Europe. Six mois sont passés aussi pour les socialistes et hier soir, ils se sont retrouvés dans la même position qu’il y a deux ans. L’Europe à nouveau les divise, oui au traité, non au traité, un responsable qui démissionne, Ségolène Royal qui voulait un référendum et qui n’en veut plus. Toute personne de bonne foi, armée de quelques idées simples, qui essaierait de suivre les tribulations du Parti socialiste, en aurait le tournis. Il est naturel et compréhensible qu’une opposition défaite dans une élection récente soit peu performante. Mais ici, c’est d’autre chose qu’il s’agit. Ce grand parti de gouvernement qu’est le Parti socialiste souffre d’un profond problème identitaire. De ce fait, chaque question à traiter lui est une douleur qui le divise s’il s’avise de la traiter, qui mine sa crédibilité s’il décide de la reporter à plus tard. Ce malaise existentiel le rend inaudible, donc impuissant.
Bilan. Comme d’habitude, certains trouveront le tableau trop noir. Ils le diront, l’écriront dans l’espace de commentaires, et c’est bien ainsi. Mon état d’esprit, cependant, n’est pas au pessimisme. Il ne s’agit pas, ici, de se lamenter ou de s’attrister, mais plutôt de décrire, voire de comprendre. Ce que nous vivons, en France, aujourd’hui, ne procède pas d’événements récents mais se rattache au contraire à une histoire longue, déjà évoquée. Ce pays est déséquilibré, dans sa construction et dans sa culture, la première découlant de la seconde, au milieu des années soixante-dix. Un choc pétrolier, déjà, révèle l’obsolescence du système social, c’est-à-dire de la régulation de la vie commune, mise en place dans l’après-guerre. Malheureusement, pour des raisons diverses, qui tiennent à la fois aux mentalités et aux circonstances, l’adaptation des structures de la vie sociale aux évolutions du monde se réalisera à doses homéopathiques, de manière ponctuelle et toujours, ou presque toujours, dans une conscience très relative des enjeux, donc finalement, dans le refus des remises en cause dont ils sont porteurs. Aujourd’hui, pour s’épargner des épisodes de la longue séquence, l’histoire se fait plus pressante. Ce vieux pays arrive au bout du chemin. Il ne sait plus comment financer son double système de solidarité, devant la maladie et devant le vieillissement. Les ponctions qu’opèrent l’Etat et l’espace public sur la richesse nationale, environ 45% du PIB, asphyxient la créativité et rend caduc tout espoir de redistribution collective de la productivité économique. Parce qu’il a été financé à crédit, tout l’appareil de solidarité, qui comprend les institutions comme la sécurité sociale ou les services publics qui maillent le territoire, nous coûte aujourd’hui le double de ce qu’il devrait : une fois pour le fonctionnement, une fois pour le remboursement. Des boulets, chaque jour plus lourds, ralentissent et entravent la démarche de la communauté. D’autres, nos voisins, qui sont aussi nos concurrents, courent plus vite que nous, ce qui accentue encore notre faiblesse. Sans cesse différé depuis trente ans, le travail à faire désormais impressionne, effarouche, brouille les consciences et perturbe les intelligences. Voilà la raison profonde de la forme de médiocrité que l’on peut constater, actuellement, en France, sur la scène politique. Ses acteurs ne sont pas forcément directement responsables de cette médiocrité. Ils en ont hérité, mais ils la perpétuent aussi, là est leur responsabilité. Comment changer cet état d’esprit ? Comment quitter la vieille culture ? Comment décrire la nouvelle et la faire partager ? Cette tâche, qui appartient à ceux qui nous dirigent, est-elle appréhendée, envisagée, en gestation ? Il serait si agréable de répondre oui, ce serait un tel soulagement qu’il vaut mieux, à cet instant, laisser ouverte la question posée.