Maires en mer
Alors que le Congrès des maires de France bat son plein, et que les candidats potentiels à l’élection présidentielle doivent en arpenter les couloirs stylo à la main, j’ai trouvé à-propos de m’arrêter sur une aberration française : les 36 786 communes, maires et conseillers municipaux associés.
Rappelons tout d’abord que les compétences de chaque commune relèvent principalement de domaines comme l’état-civil, les élections, l’action sociale, l’enseignement (en partie), la voirie et l’aménagement, ainsi que quelques compétences décentralisées comme la culture, la santé, etc. Sur ces sujets, les maires sont donc élus pour prendre les décisions de gestion et réaliser les investissements correspondants. Ils portent également une responsabilité, parfois pénale, sur les dysfonctionnements liés à ces activités.
Alors, pourquoi une aberration ? Pour plusieurs raisons. La première est qu’avec 21 000 communes de moins de 500 habitants, il est clairement impossible à ces communes de « fournir les services » dus à leurs habitants. Quand il faut trois ans de budget pour construire un terrain de basket ou goudronner trois cents mètres de route, on mesure aisément le découragement de ces passionnés de politique locale qui, fatigués de chercher des subventions auprès des différentes strates administratives départementales, régionales ou nationales, hésitent la plupart du temps à se représenter, voire ne terminent pas leur mandat. Cette incapacité communale a donc été contournée grâce aux communautés de communes et autres EPCI qui gèrent, sans aucune légitimité électorale, une partie de ces compétences. A bien y regarder, le bulletin de vote du citoyen a perdu une grande partie de sa valeur.
Entre incapacité des communes, illégitimité des communautés et responsabilités des maires, il est temps de porter secours à ces citoyens souvent exemplaires et de redonner le goût et l’envie de la politique locale.
Je parlais d’aberration française, car les pays autour de nous ont évolué sur le sujet. Par exemple, alors que la population médiane de nos communes est de 385 habitants, elle est de plus de 2300 en Italie, 5500 en Espagne et même 11 000 en Belgique ! En France, nous avons même six communes sans habitant ! Alors arrêtons l’hypocrisie, et donnons aux maires les moyens de gérer leur commune de façon indépendante (sans recours systématique aux subventions). Aujourd’hui 90% des communes et 85% de la population sont regroupées dans près de 2600 EPCI ou assimilés. Ce qui veut dire qu’avec environ 3000 « nouvelles communes », même 5000, le tissu local pourrait trouver un équilibre entre capacité et proximité.
Reste le comment faire, la méthode. Point qui m’est particulièrement cher. La loi « Marcellin » de 1971 a été un échec (800 fusions sur 3500 prévues). Quelle que soit la solution, il y aura des mécontents. Alors on peut imposer de manière technocratique et légiférer sur le sujet en une nuit, ce qui aura l’avantage d’être efficace et rapide. Personnellement, je crois que ce projet est une excellente occasion d’impliquer ceux qui le veulent dans une réflexion de politique locale. Pourquoi ne pas se donner quelques mois de débat local pour dessiner ces nouvelles communes ? Bien sûr, on partirait des EPCI existants, en travaillant par écart, et on fixerait un calendrier précis et définitif. Néanmoins, la décision ultime devra être prise par le Parlement... ou par référendum ?
Y a-t-il un candidat à la présidentielle dans les couloirs du congrès de l’AMF qui propose cette réforme avant les élections municipales de 2007 ? Peut-être obtiendrait-il les signatures de cinq cents maires déprimés par leur fonction...
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