Le programme Royal couronne une stratégie générale de vide politique
Tout compte fait, les « cent points » de Ségolène Royal et son discours sur le « pacte présidentiel » ne semblent guère avoir suscité de véritable polémique, malgré l’accélération théorique de la campagne présidentielle. Pour Nicolas Sarkozy, c’est « le retour aux années Jospin », « l’assistanat », « l’égalitarisme » et « le nivellement ». Rien de bien méchant. François Bayrou fait de la surenchère européenne, mais Ségolène Royal a comme lui fortement défendu le « oui » au référendum de mai 2005. Marie-George Buffet réclame « une autre politique », mais José Bové estime que le programme de Ségolène Royal « va dans le bon sens ». Quant à Dominique Voynet, son souci actuel semble être celui des signatures. Ce qui peut frapper, dans l’ensemble, c’est une certaine absence de divergences politiques vraiment profondes à l’intérieur d’un large spectre qui va de l’UMP aux altermondialistes. Que faut-il en déduire ? Peut-être, tout simplement, que de nos jours la véritable politique ne se fait plus au sein des partis, ni au Parlement, ni même au gouvernement. Mais dans ce cas, que doivent faire les citoyens ?
Que dévoile la mollesse évidente des débats autour des cent propositions de Ségolène Royal ? Des propositions dont le contexte économique et social prévisionnel n’est pas vraiment différent de ce que considèrent les autres candidats dits « crédibles », et qui ne se trouvent pas en opposition radicale avec leurs programmes.
Alors que les programmes de tous les partis se ressemblent beaucoup plus qu’il y a une trentaine d’années, et qu’aucun des candidats aux présidentielles de 2007 ne promet de changer vraiment le système en place, la mondialisation industrielle et financière se poursuit comme si elle faisait partie d’un contexte général intouchable s’imposant à l’ensemble du monde politique.
Aucun candidat ne promet d’empêcher les délocalisations, de mettre en cause le marché mondial de la main-d’oeuvre et le dumping social... A quoi sert donc la politique ?
Ou peut-être que la bonne question est plutôt : où se fait vraiment la politique ? Les institutions supposées l’incarner, et qui détiennent en théorie la représentation citoyenne, sont-elles autre chose que des façades ou, tout au plus, des officines gestionnaires ?
Le 30 janvier, Beijing Information écrivait, citant notamment une étude à laquelle a participé l’Ecole supérieure de commerce de Paris :
« On parle souvent des délocalisations d’entreprises occidentales en Chine pour des raisons économiques et d’accès à une main-d’œuvre à faible coût. Deux évènements récents viennent mettre en dimension ce phénomène qui n’est pas unilatéral.
Tout d’abord, la délocalisation présente des risques, (...) doutes sur la qualité des produits, risques de contrefaçon, et surtout une augmentation substantielle des problèmes logistiques : hausse des coûts de livraison, lenteur de la réaction aux évolutions ponctuelles du marché (...)
Autre éclairage nouveau en matière de délocalisations : elles ne sont plus l’apanage des sociétés occidentales. Chery, l’un des principaux constructeurs automobile chinois, qui s’est allié au géant germano-étatsunien Daimler-Chrysler, vient d’annoncer un plan de construction de trois usines de montage pour sa marque à l’étranger. Déjà implantée en Iran, en Malaisie, en Russie, en Ukraine, au Brésil et en Egypte, où elle travaille en coentreprise avec des sociétés locales, Chery a décidé d’acquérir sous son nom propre des usines dans des pays stratégiques, au Moyen-Orient, en Europe de l’Est et en Amérique du Sud... »
De quoi s’agit-il, plus précisément ? On découvre un salaire minimum autour de 80 euros mensuels dans les meilleures zones industrielles de la Chine et trois fois moins en Inde, 130 euros au Brésil, 160 euros en Colombie, 220 euros en Argentine et, dans l’Europe de l’Est : 32 euros mensuels en Russie, 33 en Moldavie, moins de 60 en Ukraine, moins de 100 en Bulgarie et en Serbie, 115 en Roumanie, 205 en Slovaquie, etc. Il existe également des pays où un salaire minimum n’est pas vraiment identifiable.
C’est donc un véritable système économique, social et politique de fait, conduit directement par les grands holdings financiers et les multinationales, qui s’est déjà mis en place à l’échelle mondiale. En face de cette gouvernance de facto bien opérationnelle et active, les gouvernements « officiels » ne jouent qu’un rôle d’administrateurs de la précarité croissante de la population. Pour le reste, ils exécutent la politique que leur impose la grande finance. C’est pourquoi il ne saurait y avoir, dans ce début de siècle, de programmes politiques vraiment différents, et pourquoi la « politique unique » s’impose partout.
Dans un tel contexte, les partis dits « de gouvernement » ne peuvent pratiquer que le vide politique. C’est ce que reflètent les programmes de la campagne électorale en cours. Et c’est de cette logique d’asservissement qu’il est très urgent de sortir, mais aucun candidat ne le propose.
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