Mme Lagarde se prend les pieds dans le tapis
Vous êtes comme moi, vous ne comprenez pas tout à l’affaire Tapie-Lagarde.
Une chose apparaît en tout cas, c’est que la fiabilité de l’actuelle présidente du FMI est désastreuse.
L’affaire Tapie-Lagarde n’est pas un scoop. Tout ce que remettent les médias sur le tapis (oui, bon) avait déjà été soulevé dès la décision d’arbitrage en juillet 2008.
On trouve quelques tentatives de synthèse méritoires, par exemple :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Tapie-Cré ;dit_lyonnais
http://www.liberation.fr/politiques/2013/04/18/l-affaire-tapie-lagarde-pour-les-nuls_897200
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/l-affaire-tapie-pour-les-nuls_1261344.html
http://tempsreel.nouvelobs.com/justice/20130124.OBS6581/l-affaire-tapie-lagarde-en-4-points.html
http://lci.tf1.fr/france/justice/affaire-tapie-les-5-questions-pour-tout-comprendre-7979082.html
Deux procédures sont en cours sur l’affaire de l’arbitrage :
1 - La procédure auprès de la Cour de Justice de la République, qui vise Mme Lagarde
Dès septembre 2008, la commission des Finances de l’Assemblée, à l’époque présidée par Didier Migaud, s’était emparée de la question.
En mars 2011, elle avait publié son rapport d’information, présenté par un certain Jérôme Cahuzac, qui avait succédé à Didier Migaud en février 2010.
De son côté, la Cour des comptes avait en octobre 2010 publié un rapport sur la gestion du CDR (le Consortium de réalisation, chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais). Son président (on retrouve Didier Migaud, qui avait été nommé à sa tête en février 2010) avait adressé en novembre 2010 un référé au PM de l’époque, François Fillon, référé transmis avec la réponse du PM à la commission des Finances de l’Assemblée.
Les rapports de la commission des Finances et de la Cour des comptes étaient accablants, mais n’avaient pas de caractère contraignants.
Par conséquent, en avril 2011, des députés socialistes saisissaient le procureur général de la Cour de Cassation, Jean-Louis Nadal.
En mai 2011, Jean-Louis Nadal avait saisi la commission des requêtes de la Cour de Justice de la République à l’encontre de Christine Lagarde pour "abus d'autorité".
En août 2011, la commission des requêtes CJR décidait de transmettre le dossier à la commission d’instruction de la CJR aux fins d’ouvrir une enquête pour, excusez du peu, "complicité de faux et de détournement de fonds publics".
C’est dans le cadre de cette instruction que Mme Lagarde a été perquisitionnée le 20 mars 2013 (où a été trouvé le fameux brouillon destiné à M Sarkozy publié dans Le Monde du 17 juin : "Utilise-moi pendant le temps qui te convient et convient à ton action et à ton casting"), puis été placée le 24 mai 2013 sous statut de "témoin assisté" après deux jours d'audition.
2 - La procédure judiciaire.
En septembre 2012, le parquet de Paris, au terme d’une enquête préliminaire menée sous le contrôle du procureur depuis 2011, a ouvert une information judiciaire, confiée au pôle financier du Tribunal de Grande instance de Paris, pour usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit. Le 10 juin, l’État s’est porté partie civile.
Ceci étant rappelé, voici deux illustrations récentes de l’incompétence de Mme Lagarde :
1 – D’après les estimations rapportées l’AFP, le GBT (Groupe Bernard Tapie, dont Bernard Tapie était seul actionnaire avec son épouse) aurait au final perçu 241 millions d'euros.
cf aussi :
Lors de son audition par la Commission des Finances, le 23 septembre 2008, Christine Lagarde avait déclaré : "J’ignore le montant exact de la fiscalité pesant sur les sommes en question, hors préjudice moral. L’ordre de grandeur dont je dispose est tout à fait estimatif car les arbitres n’ont pas encore statué sur la date à laquelle doit être calculé le traitement fiscal. Mes services m’ont indiqué que, après déduction des impôts et créances détenus par l’État, 30 millions d’euros devront être réglés au bénéfice des époux Tapie".
No comment.
2 – En octobre 2008, les avocats Geneviève Sroussi et Philippe Lhomme, et le député centriste Charles de Courson, avaient introduit un recours devant le TA de Paris à l'encontre de l'Etat, pour voir annulées les décisions du ministère de l'économie et de l'EPFR (Etablissement Public de Financement et de Restructuration, la structure publique qui coiffe le CDR), de ne pas s'opposer au recours à l'arbitrage dans le litige opposant les liquidateurs du GBT (Groupe Bernard Tapie) au CDR (Charles de Courson a la détestable caractéristique d’être un des lobbyistes pro-chasse les plus actifs de l’Assemblée, mais sur l’affaire Tapie il a assuré). Le Conseil d'État avait confirmé le rejet de ce recours en juillet 2011.
Lors du délibéré du CE, en juillet 2011, Geneviève Sroussi avait publié une mise au point sur Mediapart, où on pouvait lire la précision suivante :
« Le vote de l'EFPR du 10 octobre 2007, décidant de ne pas s'opposer à la mise en place d'un arbitrage par le CDR, ne devenait effectif qu'à la condition impérative d'obtenir un accord écrit du Crédit lyonnais sur une prise en charge financière forfaitaire de sa part "avant régularisation du compromis et engagement de la procédure d'arbitrage".
Il s'agissait donc d'une "non opposition" à l'arbitrage, mais sous condition résolutoire d'obtenir cet engagement du Crédit lyonnais.
Cet accord n'a pas été donné.
Pour contourner cet obstacle majeur, le ministre de l'économie [Mme Lagarde] demandait alors au Président de l'EPFR, par courrier du 23 octobre 2007, "d'interpréter" cette condition suspensive de telle manière que l'accord du Crédit lyonnais soit obtenu "avant le prononcé définitif de la sentence" et non plus "avant engagement de la procédure d'arbitrage" ».
Mais voilà-t-y pas que Christine Lagarde accuse son ex-directeur de cabinet Stéphane Richard d'avoir utilisé sa signature pour ce courrier :
« Cette fameuse note du 23 octobre 2007 est donc un point essentiel du dossier pour les enquêteurs. Elle est signée par Mme Lagarde et adressée à Bernard Scemama, le patron de l'EPFR. Pour les magistrats de la CJR, cette "lettre change les termes de l'accord donné par l'EPFR le 10 octobre 2007 et permet de recourir à l'arbitrage". Confrontée à ce document, le 23 mai, Mme Lagarde s'emporte : "Je ne pense pas que j'aurais signé un courrier de cette nature si j'avais été en mesure de le relire." Elle explique que ce document a été rédigé "en [s]on absence de Paris" et qu'il "comporte une signature résultant de l'utilisation de la "griffe". »
Donc Mme Lagarde a signé un document-clé à l’insu de son plein gré ?
Et c’est maintenant qu’elle le dit ?
No comment.
Dire qu’on nous a répété à qui mieux mieux que c’est pour sa compétence qu’elle avait été placée à la tête de l’institut international censé garantir la stabilité économique mondiale !
Ça fait un peu frémir.
Remarquez, Christine Lagarde, en août 2007, au moment de la première secousse internationale liée aux subprimes, avait estimé que le gros de la crise financière actuelle était passé.
Bingo ! Un an plus tard, les banques avaient perdu 500 milliards de dollars de leurs actifs liés aux subprimes, ce qui allait obliger les États à intervenir.
Et encore, je ne parle pas des joies du revolving door. Avant d’intégrer le gouvernement Raffarin en 2005, l’actuelle présidente du FMI avait été durant 5 ans présidente du cabinet d'avocats d'affaires Baker & McKenzie. L’une des activités majeures du cabinet est ce que le monde des affaires appelle du doux nom d’"optimisation fiscale" : mettre en place des montages visant à payer le moins d’impôts possible, voire pas du tout.
En 2011, l’année où Mme Lagarde est passée à la tête du FMI, Baker & McKenzie conseillait la Jamaïque pour devenir un havre de blanchiment fiscal, oups, pardon, d’"optimisation" fiscale. (dame, quand on est à 300km des Îles Caïman, on finit par se dire "Nan mais allo quoi, t’es une île, t’as pas de lessive ?")
Les Français, toujours bien inspirés, classaient voici 4 mois Christine Lagarde la première, parmi les femmes qu’ils souhaitaient voir jouer un rôle important dans la vie politique française. Ils classaient en deuxième Marine Le Pen, confirmant la fulgurance de leur discernement. Bon, c’était ce genre de sondage où on doit choisir parmi une vingtaine de noms sélectionnés sur des critères obscurs…
Après tout, Mme Largarde est peut-être la digne présidente du FMI. Inutile de rappeler que le FMI a imposé des politiques d’ajustement structurel dogmatiques (privatisation-dérégulation-ouverture à la mondialisation-réduction des dépenses publiques) qui ont fini, au vu de leur ineffacité voire de leur nocivité, par faire l’objet de critiques de plus en plus partagées.
Et en revanche, le FMI a été incapable de prévenir et de juguler la crise américaine des subprimes et la crise européenne des dettes souveraines.
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