Le poisson d’avril Hollandais
François Hollande, suite à la claque des municipales, était obligé de réagir.
A droite, on réclamait un remaniement, et surtout une accentuation de la tendance libérale, alors qu’à gauche on l’encourageait vivement à redevenir le socialiste qui tenait le discours du Bourget.
En s’affirmant social libéral en début d’année, Hollande avait déjà fait un premier pas vers la droite, accumulant les cadeaux aux patrons, et on le sentait très tenté de s’inspirer du modèle allemand, version « lois Hartz », (lien) ces mesures législatives sociales libérales qui, en obligeant le chômeur à accepter quasi n’importe quel travail, à n’importe quel prix, avait réduit drastiquement le chômage en Allemagne, mais avait aussi précipité une partie de la population dans une situation encore plus précaire. lien
Il ne l’a pas fait pour l’instant, mais on devine qu’il ne faudrait pas trop le pousser pour qu’il franchisse ce pas supplémentaire…d’autant qu’il a rencontré très discrètement début janvier 2014 l’initiateur de ces fameuses lois. lien
Le « pacte de responsabilité », à sens unique, sans contrepartie réelle du patronat a définitivement mis en colère le peuple de gauche, et pas seulement.
Sans le dire vraiment, on comprend entre les lignes qu’à droite, on préférait Manuel Valls, le ministre « socialiste » …sauf que l’aile gauche du gouvernement ne l’entendait pas de cette oreille, Cécile Duflot mettant son poste dans la balance.
Elle réclamait « une vraie lecture des résultats », d’autant que dans sa commune de Villeneuve St Georges la liste de droite avait fusionné avec la liste FN. lien
Pourtant contre toute attente, Hollande, ignorant le succès des écolos alliés avec le FdG à Grenoble, (lien) a donné un coup de barre de plus à droite, en choisissant Valls comme premier ministre, provoquant le probable départ de Cécile Duflot. lien
Et quid du sondage réalisé par Europe 1, portant sur plus de 22 000 français, seulement 19% d’entre eux souhaitant que Manuel Valls ait la place, 11% lui préférant Martine Aubry, suivi par Laurent Fabius à 9%... et Ségolène Royal à 8%, alors qu’ils étaient 40% à vouloir une autre personnalité. lien
Mais en remaniant son gouvernement, Hollande apporte la preuve qu’il n’a pas compris le message que les français lui ont fait passer.
En refusant massivement de voter, ils avaient plus désapprouvé la politique menée par le chef de l’état, que demandé un remaniement.
Quant au FN, s’appuyant sur le mécontentement logique des français, faisant profil bas sur ses chevaux de bataille habituels, et affirmant qu’il n’était plus un parti d’extrême droite, (lien) il a glané des voix dans chaque parti.
Les premières difficultés ont commencé pour le FN, puisque celui qui a pris la 1ère municipalité, Hénin-Beaumont en l’occurrence, le nouveau maire Steeve Briois, se trouve plongé en pleine contradiction : ayant reconnu récemment son homosexualité, il a décidé de « défendre l’amélioration du Pacs (…). C’est la réclamation de l’immense majorité des homosexuels »…ajoutant « je ne célébrerais pas les mariages gays, c’est comme ça » et il en laissera la responsabilité à ses adjoints. lien
Christian Salmon, (lien) chercheur au CNRS, invité sur l’antenne de Médiapart pour commenter le 2ème tour des municipales explique le succès du FN, détricotant la stratégie de ce parti qui a posé « le drapeau tricolore sur le tiroir caisse », mettant d’abord dans sa poche les déçus de l’Algérie française, y ajoutant les petits commerçants qui avaient fait les beaux jours du poujadisme, ou du CIDUNATI de Gérard Nicoud, (lien) puis récupérant le mécontentement des paysans, et enfin celui des chômeurs, modifiant au fur et à mesure son discours politique, ce qui lui a permis d’élargir le nombre de ses partisans.
Il a parfaitement résumé la situation politique française, affirmant la nécessité d’une recomposition de la gauche, qu’il manquait un catalyseur, et que Grenoble pourrait très bien devenir le laboratoire d’une troisième gauche.
De son coté Edwy Plenel est convaincu qu’Hollande n’a pas compris le message que lui a envoyé le peuple citoyen, lequel reste, fait manifestement de l’autisme, persuadé que c’est seulement un problème de communication, alors que si les électeurs lui ont tourné le dos, c’est parce qu’ils ont le sentiment d’avoir été trahis, constatant le renoncement de celui qui était alors juste le candidat, et en choisissant Valls, il a répondu à l’envers du vote. lien
Bien sur, dans son allocution du 31 mars, Hollande promet qu’il va ajouter au pacte de responsabilité un pacte de solidarité, mais est-ce une véritable intention, ou juste un effet d’annonce ? L’avenir nous le dira.
Jusqu’à présent Hollande avait tenté de contenter son aile droite sans trop mécontenter son aile gauche, faisant finalement des mécontents dans chaque camp.
Le constat est accablant et cruel.
Le chômage a continué de progresser malgré les incantations quasi divinatoires du chef de l’état, évoquant d’illusoires « inversions de courbe »…
Les classes pauvres, ou moyennes, qui ne payaient pas d’impôts du temps de l’ex-président en payent maintenant, et les classes supérieures sont saturées d’impôts, et de taxes… pas terrible pour un président qui affirmait ne pas en lever de supplémentaires.
Dans un livre qui vient de paraitre : « l’horreur fiscale », (éditions Fayard) les auteurs Sylvie Hattemer et Irène Inchauspé font le constat de l’augmentation drastique des impôts et des taxes depuis Sarközi (27,9 milliards), auxquels Hollande a rajouté 27,6 milliards supplémentaires depuis le début de son mandat, tous les deux étant responsables de la création de 84 impôts supplémentaires. lien
Tous ces impôts et taxes diverses ont handicapé le pouvoir d’achat des français, et ont fait plonger la croissance par la même occasion.
Fallait-il seulement changer de pilote à la tête du gouvernement, et ne fallait-il pas plutôt changer de direction, en appliquant les promesses qui avaient fait rêver une majorité de français lors du discours du Bourget ?
Pourtant, en tournant le dos aux lois Hartz, il y aurait bien une possibilité pour faire du chômage un vieux souvenir, en décidant de mettre en place le Revenu de Base, appelé aussi revenu universel.
Cette solution, apparemment utopique, qui consiste à offrir à tous les français un revenu minimum, sans pour autant de contrepartie, remplacerait toutes les aides sociales actuelles dans lesquelles on ne comprend plus grand-chose, d’autant que 1,6 millions d’ayant droit ne les demandent plus, soit par découragement, soit par ignorance, soit par choix. lien
Cette mesure éminemment sociale n’est pas si complexe à financer comme on peut le découvrir sur ce lien.
Elle aurait le mérite de relancer la croissance…mais n’est-il pas plus productif de consommer différemment, en empêchant l’obsolescence programmée ?
Le système actuel a été parfaitement décrypté par l’économiste Bill Bonner qui a déclaré : « Toute l’économie mondiale dépend du consommateur, s’il cesse de dépenser l’argent qu’il n’a pas pour des choses dont il n’a pas besoin, nous courons à notre perte. » lien
Et puis, au moment où les plus hautes instances, sur la question énergétique, ont finalement compris qu’il faudrait bientôt fermer au moins 20 réacteurs nucléaires dans notre pays (lien), et au seuil des 2 ans de mandat présidentiel, ne serait-il pas grand temps de lancer enfin le chantier de la transition énergétique ?
Si l’on se base sur l’exemple de nos voisins d’outre-Rhin, on sait qu’il serait créateur à terme de près de 800 000 emplois, tout en faisant baisser la facture énergétique des foyers. lien
Mais voila, François Hollande, porté peut-être par la dérision propre au 1er avril, s’est limité à changer de premier ministre, et à jouer aux chaises musicales avec quelques ministres.
Il semble avoir oublié que d’autres élections se profilent, et les européennes de mai prochain (lien) risquent d’accentuer la tendance, faisant encore plus d’abstentions, et encore plus de mécontents.
Avec ces municipales la rose a perdu beaucoup de ses pétales, et il n’est pas certain que le premier intéressé ait encore compris les raisons de cette défaite.
Quand 38,5% des citoyens décident d’aller à la pêche plutôt que d’aller voter, provoquant par leur abandon des urnes la débâcle à gauche, et l’arrivée d’une vague bleue et brune, le message est pourtant on ne peut plus clair. lien
Il va donc probablement continuer d’obéir sagement au dictat Européen, (alors qu’il avait promis de renégocier le traité) maintenant l’austérité pour le peuple, alors que d’autres, en Italie par exemple, entendent gérer la situation à leurs façons. lien
Mais Hollande maintiendra le « pacte de responsabilité »…et fera perdurer l’injustice sociale.
Il espérait irrationnellement un sursaut au deuxième tour, mais le pire risque d’arriver au mois de mai, car s’il ne reprend pas le chemin de ses engagements du Bourget, (lien) il risque bien de perdre les quelques pétales qui restaient à son parti lors des européennes, et à la rose, il ne restera plus que quelques épines.
En tout cas, le 30 mars 2014 restera dans les mémoires de beaucoup comme l’image d’une déculottée présidentielle…comme dit mon vieil ami africain : « le singe qui monte au cocotier doit avoir le cul propre ».
L’image illustrant l’article vient de www.prechi-precha.fr
Merci aux internautes de leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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