Municipales 2008 : mission accomplie pour le MoDem ?
Malgré l’implosion lyonnaise, les échecs parisiens et marseillais, et les incertitudes paloises, le MoDem a finalement atteint ses objectifs : rendre le MoDem incontournable.
Le premier tour des élections municipales et cantonales du 9 mars 2008 a donné incontestablement un avantage à la gauche, sans pour autant donner une trop rude leçon à la majorité présidentielle qui parfois conquiert certaines villes (Le Puy, Chaumont), mais en perd aussi dès le premier tour (Rouen, Bourg-en-Bresse, Dieppe, Vierzon, Alençon, Chalon-sur-Saône, Rodez) et risque d’en perdre encore beaucoup au second tour (Angoulême, Amiens, Blois, Orléans, Corbeil-Essonnes, voire Strasbourg, Toulouse, Périgueux et même Marseille, ces quatre dernières étant très incertaines).
La grande diversité des situations locales
Il reste en effet que, comme l’a expliqué au soir des élections une Roselyne Bachelot avec son ton habituel, ces élections sont d’abord le résultat d’enjeux très locaux avec des situations très différentes et il serait bien difficile de trouver un "sens" national unique.
La très grande prime au sortant, quelle que soit son étiquette, a montré d’ailleurs que le bilan du maire et les projets de ses concurrents étaient sans doute l’élément-clé ou, si on reste au niveau des personnalités, la forte notoriété de certains candidats et leur ancrage dans leur commune ont joué un rôle prédominant.
Une stratégie pragmatique
Lors de la préparation des élections législatives de juin 2007, j’avais critiqué assez fortement le MoDem pour n’avoir pas pris en compte, dans sa stratégie, l’implacable scrutin majoritaire uninominal à deux tours (combattu peut-être, mais qui existe bel et bien). Son jusqu’auboutisme indépendantiste ne pouvait que déboucher sur un échec très regrettable en nombre d’élus à l’Assemblée nationale (trois) alors que François Bayrou représentait, quelques semaines auparavant, 18 % des électeurs.
Je dois dire que pour ces élections municipales (je n’évoque pas les cantonales), j’ai plus apprécié la stratégie du MoDem même si elle peut être difficilement défendable sur le plan national. Et même si elle apparaît un peu désordonnée.
En clair, l’idée était de prendre en compte la situation de la commune. De faire une liste autonome du MoDem en principe (comme pour les autres élections), mais de s’allier parfois au premier tour, parfois au second tour, avec les forces qui proposent un projet municipal que le MoDem approuve, indépendamment de l’étiquette politique.
Opportunisme ?
Bien sûr, on peut aisément imaginer qu’une telle stratégie a pour conséquence de se rassembler avec les listes susceptibles de gagner, par pur opportunisme (comme à Lyon, à Montpellier ou à Dijon) afin de rafler le maximum d’élus. En ce qui me concerne, j’aurais bien du mal à faire ce reproche d’électoralisme, sans savoir au fond s’il est justifié ou pas, puisque j’ai toujours pensé qu’un parti politique était fait pour avoir des élus, sans évidemment renier ses principes (l’autonomie n’est pas un principe, mais une stratégie).
Ou choix des meilleurs ?
L’alliance avec Alain Juppé à Bordeaux (qui n’était pas donné gagnant et était plutôt dans une sorte de spirale de l’échec après les législatives de juin 2007), celle avec Xavier Darcos à Périgueux (en situation délicate), celle avec Philippe Mottet à Angoulême (en ballottage défavorable) ou même la liste de François Bayrou à Pau ont montré que cette stratégie pouvait être courageuse et pas seulement fondée sur le pragmatisme.
François Bayrou avait tout à perdre à s’impliquer personnellement dans cette élection plutôt difficile alors que Ségolène Royal (qui avait échoué, il y a quelques temps, dans son objectif de devenir maire de Niort contre un socialiste), si elle a beaucoup participé à la campagne des socialistes, elle n’a pris aucun risque personnel.
Le sort très incertain de Marseille montre en tout cas que cette stratégie d’alliance (ici avec le socialiste Jean-Noël Guérini) n’est pas sans risque. Sans doute les décisions d’alliances dépendent beaucoup de la personnalité de la tête de liste : on ne pouvait imaginer un ralliement de Jean-Luc Bennahmias à Gaudin, mais si le choix du candidat MoDem s’était porté sur Jacques Rocca-Serra (devenu candidat UMP qui a échoué dans le 2e secteur), une alliance au second tour avec Jean-Claude Gaudin aurait été très probable.
Même réflexion sur l’alliance du MoDem au second tour avec l’UMP à Toulouse que Jean-Luc Moudenc peut pourtant perdre (le premier tour totalise plus de voix à gauche qu’à droite et au centre).
Des alliances regrettables ?
On peut évidemment critiquer des alliances au premier tour parfois contre nature, comme à Grenoble où le MoDem de Philippe de Longevialle s’est rallié à la liste du maire PS sortant Michel Destot comprenant des communistes dès le premier tour (contrairement à Dijon) et qui pourrait reprendre ensuite dans sa majorité des écologistes d’extrême gauche peu en phase avec les idées du MoDem (je ne sais pas s’il y aura fusion des listes PS et Verts, mais sûrement un accord de gestion après).
On peut aussi regretter la constitution de listes MoDem contre des maires sortant issus de l’UDF-bayrouiste (c’est-à-dire, qui n’ont pas rallié l’UMP en 2002), comme Jean-Christophe Lagarde (député NC) brillamment réélu à Drancy (au long passé communiste) avec 69,5 % (mieux que Jean-François Copé à Meaux !) ou encore Nicolas Perruchot, à Blois.
Résultats décevants dans des grandes villes
La situation dans les très grandes villes est plutôt décevante pour le MoDem, souvent très en dessous des 10 % fatidiques pour pouvoir se maintenir au second tour ou négocier fermement avec d’autres listes : 5,5 % à Marseille ; 5,7 % à Strasbourg (victime des profondes divisions centristes comme à Lyon) ; 5,9 % à Toulouse (où la liste de Jean-Luc Forget était la poursuite d’une rivalité ancestrale avec le maire sortant Jean-Luc Moudenc, tous les deux anciens centristes du CDS) ; 14,7 % à Nancy (alors que la tête de liste Françoise Hervé avait déjà atteint les 20 % et est reconnue par tous comme une très bonne connaisseuse des dossiers de sa ville) ; 7,8 % à Lille (où Jacques Richir était parfois contesté) ; 7,5 % à Caen (où la liste de Philippe Lailler, MoDem, était en concurrence avec une liste du Nouveau Centre).
De beaux scores en Seine-et-Marne
Mais dans d’autres villes, le MoDem a fait de très beaux scores et est souvent incontournable dans les préparatifs du second tour.
Notamment en Seine-et-Marne.
Je cite, entre autres, Aude Luquet qui a réalisé 15,5 % à Melun, mettant en ballottage le maire UMP sortant Gérard Millet ; Charles Napoléon qui, avec ses 21,2 % à Nemours, fait jeu égal avec le maire socialiste sortant Jean-Pierre Béranger (21 voix d’écart), mais qui n’est qu’en troisième position (et les cinq listes présentes au premier tour peuvent toutes se représenter au second tour !) ; Bruno Grandjean avec 31,3 % à Fontainebleau, il menait une liste divers droite soutenue par le MoDem contre le maire UMP sortant Frédéric Valletoux (qui a obtenu 45,9 %) ; Patrick Septiers qui a été réélu avec 76,0 % à Moret-sur-Loing ; Dominique Maillard avec 17,0 % à Roissy-en-Brie.
L’échec d’Ange Anziani à Meaux (6,7 % contre maire UMP sortant réélu Jean-François Copé) et de Jean-Michel Scharr (11,3 % contre le maire UMP sortant réélu Jean-Pierre Le Poulain) sont le résultat de candidatures contestées en interne (Ange Anziani, ancien premier adjoint de Jean-François Copé, étant considéré comme un ancien RPR et Jean-Michel Scharr s’étant présenté aussi sur le canton de Fontainebleau contre la candidate officiellement investie par le MoDem Armelle Magnan de Bornier, ce qui a empêché la présence d’un candidat du MoDem sur ce canton au second tour).
De beaux scores dans quelques villes importantes
Quelques belles réussites aussi nationalement avec le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe réélu à Arras avec 51,2 % et Hervé Chevreau réélu à Épinay-sur-Seine à 60,4 %.
Et d’autres listes MoDem dont le comportement pour le second tour va être décisif : François-Xavier de Peretti avec 20,2 % à Aix-en-Provence (il devrait fusionner avec une liste de gauche) ; Christophe Grudler avec 16,9 % à Belfort (il se maintient au second tour, faisant le jeu du maire sortant chevènementiste) ; Jean-François Mortelette avec 16,2 % à Blois (contre le maire sortant Nicolas Perruchot pourtant bayrouiste à l’élection présidentielle et qui a 13 % de retard avec la liste de gauche) ; Nathalie Griesbeck (députée européenne) avec 14,7 % à Metz (contre le maire sortant Jean-Marie Rausch, en situation critique, dont elle fut la première adjointe ; elle devrait fusionner avec la liste UMP de Marie-Jo Zimmermann qui a obtenu 16,7 %) ; Isabelle Le Bal avec 11,6 % à Quimper (dont le retrait pourrait rendre difficile la réélection du socialiste Bernard Poignant) ; Gilles Artigues (un des rares députés UDF qui a préféré être au MoDem et ne pas être réélu en juin 2007) avec 20,2 % à Saint-Étienne (contre le maire sortant Michel Thollière qui n’a obtenu que 37,9 % et dont il a été l’adjoint) ; Christian Leblond avec 12,3 % à Asnières (il fusionnera avec toutes les autres listes présentes au premier tour pour battre le maire sortant UMP Manuel Aeschlimann qui n’a obtenu que 41,6 %), Éric Chevee avec 13,7 % à Chartres (qui fusionnerait avec la liste socialiste contre le maire sortant UMP Jean-Pierre Georges) ; Alcino Alves Pires avec 10,4 % à Évreux (où le maire sortant UMP Jean-Pierre Nicolas, successeur récent de Jean-Louis Debré, est en ballottage très légèrement favorable).
Situation parisienne dramatique et hypocrisies socialistes
La situation à Paris est, en revanche, plutôt pitoyable.
Le MoDem n’a jamais caché qu’il ne soutiendrait pas la démarche (vouée à l’échec) de Françoise de Panafieu au second tour, mais la réaction du maire sortant Bertrand Delanoë, qui n’a besoin plus de personne (ni des Verts ni du MoDem) pour se faire réélire au second tour, est désolante et se moque beaucoup du MoDem.
En effet, Bertrand Delanoë, voulant ratisser large, essaie de ne pas donner flanc aux accusations de centrisme que lui lancent ses amis de gauche, et a adopté une attitude pour le moins ambiguë : il refuse toute fusion de listes avec le MoDem pour le second tour, mais laisse entendre qu’il pourrait impliquer les élus MoDem dans sa gestion, sans d’ailleurs forcément leur donner des responsabilités.
Proposition très hypocrite puisque cela signifie en gros la mort du MoDem à Paris.
16 listes MoDem pourraient fusionner pour le second tour (soit dans la totalité des arrondissements encore en lice), mais seulement trois peuvent se maintenir au second tour : Marielle de Sarnez dans le 14e (13,9 %), Philippe Meyer dans le 5e (14,3 %) et Véronique Delvové-Rosset dans le 7e (15,7 %). Dans une telle configuration (maintien des listes au second tour), le MoDem aurait bénéficié plutôt d’une élection du maire d’arrondissement dès le premier tour, surtout dans les arrondissements qui l’ont ratée de peu : 4e, 9e, 10e, 13e (ce qui élimine Éric Azière, conseiller de Paris sortant), et 19e. Concrètement, il y aura donc très peu d’élus parisiens du MoDem.
La décision de Bertrand Delanoë s’explique pourtant facilement : en compétition interne avec Ségolène Royal pour conquérir l’appareil du Parti socialiste, Delanoë suit un vieux précepte mitterrandien qui veut que le PS ne se gagne que sur sa gauche (ce précepte n’avait pas vraiment réussi à Laurent Fabius).
Or, aujourd’hui, Ségolène Royal prône une alliance franche et systématique du PS avec le MoDem (que ce dernier ne veut pas, d’ailleurs), agaçant sans aucun doute la plupart des hiérarques socialistes (à commencer par François Hollande).
En maintenant l’archaïque alliance de gauche (PS-PCF-Verts), Bertrand Delanoë montre à l’évidence qu’il ne rénovera jamais le PS. Les Verts et les communistes ne représentent plus grand-chose, même si le PCF fait preuve d’un incroyable sursaut grâce à sa très bonne implantation locale, alors que le MoDem serait indispensable au candidat socialiste pour le second tour d’une élection présidentielle... dans le cas, bien sûr, où le candidat du MoDem ne serait pas, lui-même, au second tour.
Un parti très sollicité
Du côté de l’UMP, Patrick Devedjian et Jean-Pierre Raffarin voulaient contracter un accord national avec le MoDem qui a poliment refusé. L’objectif de Patrick Devedjian était notamment de retirer la liste d’Yves Urieta, maire sortant de Pau, socialiste dissident soutenu par l’UMP pour faciliter l’élection très difficile de François Bayrou en contrepartie d’un retrait de Gilles Artigues à Saint-Étienne pour ne pas mettre en danger la réélection de Michel Thollière (Gilles Artigues devrait se maintenir au second tour).
Le MoDem existe donc bel et bien dans ce paysage municipal très diversifié, et c’est sain pour le pays.
Sylvain Rakotoarison (11 mars 2008)
NB : les résultats ainsi que la composition complète des listes sont accessibles de façon pratique sur le site du Figaro.
44 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON