Les délires de Michel Onfray en matière de politique étrangère
Les déclarations à l'emporte-pièce de Michel Onfray à l'automne 2015 sur la prétendue "islamophobie" de la politique étrangère de la France laissent pantois. Que de contre-vérités ! On inverse les causes et les effets, on confond la guerre du Koweït de 1990 avec la guerre d'Irak de 2003, on passe sous silence de nombreux faits et on ment sur le reste.
Quand on écoute ces interventions, on ne sait comment réagir. Doit-on être plus scandalisé par la passivité de beaucoup de journalistes et intervenants devant l’expression de ces contre-vérités ou par ces contre-vérités elles-mêmes ? Il est dommage de voir de nombreux journalistes réduits à des fonctions de porte-micro. Quand l’interviewé assène des contre-vérités évidentes, n’a-t-on pas le devoir de rétablir les faits ? Ne pas confondre l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990 et l’invasion de l’Irak en 2003, est-ce trop demander ? On pourrait traiter tout cela par le silence. Mais ces interviews tournent en boucle sur internet et, à force d'entendre des bêtises jamais contredites, certains pourraient finir par les croire. Et puis, comme on nous l’annonce : il revient. Il publiera finalement son livre « Penser l’Islam » dont les interviews de l’automne nous ont donné un aperçu, en tout cas en ce qui concerne son approche délirante de la politique internationale.
Michel Onfray répète que la France et l'occident mènent depuis trente ans une guerre islamophobe contre des populations musulmanes et que cela explique les attentats de janvier et d'octobre 2015. Il cite les bombardements en Libye et la guerre en Irak, accuse Mitterand et la gauche d'avoir été les moutons de Georges Bush.
Confusion entre la guerre du Koweït en 1990 et la guerre d’Irak en 2003
Tout cela n’a guère de sens. Onfray joue sur la confusion entre la guerre du Koweït en 1990 et la guerre d'Irak en 2003 ainsi qu’entre Bush père et Bush junior. En 1990 l'Irak a envahi du jour au lendemain son petit voisin le Koweït, risquant ainsi de déstabiliser toute la région. Doit-on laisser un pays en envahir un autre et encourager ainsi d'autres pays à faire de même ? Il était impossible de laisser une telle invasion sans réagir. Une coalition internationale menée par les États-Unis, soutenue par la France, la Grande-Bretagne, l'Arabie Saoudite, la Turquie, l'Égypte et de très nombreux pays de toutes les régions du monde est donc intervenue. Il ne s’agissait en aucun cas de l’agression de l’occident envers un pays musulman, il s'agissait d’intervenir à la demande de nombreux pays musulmans pour défendre un pays arabe contre un autre pays arabe.
L'Irak en 2003 ? C’est toute autre chose. Bush junior, alors au pouvoir, a utilisé la colère qui a fait suite aux attentats du 11 septembre 2001 pour attaquer l'Irak qu'avait combattu son père sans l'envahir, et ce alors que ce pays n'avait rien à voir avec ces attentats. C'est à ce moment que Bush junior a parlé de croisade et qu'il a accusé à tort Sadam Hussein de détenir des armes de destructions massives. Une erreur tragique à laquelle la presque totalité de la classe politique et de la population française s'est opposée. Et pas seulement Chirac et Villepin, comme on le dit parfois aujourd’hui. La France a alors pris la tête d'une offensive diplomatique contre celle-ci. Est-ce pour cela que les terroristes s'en prennent aujourd'hui à la France ?
C’est une erreur de dire que le terrorisme de l'année 2015 a été causé purement et simplement par l'invasion de l'Irak par l’occident. D’abord parce que ce n’est pas l’occident qui a envahi l’Irak en 2003, mais les États-Unis aidés par le Royaume-Uni et quelques autres. Ensuite c’est oublier que c’est le terrorisme en 2001 qui a précédé cette invasion. Certes cela n’était pas une raison. Mais si les pays du sud ont droit aux habituelles excuses sociologiques de nos intellectuels, notamment celle de la contre-violence, les pays du nord également. Même si en réalité cela ne constitue pas pour nous une excuse.
Le printemps arabe et le terrorisme
Certes cette attaque calamiteuse a provoqué des désordres graves qui ont accentué le terrorisme. Mais ce dernier doit beaucoup aux désordres qui ont suivi le printemps arabe. Il fait suite également aux guerres civiles qui voient des populations musulmanes se battre en elles, pour reprendre les catégories utilisées par Michel Onfray. À l’époque du printemps arabe, certains commentateurs prévoyaient un hiver terroriste. Leurs discours étaient immédiatement qualifiés de racisme post-colonial et arabophobe. Quoi ? Les Arabes ne seraient-ils pas capables d’instituer des démocraties ? Non, cela veut juste dire qu’un peuple doit être prêt pour la démocratie, que cela demande du temps, et que cette quête, par exemple en France, a mis près d’un siècle pour aboutir. En passant par la Terreur et par les guerres napoléoniennes.
Au sujet de ces troubles, on reproche d’ailleurs aux pays occidentaux tout et son contraire. Ils n’interviennent pas en Syrie ? Ils sont accusés d’insensibilité et suspectés de poursuivre des intérêts cachés inavouables. Ils interviennent en Libye et en Afghanistan ? Ils sont accusés de bombarder des musulmans par caprice ou par calcul égoïste.
Rappelons qu’en Libye il s’agissait de protéger un pays contre un dictateur qui s'attaquait à sa propre population. Le Kosovo ? Les États-Unis sont intervenus pour défendre une population musulmane. L'Afghanistan ? Il s’agissait de lutter contre les talibans, des islamistes qui entrainaient des terroristes à commettre des attentats contre des pays occidentaux et qui abritaient Al-Qaida, responsable des attentats du 11 septembre. N’est-ce pas un combat qu’on peut légitimer ? Le Mali ? Empêcher un pays, à la demande de son gouvernement, de tomber sous la coupe de terroristes prêts à la pire des terreurs. Fallait-il laisser faire, pour que Michel Onfray ne puisse pas accuser la France d’être islamophobe ?
Dans tous ces conflits, sauf pour l’invasion de l’Irak en 2003, jamais l'occident n'a attaqué un pays à population musulmane. Il est au contraire intervenu pour défendre des musulmans contre d’autres musulmans. S’il est vrai que les États-Unis ont commis une erreur monstrueuse en attaquant l’Irak en 2003, il faut rappeler qu’en même temps l’Irak avait attaqué préalablement un de ses voisins. Et que la population américaine avait été attaquée en 2001. Encore une fois, ce n’est pas une excuse, mais on ne peut pas dire que cette violence a été première chronologiquement.
L’antioccidentalisme primaire de nombreux intellectuels occidentaux. Entre haine de soi et délire de puissance
Les mêmes qui reprochent à un pays occidental de ne pas intervenir reprochent dès le lendemain le contraire lorsqu’il y a intervention. Cela s’est vu lors de l’intervention au Kosovo. Cela se voit de nouveau au sujet de la Libye et de la Syrie. Dans une même phrase on reproche à des pays occidentaux d’être intervenus en Libye et de ne pas le faire en Syrie. Le plus étrange est que ceux qui disent cela ne semblent pas se rendre compte que c’est totalement contradictoire.
Il semble que les belles âmes occidentales passent leur temps à tout reprocher à l’occident comme s'il fallait qu’il expie pour l’éternité son passé colonial. Dans leurs têtes, tout est de la faute de l’occident, pour toujours et depuis toujours. Mais alors, quel mépris pour les non-Occidentaux ! Si on suit leur raisonnement, leur population est inapte à la responsabilité et se comporterait à jamais comme des enfants. Ils font de l’occident une entité toute puissante qui, portant à elle seule toutes les responsabilités, est le seul sujet du monde tandis que les autres seraient des entités éternellement ballotées par les faits et par les méchants hommes blancs. D'ailleurs pour eux, un Occidental est toujours méchant et jamais victime. Un non-Occidental est toujours victime et jamais méchant. Simple. Un raisonnement à la hauteur, assurément, de personnes qui se présentent comme intellectuels.
On reproche en même temps à l’occident une toute-puissance fantasmée et une impuissance coupable. On lui demande d’intervenir partout mais on dénonce son interventionnisme. Qu’il intervienne ou non dans une guerre concernant des musulmans, il sera accusé d’être islamophobe. Tout est toujours de sa faute.
Quelle haine de soi chez ces penseurs occidentaux ! Quel orgueil à se croire aussi puissant ! Quel mépris colonial chez ceux-là mêmes qui condamnent le colonialisme presque un demi-siècle après la décolonisation ! Un exemple. Cette formule abominable, plusieurs fois entendue : certaines populations musulmanes ne se sont pas tournées vers la démocratie et se sont tournées vers l’islamisme « parce qu’on ne leur a rien proposé d’autre ». « On », ce sont les Occidentaux. Eux, c’est les autres. Ainsi, les non-Occidentaux seraient des populations totalement incapables de se prendre en charge et de se donner des objectifs. Ils doivent attendre que les Occidentaux leur donnent des buts, des projets, des modèles. Je n’ai jamais rien entendu d’aussi méprisant. À suivre leur logique, ils ne sont pas des êtres humains. Certes, si les Occidentaux sont les seuls à être des individus conscients, alors ils sont les seuls responsables et les autres doivent attendre leurs directives et leurs soins. Cette théorie a déjà existé. Cela s’appelle du racisme.
Alors comme le dit Michel Onfray, la France et l'occident sont-ils en guerre depuis trente ans contre les musulmans, Bernard Henry-Levy est-il responsable de quatre millions de morts ? Ridicule. La France est intervenue pour aider des populations musulmanes agressées par d'autres populations musulmanes et elle s'en passerait bien. Parfois c’est un terrorisme offensif qui a déclenché ces guerres et non l’inverse. Faut-il négocier avec l'une des pires organisations totalitaires qu'on ait connu et qui affirme vouloir dominer le monde ? Ce serait une erreur grossière et une faute. Ici la comparaison avec l’expansionnisme de Hitler est pertinente. Onfray a le culot de répondre qu'après tout, Hitler a perdu la guerre. Donc ce n’est pas grave. Rappelons qu'avant de la perdre il a mis la moitié de l’humanité à feu et à sang et tenté d’exterminer par millions plusieurs catégories de personnes. Si on pouvait éviter d’en arriver là...
Encore un peu de vacances Monsieur Onfray ?
Il semble que le philosophe se soit rendu compte qu'il se mettait à délirer dès lors qu’il parlait de politique étrangère. Il a décidé à l’automne de s’éloigner des médias, a renoncé à la parution d'un livre consacré à l’islam et a fermé son compte tweeter. Il a annoncé qu'il retournait dans son bureau. Tant mieux. On pouvait espérer qu'il se rendra compte de l'inanité de sa position. On préfère le Onfray qui parle d’éthique ou d’histoire de la philosophie. Le Onfray politique a ses lourdeurs dogmatiques, mais au moins il a le courage de livrer une attaque de gauche radicale envers une gauche radicale dogmatique. Mais disons-le : le Onfray politique étrangère est sidérant de bêtise.
A-t-il voulu casser ses habits neufs de "néo-réac" après ses déclarations sur l’islam, les programmes scolaires, la réforme de l’orthographe, le peuple oublié des politiques, ses critiques des Daft-Punk, lui qui affirme pourtant qu’il n’y a pas de jugements de goût universels, ou ses critiques d’une école qui voudrait imposer une soi-disant théorie du genre ? Peut-être qu'à trop s'exposer et à tweeter tout en se réclamant du recul du philosophe, il a fini tout simplement par casser une durite, comme on dit.
Mais non, il semble qu’il nous revienne en mars 2016 avec le même discours. En tout cas à propos de la politique étrangère. Ne voudriez-vous pas prendre encore un peu de vacances, Monsieur Onfray, pour nous revenir avec des idées plus claires ?
87 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON