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Accueil du site > Actualités > Politique > Le rêve européen et la gauche amnésique

Le rêve européen et la gauche amnésique

Il est incontestable que la gauche française a participé de manière active à la construction européenne. Du « sauvetage » de Fontainebleau par François Mitterrand au début des années 80, à la longue et fructueuse Présidence de la Commission par Jacques Delors, les exemples ne manquent pas. La gauche française, tout au long des dernières décennies du XXe siècle, avait l’Europe et sa construction en ligne de mire. Elle y a joué un rôle prépondérant.

N’ayant pas anticipé les conséquences d’un jeu mondial qui, à bien des égards, se faisait indépendamment de la construction européenne, voilà que la gauche française ne reconnaît plus son enfant. Après avoir laissé l’économie prendre la place du politique, la réalité actuelle de notre monde, et celle de l’Europe en particulier, ne lui plaisant pas, elle revient à ses dogmes, réutilisant des arguments politiques pour dénoncer cette réalité dont elle porte une part non négligeable de responsabilité.

Quel est le message de la gauche ? Au-delà des positionnements politiques individuels assez pitoyables, la gauche dénonce en vrac la mondialisation et son escorte libérale, les traités antérieurs auxquels elle a contribué, la supposée mainmise par les USA via l’OTAN sur les questions de défense, le « plombier polonais » et le nivellement par le bas de nos conditions sociales, rejette et diabolise la fameuse        « concurrence libre et non faussée » avec laquelle nous vivons depuis 1957 et qui a permis de faire de l’UE la première puissance économique mondiale, etc.

Quelle est la réalité derrière tout cela ? Loin de nous de penser que tout va bien dans le meilleur des mondes, mais il est assez curieux de faire porter à la construction européenne la responsabilité d’une réalité qui lui échappe. N’est-ce pas justement parce que nous avons trop tardé à nous doter d’outils politiques, induisant de facto un affaiblissement de l’Europe, que nous en sommes là ? N’est-ce pas parce que nous avons laissé la primauté à l’économique, et la gauche en premier, que les règles sauvages du libéralisme ont pu s’imposer avec leur cortège de chômage et de misère ? La gauche française n’en a cure. Elle refuse de regarder la réalité en face, agit ou plutôt réagit systématiquement de manière négative, en opposition frontale là où nous aurions besoin de canaliser les choses en tenant compte de nos partenaires.

Que nous propose la gauche pour l’Europe ? Les idées généreuses ne manquent pas, et toute personne de bonne foi ne peut que les approuver : de bonnes conditions sociales, une harmonisation fiscale, de l’aide aux pays les moins développés, un environnement mieux respecté, etc. Mais la gauche est amnésique. Elle a oublié de voir que le monde a changé. Que les rapports de force, entre les pays ou zones géographiques d’une part, entre les groupes sociaux d’autre part, ont radicalement changé depuis 10 ans au moins. En conséquence, les mesures proposées par la gauche pour atteindre les objectifs généreux qui sont aujourd’hui les siens sont irréalistes. Son retour brutal au politique est inopérant dans les conditions actuelles. On utilise la méthode Coué !

La gauche française a commis deux graves erreurs ces 3 dernières années. D’abord avoir permis les conditions de la réélection de Jacques Chirac en 2002, ensuite avoir brisé le rêve européen, aussi imparfait fût-il. Personne ne refera l’histoire, et l’analyse est facile après coup, mais il est probable que seule une refonte totale de son système de pensée et d’appréhension du monde actuel, ainsi que le retour à un peu de mémoire, lui permettront de reprendre sérieusement les choses en main.


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8 réactions à cet article    


  • Rony (---.---.158.248) 29 septembre 2005 14:53

    le « plombier polonais » : expression apparue pour la première fois dans la bouche du commissaire Fritz Bolkestein, sommé un bon matin de venir s’expliquer sur France Inter au sujet de son projet de directive éponyme, histoire de rassurer la population inquiète.


    • Rony (---.---.158.248) 29 septembre 2005 15:01

      Si la gauche dénonce en vrac la mondialisation et son escorte libérale, les traités antérieurs auxquels elle a contribué, la supposée mainmise par les USA via l’OTAN sur les questions de défense, le « plombier polonais » et le nivellement par le bas de nos conditions sociales, rejette et diabolise la fameuse « concurrence libre et non faussée » avec laquelle nous vivons depuis 1957 et qui a permis de faire de l’UE la première puissance économique mondiale, etc,

      C’est parce que pour la première fois le peuple a été appellé à donner son avis sur la construction européenne. Et en 2005, en pleine mondialisation néolibérale, menée tambour battant (au rythme du développement des moyens de communication au sens large du terme), les fondements libéraux et peu démocratiques du processus de construction de l’Europe ont pris une acuité particulière aux yeux des citoyens français et néerlandais. Ainsi se construit l’histoire... qui n’est pas encore achevée ! La copie est seulement à revoir. Il n’y a rien de désespérer ! Au contraire, je pense qu’après quelques atermoiements, le processus va se trouver revitaliser.


      • Rony (---.---.158.248) 29 septembre 2005 15:10

        Son retour brutal au politique est inopérant dans les conditions actuelles.

        Ce n’est pas le retour au politique de la gauche, mais le retour déterminé et salutaire d’une partie de la population, le peuple ! Il faut bien un commencement. Et la gauche a suivi. Que n’eu-t-on pas dit si elle était restée sourde à l’appel du peuple : autisme, déconnection, etc. De quoi alimenter le rejet de la classe politique...


        • Didier Vincent Didier 29 septembre 2005 16:52

          > Rony : sans vous provoquer, vous apportez de l’eau à mon moulin. L’amnésie est patente. Vous dites que pour la première fois, le peuple s’est exprimé sur l’Europe. Avez vous oublié que nous sommes en Démocratie et que les élections nationales d’une part ont traité de la question européenne et que des élections au Parlement européen existent depuis 1979 ! A ma connaissance et au moins depuis 20 ans, pas une voie (sauf le PCF constant en la matière je le reconnais) ne s’est élevée contre la manière dont l’Europe se construisait. On peut même parler d’un certain consensus sur le sujet. Il ne faut pas l’oublier.

          Vous dites que le peuple s’est réveillé et que la gauche l’a entendu. Franchement, pour moi cette manière de voir les choses s’apparente à une réécriture de l’histoire. Il est clair que si une partie du PS ne s’était tout soudainement pas mis à utiliser l’Europe à des fins de politique politicienne, le Peuple ne se serait pas « réveillé »


          • boscoXIII (---.---.22.9) 30 septembre 2005 09:23

            bjr, le peuple se reveille grace à internet, nouvelle maniere de partager l’information. L’Europe s’est construite en dehors du peuple, la cuisine se faisant à l’abri du citoyen, trop bête pour comprendre.Lorsque vous parlez de la gauche, vous devriez dire les « socialistes ».Il y a vingt ans, un Etienne Chouard n’aurait pas existé, et moi je ne serais pas intervenu pour vous dire ma façon d’interpreter la situation (ni vous d’ailleurs !) : la difference est énorme. Enfin, la réaction (le peuple) aura toujours un temps de retard vis à vis des décideurs (l’économie/les politiques). Internet raccourci ce temps de reaction, et devient force de propositions/actions.


            • Rony (---.---.150.221) 30 septembre 2005 10:07

              Didier : Avez vous oublié que nous sommes en Démocratie et que les élections nationales d’une part ont traité de la question européenne et que des élections au Parlement européen existent depuis 1979 !
              — > Les enjeux ne ressortaient pas alors avec la même acuité.

              A ma connaissance et au moins depuis 20 ans, pas une voie (sauf le PCF constant en la matière je le reconnais) ne s’est élevée contre la manière dont l’Europe se construisait. On peut même parler d’un certain consensus sur le sujet. Il ne faut pas l’oublier.
              — > Consensus... des partis politiques !

              Vous dites que le peuple s’est réveillé et que la gauche l’a entendu.
              — > Je maintiens, lire la suite...

              Franchement, pour moi cette manière de voir les choses s’apparente à une réécriture de l’histoire.
              — > Tout au moins à une lecture différente de celle-ci.

              Il est clair que si une partie du PS ne s’était tout soudainement pas mis à utiliser l’Europe à des fins de politique politicienne, le Peuple ne se serait pas « réveillé ».
              — > Vous m’avez l’air bien sûr de vous. Ce n’est pas le PS qui a sorti des brumes d’un TCE opaque la portée libérale de la construction européenne pour la mettre en lumière sur la place publique. Le NON (minoritaire) au sein du PS n’a été que l’expression (avec une part d’opportunisme chez certains bien sûr) d’une contestation qui sourd de plus en plus fort et a d’abord été exprimée par la mouvance altermondialiste (Attac, Fondation Copernic, Urfig, etc.). Or l’altermondialisme (mouvance aux contours assez flous je l’admets) est une expression populaire.

              A mesure que le traitement libéral de la société fait sentir ses effets dans le corps social, la prise de conscience prend forme. Et les partis politiques intégrent d’une façon ou d’une autre cette dimension. Certains au PS font semblant de ne pas voir et entendre. D’autres font écho au malaise.

              Quoiqu’il advienne, il me semble important que le malaise trouve à s’exprimer. Ca s’appelle une crise... démocratique. Pas une crise de la démocratie, laquelle a bien fonctionné cette fois-ci.

              Et à propos de démocratie, permettez-moi d’accorder la suprématie en terme de légitimité à l’expression du peuple par voie référendaire plutôt que par l’intermédiaire de la représentation nationale. J’espère que vous en conviendrez ?


              • Didier Vincent Didier 30 septembre 2005 11:04

                > Rony : il est évident que je trouve l’expression par le Référendum bien meilleure que celle des élus sur un tel sujet. Je suis d’accord aussi pour dire que nous sommes confrontés à une crise démocratique et non à une crise de la Démocratie.

                Je réexplique ma position de manière différente : nous étions dans un processus de construction européenne à la continuité majoritairement non constestée. Le mouvenemt de mondialisation n’a rien à voir dans la construction européenne. Jusqu’à présent on prenait acte de ce phénomène « mondialisant » sans le remettre en cause - peut être à tort - et la construction européenne de manière pragmatique l’intégrait. On nous a proposé un Traité donnant à l’UE des moyens politiques pour canaliser le processus de mondialisation et voilà que ceux là même qui contestent cette mondialisation ont refusé les outils proposés par le TCE pour en canaliser les effets, mélangeant de mon point de vue des questions différentes. Vous serez sans doute d’accord avec moi pour dire que le rejet du TCE n’entrave en rien le processus de mondialisation mais qu’à vouloir ignorer les contraintes qui s’imposent à elle, l’UE perd toute possibilité d’influer sur son développement qui j’en suis d’accord, est dangereux.


                • Uno CALATIO (---.---.32.102) 1er octobre 2005 20:05

                  Citation de Didier : Je réexplique ma position de manière différente : nous étions dans un processus de construction européenne à la continuité majoritairement non constestée. Le mouvenemt de mondialisation n’a rien à voir dans la construction européenne. Jusqu’à présent on prenait acte de ce phénomène « mondialisant » sans le remettre en cause - peut être à tort - et la construction européenne de manière pragmatique l’intégrait. On nous a proposé un Traité donnant à l’UE des moyens politiques pour canaliser le processus de mondialisation et voilà que ceux là même qui contestent cette mondialisation ont refusé les outils proposés par le TCE pour en canaliser les effets, mélangeant de mon point de vue des questions différentes. Vous serez sans doute d’accord avec moi pour dire que le rejet du TCE n’entrave en rien le processus de mondialisation mais qu’à vouloir ignorer les contraintes qui s’imposent à elle, l’UE perd toute possibilité d’influer sur son développement qui j’en suis d’accord, est dangereux.

                  Il est tout a fait surprenant de dire que le TCE était un moyen de canaliser le processus de mondialisation. Il est beaucoup + réaliste de penser que cette orientation était à la pointe des effets nefastes de la mondialisation, et ceci par une série d’aspects.

                  Mais il est exact qu’une grande partie de la gauche et la totalité de la droite en France, en estimant que l’économie devait sortir du champ de la démocratie, ont profondement affaiblit la force des fondements positifs de nos sociétés européennes... Même si ce processus n’est ni spécialement Français ni spécialement européen.

                  On le retrouve aux USA avec les mêmes consequences sociales et des troubles qui parcourent en profondeur la société et qui pourraient à tout moment surgir avec une extreme vigueur sur la scène politique.

                  Le TCE en essayant de couler dans le bronze, dans les fondements textuels l’agression contre les principes démocratiques soulignait ce processus en Europe.

                  Et ça c’était tout à fait inedit. Passer de politiques concretes menées sans l’assentiment éclairé des populations à une situation où on leur demandait de se dépouiller de leur souveraineté, casser leurs prospérités, faire reculer les principes démocratiques, pousser aux racismes et xenophobies internes en jetant les peuples les uns contre les autres, c’était indeniablement trop.

                  Les populations européenns avaient goûté au concret de ces politiques et « on » leur demandait de signer sur le bas d’un contrat leur acceptation définitive de celles-ci et leur renoncement à pouvoir un jour en changer les règles du jeu.

                  Ca sucite, sucitait, sucitera forcement des reactions de + en + nerveuses des populations ...

                  Les gens ne sont pas des imbeciles.

                  Penser que c’est grace au calcul du courant de Fabius que le non ait gagné est très limite et part du principe d’un contrôle qu’aucun parti n’a sur son électorat. Celà parait très peu probable (d’ailleurs ce genre d’attitude qui se conclut en général par une poussée de reconnaissance des personalités ne s’est pas retrouvé sur Fabius, celui-ci restant derrière Besancenot !).. Il est fort possible d’ailleurs que, si Fabius s’était rangé dans le Oui il eut donné quelques raisons de + de dire NON au peuple français.

                  Il est d’ailleurs, pour constater l’inanité d’un tel argument, que de voir le vote hollandais et notemment les sondages dans ce pays qui donnent à penser que la majorité de l’electorat qui votait à gauche a voté non. Pas besoin de Fabius là dedans.

                  La mondialisation peu respectueuse des populations continue, ça c’est sûr. Et elle comprend une série d’acteurs plus ou moins démocratiques. Le fait que la tentative de recul de la démocratie par le TCE dans la zone Europe ait été repoussée par les populations européennes est une très bonne nouvelle. Insuffisante mais déjà très bonne et il me semble utile maintenant de pousser à ce que les representants européens dans les grandes instances mondiales, par exemple l’OMC et le FMI, soient sous un contrôle démocratique rigoureux et non extremement flou, et, pourquoi pas, par des mandats electifs directs.

                  Se poser ces questions, demander la transparence, le contrôle démocratique, la protection des plus faibles, l’extension de la démocratie, me semblent des aspects + féconds, répondant mieux aux attentes des populations, répondant infiniment mieux à des critères d’efficacité economiques que d’essayer sans cesse de dévaluer un sursaut populaire en faveur de la démocratie.

                  Que des dirigeants à l’esprit peu respectueux de l’esprit démocratique continuent d’appuyer sur l’accelérateur en essayant de nier une volonté populaire très probablement majoritaire en Europe (dés lors qu’il existe un débat libre et éclairé), que ceux-ci nomment des gens dans les instances économiques mondiales qui se moquent completement de ce désir populaire montre combien existe un puissant écroulement moral dans une partie des dirigeants politiques français.

                  Ca montre qu’il n’y avait pas que la politique du TCE qu’il fallait repousser mais égalemennt les politiciens qui en étaient les inspirateurs.

                  Il est exact que l’irruption de la volonté démocratique sur le terrain de la mondialisation rencontre une série d’obstacles en Europe : Les inspirateurs du TCE, les soutiens du TCE, une grande partie des gouvernements européens qui se refusent, ne veulent pas, se crispent sur leurs renoncements plutôt que de laisser passer l’air frais et vivifiant de la democratie.

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