Lyon-Turin, l’autisme au pouvoir
A l’heure où le gouvernement cherche désespérément des milliards pour rembourser ses dettes, François Hollande vient d’assurer à Jean-Jacques Queyranne, patron de la région Rhône-Alpes, que son projet Lyon-Turin serait financé, (lien) malgré les recommandations argumentées de la Cour des Comptes.
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Lorsqu’en 1991, le projet Lyon-Turin a été lancé, élus et associations se sont battus pour obtenir finalement en 1997 une expertise indépendante, financée par la Région, expertise qui a constaté des chiffres contradictoires, voire faux, concernant la progression du trafic et le prix du chantier.
Evoquant des « incohérences », ajoutant « on ne dispose pas des éléments nécessaires pour apprécier ne serait-ce que la cohérence des résultats qui nous sont présentés »…relevant des « écarts inexpliqués » sur les estimations de trafic, se demandant « sur quoi elles sont fondées »…et concluant que « le dossier règlementaire pose des problèmes de lisibilité sur la forme et sur le fond qui empêchent de valider les prévisions de trafic », les experts du cabinet Reverdy ont pointé du doigt les nombreuses failles du projet.
Comment ne pas constater leur clairvoyance, puisque 16 ans après la publication de l’expertise, tout le monde a pu constater que le trafic des marchandises n’avait quasi pas augmenté depuis 1983 jusqu’à aujourd’hui. lien
Pourtant les partisans du projet ont continué à le promouvoir.
Les opposants au projet n’avaient-ils pas publié en juillet 2000 un tableau émanant du GIR transalpin concernant le fret ferroviaire en Maurienne, prouvant qu’en 15 ans, le fret s’était maintenu en moyenne autour de 8 millions de tonnes/an allant de 7 MT (en 1983, 1986 et 1993) à 10,1 MT en 1998, alors que RFF affirmait dans son dossier qu’il atteindrait les 40 Millions de Tonnes en 2020.
Aujourd’hui la réalité a démenti la fiction et la ligne historique n’est occupée qu’à 18% de ses capacités.
Pourtant, les promoteurs du projet n’ont rien voulu voir, ni entendre.
Le grenelle de l’environnement a acté, par décret le 3 aout 2009, qu’un projet alternatif rendant, a prix inférieur, les mêmes services que le projet initial, devait le remplacer. lien
Ce qui a donné des idées aux nombreuses associations d’opposants qui luttent contre les grands projets inutiles, lesquels se sont fédérés le 23 janvier 2010, et on signé « la charte de Hendaye ». lien
La CADS (Coordination Ain Dauphiné Savoie) qui s’oppose depuis 22 ans au Lyon Turin faisait partie de l’aventure, et a donc décidé de proposer un projet alternatif.
Ce qui fut fait à la Motte Servolex, le 6 mai 2011. lien
Ce projet est double :
D’abord la transformation du réseau existant, suivant ce qui s’est réalisé en Autriche, ce qui a inspiré Michel Martin, un ingénieur Rhône-Alpin, proposant la transformation de la ligne historique entre Ambérieu et la Maurienne, permettant ainsi de supprimer la quasi-totalité des nuisances, en rendant la ligne plus performante. lien
Une même approche devrait être appliquée à l’autre ligne historique, entre Lyon et Chambéry.
Puis, le développement d’une technique de fret ferroviaire, inventée par Alain Margery, appelée R-shift-R, qui grâce à la robotique, et à la motorisation des wagons, permet de franchir des pentes supérieures à 3%, et surtout de charger/décharger le fret en moins de 6 minutes, mesure essentielle permettant de concurrencer la route sans l’aide de subventions gouvernementales. vidéo
Ce concept a d’ailleurs obtenu le 1er prix du meilleur projet d’avenir concernant les transports. lien (page 30 du rapport)
Malgré tout, les promoteurs du projet, Louis Besson en tête, ont continué comme si de rien n’était.
Il faut évoquer au passage le rapport cinglant de l’autorité environnementale, publié le 7 décembre 2011, qui en 28 pages à listé tous les dommages à l’environnement que provoquerait le projet s’il se réalisait. lien
Mais ce rapport n’a manifestement pas troublé les promoteurs du projet, qui n’y ont apporté que des réponses évasives.
Puis est arrivé le temps de l’enquête d’utilité publique, et là aussi, il y a eu des problèmes.
Malgré la suspicion de conflit d’intérêt et les doutes soulevés sur le manque d’objectivité de la commission d’enquête, les partisans du projet ont encore fait la sourde oreille. lien
Et quid de l’opposition italienne qui perdure, et qui, depuis le succès incontestable des « Grillonnistes », fragilise encore un peu plus le Lyon-Turin puisqu’ils ont mis dans leur programme l’abandon pur et simple du projet représentant avec les écologistes élus, une force évidente de blocage ? lien
Pourtant, les promoteurs du projet ont fait comme si de rien n'était.
Au début des années 2000, les opposants français avaient crée une coordination franco-italienne, et de nombreux échanges avaient lieu.
Ainsi, les associations françaises s’étaient rendu à plusieurs reprises en Italie, et réciproquement, soit lors de manifestations, comme celle de Turin, qui en 2005 avait réuni 80 000 personnes, (vidéo) ou à Chiomonte, plus tard, laquelle avait battu des records de fréquentation et permis aux opposants italiens de réoccuper leurs terrains, terrains qu’ils avaient acquis en indivision, et qui étaient en fait le point de départ du percement du tunnel de base, soit pour des échanges d’informations.
Pourtant, les promoteurs du projet coté français ont nié cette mobilisation qui ne faiblit pas depuis 20 ans, et n’en ont jamais tenu compte, allant jusqu’à affirmer que la contestation italienne se réduisait à une poignée d’anarchistes.
A ce jour, seulement 50 petits mètres de tunnel ont été creusé en Italie, sous la haute protection de l’armée, et des gendarmes, qui ont quadrillé le secteur de divers barrages en béton, en acier, avec force barbelés.
Pour mieux comprendre le leurre que constitue ce « tunnel » coté italien, il y a cette vidéo.
Mais revenons en France.
Le 10 décembre 2010, la CADS avait alerté le président de la Cour des Comptes, le mettant en garde des mensonges colportés dans le dossier du Lyon Turin : son cout serait de l’ordre de la trentaine de milliard, et non pas de 12 milliards comme l’affirmaient les promoteurs du projet, la ligne actuelle fret n’étant occupée qu’à 18% de ses capacités, et la quantité de voyageurs avoisinaient les 3000 par jours, très loin d’une possible rentabilité.
C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé le professeur Angelo Tartaglia, de l’institut polytechnique de Turin, précisant qu’aucune ligne en France ne dépassait les 20 000 voyageurs par jour, que peu de ces lignes étaient rentables, rappelant que la ligne Tokyo-Osaka était empruntée tous les jours par 200 000 voyageurs. lien
La Cour des Comptes produisait quelques mois après un rapport qui, confirmant les chiffres évoqués par les opposants, demandait au gouvernement de donner la priorité à la transformation du réseau existant avant de se lancer dans un projet pharaonique.
Pourtant, le gouvernement est resté dans sa surdité et son aveuglement.
Du coup, le député savoyard, Dominique Dord, préalablement partisan du projet, avait fait valoir ses doutes lors de la réunion de la Motte Servolex de mai 2011, évoquant la possibilité d’un « abus de conscience », puis basculait définitivement dans l’opposition au projet, le 15 février 2013, (lien) suivant ainsi le maire de La Motte Servolex, Luc Berthoud, lequel s’était auparavant déclaré hostile au projet, ne reconnaissant plus son bien fondé. lien
Alors le 19 avril 2013, Dominique Dord propose une réunion publique, invitant tous les élus Rhône Alpins à venir l’écouter.
Ils sont plus de 1500 maires à avoir reçu l’invitation, mais combien viendront, et combien basculeront finalement dans l’opposition après avoir écouté l’argumentation du député Savoyard, alors qu’à ce jour, Robert Arbaretaz, maire du petit village de Chimilin, est le seul qui conteste depuis plus de 20 ans le bien fondé du projet ?
L’avenir nous le dira, car comme disait Jean Monet : « l’important n’est pas d’être optimiste ou pessimiste, l’important c’est d’être déterminé ».
L’image illustrant l’article vient de « ecrimagesBblogspot.fr »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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