Pourquoi les démocrates (réels) doivent se présenter aux élections actuelles
Les démocrates (c’est-à-dire les partisans de la souveraineté de la population) conséquents s’opposent logiquement à l’élection lorsque celle-ci érige nos maîtres, aristocrates du boniment, lorsque la Constitution leur permet de faire le contraire du programme sur lequel ils se font élire[i].
Quoique ce régime soit fait pour priver la population de sa souveraineté tout en la faisant participer à un spectacle vain dont elle se lasse de plus en plus, la participation aux élections est la voie qui permet d’utiliser le système aristocratique électif actuel, en détournant sa force à notre avantage, comme dans le jiu-jitsu (littéralement, art de la souplesse) ou le judo (principe de la souplesse)[ii] [iii] :
- La participation aux élections permet, dans l’arène publique officielle, de faire progresser pacifiquement et démocratiquement la démocratie ; car, en démocrates cohérents, nous ne voudrions que la démocratie s’instaure que si la majorité des citoyens l’approuve, et non par un coup d’État. Le vote pour des listes de candidats démocrates permet de mesurer l’adhésion populaire, de faire avancer peu à peu les idées démocrates dans la politique (par l’instauration d’un référendum réellement d’initiative citoyenne, le comptage du vote blanc, etc.)[iv]. Car l’alternative, l’abstention et le vote blanc, n’ont aucune signification intrinsèque et actuellement aucune puissance coercitive : une majorité de citoyens peut ne pas voter ou voter blanc sans que cela soit une expression en soi (est-ce de la paresse, du désintérêt, un accident ou une protestation, un boycott tel celui promu par le philosophe Denis Collin et le webmaster du Mouvement Politique d’Émancipation Populaire le 7 janvier 2014 ?[v]) ; et cela n’oblige en rien à en tenir compte, alors qu’une majorité de citoyens qui voterait pour un programme démocrate devrait instaurer la démocratie[vi].
- La participation aux élections permet de profiter de la publicité offerte lors de ces périodes, où les citoyens sont aussi plus attentifs : panneaux d’affichage légaux devant les bureaux de vote, passages télévisés et radiophoniques de messages enregistrés, postage gratuit par l’État des professions de foi.
- La participation aux élections permet le financement étatique du mouvement démocrate et de réduire d’autant le financement des partis aristocratiques. Au-delà d’un certain seuil à atteindre, chaque vote en sa faveur financera le rassemblement démocratique et en retirera autant aux partis aristocratiques (et la motivation lucrative de ces associations à but soi-disant non lucratif que sont ces partis fera sortir les loups du bois par leurs attaques infondées[vii]).
- La parité sexuelle obligatoire des candidatures en France permet d’équilibrer les sexes dans les réunions et organisations, car sinon elles réunissent spontanément une grande majorité de militants masculins (alors que les femmes sont très majoritaires pour des alternatives liées à la santé, au « bien-être », à la spiritualité). Or, dans une démocratie, la répartition sexuelle des tirés au sort constituant une assemblée représente statistiquement celle de la population. Ainsi, c’est avec la parité obligatoire pour les listes aux élections européennes de 2014 que j’ai assisté pour les seules fois à des réunions où il y avait une majorité de femmes qui, tirées au sort, ont été plus assidues que les hommes, à tel point qu’en arrivant au dépôt des listes, il y a eu une difficulté à valider les candidatures masculines suite à des désistements (alors qu’au début, il était plus difficile de trouver des femmes).
- Plus généralement, elle nous oblige à faire preuve de démocratie interne, ce que j’appelle la démonstration démocratique (« démo »), et de rassemblement : la population est une unité, et il serait incohérent, inefficace et autodestructeur de présenter une multitude de listes où chacun ne présenterait que ses propres idées avec aucune chance d’être élu, alors que les partis classiques, quoiqu’ils fassent le spectacle des rivalités internes de leurs champions, seraient paradoxalement plus unis que des démocrates qui ne sauraient guère faire preuve de démonstration démocratique.
Les pièges à éviter
Il faut éviter de s’assimiler aux partis politiques classiques. Les partis politiques classiques, d’essence aristocratique, sont des écuries de promotion de leurs champions, dans un spectacle médiatique et divertissant. En 1940, Simone Weil montrait cet élément de compétition des partis dans les élections : « Il y a dans les partis anglo-saxons un élément de jeu, de sport, qui ne peut exister que dans une institution d’origine aristocratique ; tout est sérieux dans une institution qui, au départ, est plébéienne. » (Note sur la suppression générale des partis politiques, Climats, 2006, p. 23).
Il faut éviter la confusion entre cette définition sémantique et la définition juridique, variable selon les États[viii]. En France, un parti politique est une association loi 1901 qui se présente aux élections et respecte certaines règles de comptabilité qui lui permettent de recevoir les subventions publiques en proportion des votes reçues en sa faveur. Rien n’empêche un fonctionnement interne démocratique, qui est même au contraire nécessaire par souci de démonstration interne, par tirage au sort des candidats, et votations pour toutes les décisions que les élus devraient exécuter (sous peine d’exclusion, la loi actuelle ne leur interdisant pas de telles trahisons). Ainsi, le programme et la profession de foi, au lieu d’être fixés par une oligarchie interne comme dans les partis aristocratiques, émergeraient de propositions des adhérents qui, votées, apparaîtraient ordonnées selon leur approbation.
Les candidats ne seraient que candidats, sans obligation de propagande et de médiatisation, et non plus les meilleurs beaux-parleurs ou bonimenteurs, promus par l’aristocratie élective. Par contre, une fois élus, ils devraient respecter ce qui a été décidé par les adhérents, et auraient donc un mandat impératif des adhérents démocrates. Par exemple, il pourrait avoir été décidé, au départ, au cas où il y aurait peu d’élus, qu’ils devraient voter ce qui a été voté par les adhérents ; alors que s’ils devenaient très nombreux et donc statistiquement plus représentatifs du rassemblement démocrate et aussi de la population, ils pourraient peut-être plus voter selon leurs propres convictions (je suis plutôt contre cette évolution, car un fossé aristocratique se creuserait probablement).
Que faire ?
Mais avant d’en arriver là, il y a beaucoup à faire en se montrant unis et efficaces. Ainsi une autre erreur est de proposer que nous soyons tous candidats, comme l’ont fait en France, de façon non démocratique, les initiateurs et meneurs de Démocratie Réelle pour les élections départementales des 22 et 29 mars 2015[ix]. Se présenter nombreux et dispersés, c’est donc constituer une machine à perdre. Se présenter à des élections est un investissement coûteux, en temps et monnaie, lorsqu’on veut être efficace. Demander à beaucoup de personnes de le faire, c’est décourager beaucoup des peu qui le feront pour si peu de résultats. Et même s’il y avait des dizaines et des centaines de candidats, et beaucoup d’électeurs adhérents, les voix seraient toujours dispersées et les démocrates toujours perdants.
Il faut d’abord s’unir sous la forme d’une association ou une fédération démocratique, aux statuts et au fonctionnement démocratique (pratiquant isocratie, iségorie et isonomie), et faire un site fonctionnant de même. Chaque membre, bien identifié et cotisant, pourra y faire ses propositions qui seront discutées (en pratiquant par iségorie une limitation maximale des interventions de chaque membre, afin de ne pas favoriser ceux qui ont beaucoup de temps pour écrire et lire) et votées, les propositions se classant automatiquement par la proportion de leur approbation (et optionnellement par le nombre de votants, etc.). Il pourra y avoir plusieurs rubriques (fonctionnement interne, du site, programme national, international, ou selon tous les découpages électoraux et territoriaux français : commune, canton, département, région). Ensuite les candidats, tirés au sort ou élus (dans ce dernier cas surtout pour l’élection présidentielle) auront pour mandat impératif d’exécuter les décisions votées par les membres, sous peine d’exclusion s’ils trahissaient (plutôt qu’alternativement de démissionner).
[i] Aristocrates (étymologiquement les meilleurs souverains) du boniment car la souveraineté est remportée par les meilleurs à gagner la compétition des boniments, des promesses. Ces politiciens avaient eux-mêmes écrit dans la Constitution Française de la Cinquième République que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, l’article 27 stipulant que « Tout mandat impératif est nul. », c’est-à-dire qu’il est anticonstitutionnel (plus qu’illégal donc) de punir les politiciens pour avoir fait le contraire du programme avec lequel ils ont séduit leurs électeurs.
[ii] D’ailleurs, c’est ce que font des démocrates ou d’autres dissidents, en utilisant, par nécessité ou efficacité, des monnaies officielles comme l’euro ou des réseaux sociaux (Facebook) et autres outils sur internet (Google Drive) faits par des capitalistes, quoi qu’y étant opposés (on a besoin d’euros pour lutter contre l’euro).
[iii] Jigoro Kano, le fondateur du judo en 1882, disait s’être inspiré (par une imitation de la nature) des fines branches des cerisiers qui se pliaient sous le poids de la neige et la faisaient tomber, alors que les grosses branches se cassaient sous le poids de la neige accumulée (« C’est en pliant que la souple branche du cerisier se débarrasse de l'adversaire hivernal dont le poids brise les branches rigides »). Cela rappelle, avec le vent pour adversaire, la fable d’Ésope Le Roseau et l’Olivier, ainsi que la métaphore de Blaise Pascal de l’humain comme « roseau pensant », et la fable de Jean de La Fontaine Le Chêne et le Roseau : « Je plie, et ne romps pas. ».
[iv] Lors de la fondation il y a une quarantaine d’années du parti politique français qui a le plus progressé depuis, il y avait dans l’extrême-droite un conflit entre la voie activiste illégaliste, violente, qui a échoué, et la voie électorale légale choisie par le Front National de Jean-Marie Le Pen, parvenu à 40% des votes validés, atteignant alors un plafond par reductio ad hitlerum, exprimée par exemple lors des élections régionales de décembre 2015, 10% d'électeurs n'ayant voté qu'au deuxième tour, afin de s'opposer à la montée de cette "peste brune", problème que n'auraient pas les démocrates, qui ne proposent pas le programme d’une minorité marginale, mais celui de la population.
[v] Luca de Paris : « Le résultat d’un boycott serait nul. », 8 janvier 2014, commentaire (et objection) à Denis Collin : « Pourquoi il faut boycotter les élections européennes de mai 2014 », 7 janvier 2014, http://www.m-pep.org/spip.php?article3509.
[vi] Sauf irrespect par l’oligarchie du résultat issu des urnes, comme par exemple le 11 janvier 1992 l’annulation des premières élections législatives pluralistes que le régime algérien avait organisées, et dont le résultat du premier tour annonçait le renversement de l’oligarchie en place, qui a préféré déclencher une terrible guerre civile afin de se maintenir au pouvoir, suivant une stratégie de la tension hélas classique.
[vii] Par exemple, le député Noël Mamère qui dit (vers avril 2016) que la démocratie directe amène au totalitarisme, ou Jacques Attali se moquant d’Etienne Chouard en imaginant, en chien de garde de la maison qui le surnourrit, que dans une démocratie, on tirerait au sort le président de la république (comme si la démocratie aurait un monarque comme celui de la Cinquième République…) (Ce Soir ou jamais, France 3, 5 septembre 2014 : https://www.youtube.com/watch?v=QzOBUz9OTe0 4mn42s).
[viii] Par exemple, un vote a lieu au sein de www.democratiereelle.eu afin de savoir si le groupe se constituait en parti afin de réunir le nombre de listes régionales autorisant les passages télévisés lors de la propagande officielle des élections européennes de 2014. Par confusion et "purisme", beaucoup furent contre, au risque de priver le groupement de la propagande la plus efficace, gratuite auprès de millions de citoyens dans le média le plus puissant… Pourtant, ils étaient déjà pour la participation aux élections, alors que des "puristes" plus "puristes" y étaient a priori opposés, comme les Citoyens Constituants. Inversement, Démocratie Réelle a été incapable ou hostile à se constituer en association loi 1901, laissant la propriété du nom et du site à une personne unique, alors que les Citoyens Constituants s’associaient avec des statuts démocratiques.
[ix] CauseToujours : « Tous candidats réellement aux départementales ! », sur Agoravox, 4 août 2015 : http://www.agoravox.tv/actualites/politique/article/tous-candidats-reellement-aux-48120.
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