Majoritaire ou proportionnelle, peut-on faire mieux ?
Les arguments pour ou contre l’un des deux systèmes de vote sont fréquemment donnés ; ils cachent malheureusement souvent de petits intérêts électoraux. Certains sont cependant fondés et rendent difficile une prise de position définitive. Il faudrait pour taire le débat trouver une méthode qui rassemble les avantages des deux et en supprime aux mieux les inconvénients. Proposer une telle alternative est l’objet de cet article.

Les arguments.
L’indépendance des parlementaires.
« Le scrutin majoritaire, en ne noyant pas le candidat au milieu d’une liste, le rend plus indépendant vis-à-vis de son parti ».
Valérie Pecresse.
Ce point est spécialement important, un scrutin doit assurer
l’indépendance des candidats vis-à-vis des appareils sans pour autant favoriser
les baronnies. Les moyens de l’assurer sont : permettre à un candidat de se
faire élire sur son nom ; permettre la représentation de l’ensemble des courants
politiques afin que les investitures viables ne soient pas monopolisées ;
permettre la présentation de candidats indépendants.
L’efficacité du résultat
« Le mode de scrutin constitue un élément fondamental du bon fonctionnement de la démocratie. Il doit permettre qu’une majorité claire puisse s’établir, afin de garantir la mise en place d’une politique durable, conforme aux engagements pris. »
Valérie Pecresse.
« La Ve République a installé un système dangereux car à la fois autoritaire et impuissant. Pas de lieux de débat, pas de lieux de compromis, l’irresponsabilité à tous les étages et l’impossibilité pour les citoyens de se faire entendre. Tout cela nourrit la démagogie et le populisme. »
Arnaud Montebourg
Une majorité claire donne le pouvoir de faire aisément faire passer des textes, mais dans un scrutin majoritaire, cette majorité n’est que celle de l’Assemblée, elle ne correspond souvent qu’a 20 ou 30% des électeurs.
Est-ce vraiment un atout ? Dans une démocratie, ou par définition, l’on doit obtenir le consentement de la majorité et la protection de la minorité, le consensus auprès de seulement la moitié des électeurs est le minimum nécessaire pour une loi.
Au scrutin majoritaire, à chaque alternance les textes des prédécesseurs sont, sois amendés, soit simplement contredits par d’autres textes. Peut-on alors vraiment parler d’efficacité ? Doit-on s’étonner alors d’avoir des recueils de lois doublant tous les vingt ans, de surcroît souvent mal appliquées ? Une solution radicale et politiquement neutre pourrait être 60% des voix pour voter et maintenir ou modifier un texte, 40% pour le supprimer.
Une foi une loi votée, encore faut-il la faire appliquer. Un texte fortement légitimé trouvera naturellement moins de résistance dans la société civile et dans l’administration.
Reste que pour certaines
situations, en particulier en matière de défense, des décisions rapides doivent
être prises. Cela pourrait plutôt faire l’objet de mécanismes dérogatoires
utilisables dans ces situations critiques et non pas pour les affaires
quotidiennes.
La légitimité du scrutin
« Tous les Français doivent être représentés à l’Assemblée. Y compris ceux dont j’ai toujours combattu les opinions. »
François Bayrou
« Un de mes collègues députés représente 38 000 habitants de Lozère et un autre 190 000 habitants du Val-d’Oise, avec le même poids à l’Assemblée et les mêmes moyens. »
Christophe Barbier
La première citation pourrait être modifiée ainsi « y compris moi » car le scrutin majoritaire prive le centre et les extrêmes de représentation.
La seconde citation rappelle que la répartition de la population des circonscriptions est très inégale. Notons que ce point n’est pas en contradiction avec l’esprit des institutions puisqu’un député est censé défendre en premier lieuxl’intérêt de la France. Les enjeux sous-jacents rendent ce découpage difficilement réformable. Il faut donc un mode de scrutin insensible aux découpages.
La proposition de scrutin
Présentation
Il est destiné à l’élection d’une assemblée parlementaire à la quasi proportionnelle.
Il corrige les principaux défauts des scrutins majoritaires et proportionnels usuellement proposés et dispose en plus d’autres caractéristiques intéressantes dont la notation des candidats. Il s’effectue en un seul tour avec des bulletins ordinaires ou disposant de cases à cocher.
Déroulement
Pour chaque circonscription, chaque parti présente au plus un candidat.
L’électeur a pour chaque parti présentant un candidat dans sa circonscription le choix entre deux bulletins de vote. Le premier bulletin avec le seul nom du parti qui signifie « je soutiens ce parti mais non son candidat ». Le second bulletin avec le nom du parti et le nom du candidat investi localement qui signifie « je soutiens ce parti et aussi son candidat ».
Pour chaque candidat dans chaque circonscription est calculé un taux de soutien (en pourcentage) correspondant au nombre de bulletins comportant son nom sur l’ensemble des bulletins de son parti.
Les sièges sont répartis à la proportionnelle entre les partis qui obtiennent plus de 5 % des voix. Le premier siège de chaque parti est attribué a son candidat ayant le meilleur taux de soutien, puis au second et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les sièges du parti soient attribués.
Exemple
Quatre partis A, B, C et D sont en compétition. Nous comptabilisons pour chaque parti les bulletins avec ou sans le nom d’un candidat. Seuls les partis obtenant 5% au moins sont représentés.
Voici les résultats au niveau national.
Partis/votes |
Score |
Elus sur 577 |
A |
45% |
577/(45+36+9)*45=288.5 => 288 |
B |
36% |
577/(45+36+9)*36=230.8 => 231 |
C |
9% |
577/(45+36+9)*9=57.7 => 58 |
D |
4% |
0 (score inférieur à 5%) |
Blancs |
5% |
- |
Nul |
1% |
- |
Le niveau local détermine qui occupe les sièges.
Pour le parti A nous avons entre autres candidats monsieur Triche qui vient d’être condamné en justice pour abus de biens publics. Bien que son parti ait obtenu un très bon résultat dans sa circonscription traditionnellement acquise dont il est élu depuis vingt ans, il obtient le très faible taux de soutien de 3% car très peu d’électeurs ont choisi un bulletin avec son nom.
Nous avons aussi Mlle Claire qui, malgré une circonscription difficile où son parti est toujours minoritaire, sait se faire entendre et apprécier. Elle y est très fortement soutenue par les électeurs du parti A qui ont placé massivement des bulletins à son nom. Elle obtient un taux de soutien de 88 %.
En classant les 577 candidats du
parti par ordre décroissant de soutien, Mlle Claire est en 12e position,
elle siégera donc à l’Assemblée, Monsieur Triche est classé 564e, comme il
n’y a que 288 élus pour A, son mandat n’est pas renouvelé.
Avantages
Effectué en un tour, il est moins coûteux pour le candidat (en particulier les challengers), le parti et le contribuable.
Les électeurs d’un candidat
investi peuvent ainsi le sanctionner sans pour autant pénaliser le parti le
plus proche de leurs valeurs.
Il donne sa chance à chaque
candidat d’un parti, quelle que soit la difficulté de la circonscription, et
évite les transactions et rivalités sur ce point à l’intérieur des partis et
entre eux.
Comme tous les scrutins
proportionnels, il permet une représentation correcte des différents partis, à
la différence du scrutin majoritaire qui tend à une bipolarisation, dès lors
les textes sont plus légitimes que s’ils sont votés par les représentants de 20
ou 30 % de la population.
Contrairement au système
majoritaire, il n’est pas sensible à la manière de découper les
circonscriptions électorales ni même au nombre d’électeurs ou à leur
sociologie.
Contrairement au système
majoritaire, il nuit au clientélisme le plus nuisible qui consiste à distribuer
des avantages à des groupes d’électeurs très minoritaires mais organisés
(autres que les siens) avec les impôts de la majorité afin d’obtenir les
quelques points qui vous séparent de la victoire.
Comme le scrutin majoritaire et mieux que lui, il permet d’assurer une certaine indépendance du candidat vis-à-vis de son parti, car l’élection se fait sur son nom, il n’est pas noyé au milieu d’une liste et les candidats élus sont clairement les favoris de leurs électeurs grâce au système de soutien. Un candidat dispose de plus de possibilités dans le choix d’un parti.
Il incite plus un député à s’assurer la fidélité de ses électeurs qu’à en augmenter le nombre au prix de toutes les promesses et compromissions.
Notes complémentaires
Un candidat ne peut se présenter hors étiquette, il doit s’associer à ceux des partis qui ont une chance d’avoir des élus. Ces derniers sont toutefois plus nombreux (vraisemblablement entre 5 et 10) qu’avec un scrutin majoritaire.
De la même façon, les trop petites formations sont incitées à se regrouper pour dépasser le seuil de 5%, ceci pour éviter que des groupes de pression essayent de se placer comme pivot électoral ou ne se présentent que pour obtenir un financement légal.
En plus du seuil de 5%, la loi doit exiger de tout candidat une campagne minimum (nombre de bulletins de votes, professions de foi et affiches sur les panneaux officiels) afin de ne pas risquer le cas hypothétique où il serait le seul à voter pour lui.
Un système de ce type à la proportionnelle peut être une bonne alternative pour sélectionner les candidats du premier tour à l’élection présidentielle, chaque parti représenté à l’Assemblée pouvant alors choisir le sien.
Il est possible avec ce mode de scrutin que certaines circonscriptions aient plus d’un élu et d’autres aucun si seuls des candidats peu soutenus dans leurs propres camps s’y sont présentés. Cela dit, pour un parti, placer de bons candidats dans ces zones est une opportunité pour récupérer des sièges. Et puis, comme on dit, mieux vaut être seul que mal accompagné.
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