuvre par ceux-ci des mesures préconisées
Pour qui n’est pas coutumier des textes de cette respectable institution, la dite Convention a de quoi surprendre par son parti-pris de sexuation, qui se traduit par le choix de ne s’appliquer qu’à un seul genre, le féminin. De quoi surprendre aussi par le souci quasi-obsessionnel de ses auteurs de réaffirmer cette sexuation, déjà présente dans l’intitulé, quasiment à chaque paragraphe. Voici ce que cela donne dans la partie consacrée aux objectifs :
(p. 4) Chapitre I / Article 1 – Buts de la Convention
1. La présente Convention a pour buts :
a. de protéger les femmes contre toutes les formes de violence, et de prévenir, poursuivre et éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;
b. de contribuer à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, y compris par l’autonomisation des femmes ;
c. de concevoir un cadre global, des politiques et des mesures de protection et d’assistance pour toutes les victimes de violence à l’égard des femmes et de violence domestique ;
d. de promouvoir la coopération internationale en vue d’éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;
e. de soutenir et assister les organisations et services répressifs pour coopérer de manière effective afin d’adopter une approche intégrée visant à éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Pourtant, le CE a vocation à aider à la défense de tous les citoyens européens, quel que soit leur sexe. Comment justifie-t-il cette option que, jusqu’à plus ample informé, l’on est bien obligé de considérer comme discriminatoire ?
S’agit-il, pour des raisons techniques, de traiter séparément des types de violences qui ne toucheraient que des femmes ? Elles sont rares mais il en existe. C’est le cas de celle qui est envisagée à l’Article 39 : Avortement et stérilisation forcés. C’est le cas aussi pour les Crimes commis au nom du prétendu « honneur » évoqués dans le Préambule, dont on peut cependant douter qu’ils soient très répandus dans les sociétés européennes.
Mais pour les autres violences citées, on ne voit pas ce qui justifie la sexuation, car toutes font des victimes des deux sexes. Même si certaines, comme la violence domestique ou le mariage forcé touchent beaucoup les hommes, alors que d’autres, comme le harcèlement sexuel ou le viol, les touchent peu.
S’il s’agissait de faire un traitement séparé en fonction du sexe, le CE devrait proposer une Convention de même nature consacrée aux violences faites aux hommes. Mais un tel document n’existe pas, et sa possibilité même n’a jamais été évoqué depuis la création de l’institution.
Une option irrationnelle
Le début d’une autre explication est fourni, toujours dans le Préambule :
Reconnaissant que la violence domestique affecte les femmes de manière disproportionnée et que les hommes peuvent également être victimes de violence domestique ;
Mais cette courte phrase déçoit. Elle est en effet un paradoxe absolu, où cohabitent deux positionnements contradictoires :
- un constat de réalité : les hommes aussi sont victimes ;
- une option irrationnelle : comme ils sont moins nombreux à l’être que les femmes, la Convention n’a pas à les prendre en compte.
Si l’on examine tous les types de violences, il n’est pas sûr que les hommes soient moins victimes. Mais surtout, c’est à l’option inverse que devrait amener le constat : puisque « les hommes peuvent également être victimes », la Convention ne doit pas être sexuée.
Hélas ! L’étrange discours discriminatoire du CE n’est pas une dérive ponctuelle, un raté. Elle s’inscrit dans la pratique habituelle de cette institution, comme le confirment quelques exemples de ses réalisations depuis quinze ans :
- dès 1997, un Plan d’action pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes
- en 2002, une Recommandation dite Rec(2002)5 sur la protection des femmes contre la violence
- en 2006, une Campagne pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique
En France, en tous cas, le groupe d’experts n’aura guère de difficulté à faire appliquer la
Convention, puisque vient d’être mis en place un
Plan conçu exactement dans le même esprit, à savoir
« contre les violences faites aux femmes », et elles seules (
voir article précédent).
Bilan : à notre époque où les discriminations, présumées ou réelles, sont dénoncées avec vigueur et constance lorsqu’elles sont appliquées en fonction de critères ethniques, religieux, d’orientation sexuelle, ou de sexe (sous réserve qu’il s’agisse du féminin), elles ne suscitent qu’indifférence, même si c’est un organisme prestigieux qui les pratique au grand jour, lorsqu’elles visent des hommes. Cherchez l’erreur.