Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine
« Une hypothèse qui circule depuis un moment serait que le Président russe soit à ce point déconnecté de la réalité qu'il finisse par croire à sa propre propagande. Son isolement accentué par le covid, et la nature de son pouvoir révélée par la manière dont il traite ses hauts responsables à la télévision, en seraient la cause. (…) La conclusion qu'Emmanuel Macron a tirée de [l’]entretien hier [3 mars 2022 au téléphone] est que "le pire est à venir", et que Poutine veut prendre toute l'Ukraine. C'est une mauvaise nouvelle pour les Ukrainiens ; une mauvaise nouvelle pour le monde. » (Pierre Haski, le 4 mars 2022 sur France Inter).
Oui, cette invasion russe de l’Ukraine est une mauvaise nouvelle pour le monde. C'est même un cauchemar éveillé. Cela fait quatre semaines maintenant et il est probable qu’elle dure encore longtemps. Les images qu’un pouvoir autocratique ne peut empêcher de faire circuler se multiplient sur les horreurs et les crimes que commet l’armée russe contre le peuple ukrainien. La ville de Marioupol, en particulier, serait déjà détruite à 90%, les populations civiles sont bombardées, on cible les écoles, les hôpitaux, les théâtres, les habitations… L’horreur de la guerre dans toute son ampleur. Son responsable paiera, c’est une évidence ; Vladimir Poutine aura un rendez-vous désagréable avec l’histoire.
Plus de 90% de la population française, selon les sondages, sont choqués. Sont même traumatisés. On oublie un peu vite ce qu’était une guerre. Ce n’est pas un film ou un jeu vidéo. C’est du sang, des viscères, des odeurs. Elle est toujours synonyme de désolation, de misère, d’horreur, de cruauté. Du plus profond de la mémoire collective, des images ou des bruits de bombardement entre 1940 et 1944 resurgissent et inquiètent. Colère, peur, tristesse, les trois stades de l’émotion tragique. Et il faut une réaction rationnelle.
Ceux qui trouvent que la guerre en Ukraine, on en parle trop, alors qu’effectivement, il y a une campagne présidentielle, et que l’élection présidentielle est le moment fort, rare, de notre démocratie, peuvent avoir raison. Mais voilà, c’est la guerre en Europe et il faudra bien se faire à l’idée que cet équilibre fragile de la paix globale en Europe depuis 1945 est désormais rompu. Trois générations sont sous sidération.
Celui qui a porté fort le "non" de la France à la guerre en Irak face aux États-Unis, Dominique de Villepin est très inquiet actuellement. Nous sommes en 1938. La guerre n’est pas seulement entre l’Ukraine et la Russie. Il y a un dirigeant, celui de la Russie, qui a des visées paranoïaques sur l’Europe. Comme Hitler. Ne pas mettre un lien entre les deux est une illusion. On ne veut pas prendre conscience, cela met mal à l’aise comme le peuple français applaudissait les Accords de Munich parce qu’on ne voulait pas revoir la guerre. Mais elle est là.
Le dernier Premier Ministre de Jacques Chirac demande la plus grande fermeté, et la seule mesure efficace, la seule sanction qui arrêterait Poutine, c’est l’arrêt immédiat de la fourniture de gaz. Que valent une perte de chauffage et une perte de croissance économique face au risque d’une guerre européenne totale ? Après l’Ukraine, Poutine s’en prendra à la Moldavie, aux pays baltes, et pourquoi pas, à la Roumanie et à la Pologne décidément encore trop proches de la Russie. Jusqu’où la peur de l’insécurité paranoïaque peut-elle mener ?
Poutine paiera, et paiera cher, car il a déjà perdu au regard de l’histoire, quelle que soit l’issue de cette sale guerre en Ukraine : à l’ONU, 141 pays du monde ont condamné le 2 mars 2022 cette guerre insensée, et seulement 5 ont refusé de la condamner, et pas des pays qui ont une forte influence. Quelle que soit l’issue, Poutine sera considéré comme celui qui aura remis la guerre, la vraie guerre, la sale guerre, au centre même de l’Europe, et sa propagande cynique n’a déjà pas convaincu le peuple russe et ne convaincra pas plus les historiens dans les prochaines décennies. Avec la révolution numérique, on ne peut plus truander durablement la vérité historique.
Mise en avant sur l’affiche du film biographique "Simone, le voyage du siècle" (d’Olivier Dahan avec Elsa Zylberstein, Élodie Bouchez, Sylvie Testud et Philippe Torreton) projeté en avant-première le 14 février 2022, cette phrase de Simone Veil : « Nous sommes responsables de ce qui nous unira demain. ». Et cette phrase veut dire beaucoup de chose pour celle qui a connu les camps d’extermination. Quelles valeurs nous uniront demain ? Nous, Européens.
Le peuple ukrainien résiste avec une force inouïe. C’est son honneur et son entrée dans l’histoire. Le réalisateur français Olias Barco a confectionné une petite fiction qui circule depuis une dizaine de jours dans les réseaux sociaux, intitulée "Paris sous les bombes" et qui imagine ce que serait Paris attaquée par un envahisseur extérieur (qui ne nous veut pas du bien). C’est un peu facile (c’est vrai), mais c’est mieux que rien, pour ceux qui n’ont pas beaucoup d’imagination, pour décrire ce que vivent les Ukrainiens depuis un mois : plusieurs dizaines de milliers de morts, en particulier des civils, des centaines d’enfants dont Poutine se moque comme de sa dernière chaussette, et aussi, plus d’une dizaine de millions de personnes déplacées, ayant tout perdu, parfois n’ayant pas de nouvelles de proches, ne sachant pas s’ils reviendront chez eux dans trois mois ou dans trente ans, dont près de quatre millions de personnes réfugiées hors de leurs frontières.
J’ai été surpris en bien par la grande générosité des Français (et des Européens). Très tôt, des initiatives collectives spontanées ont été prises pour apporter de l’aide à ces réfugiés, leur fournir des vêtements chauds, de la nourriture, des médicaments, etc., parfois des offres d’hébergement. J’ai pu le voir dans ma commune, c’est particulièrement remarquable : tout le monde voudrait faire un petit quelque chose, aider, faire quelque chose pour diminuer cette misère sinon cette horreur. J’ai même vu une personne prendre sa voiture et aller jusqu’à la frontière polonaise pour prendre en charge une famille ukrainienne et l’héberger chez elle.
Nous sommes solidaires, et le monde est solidaire, c’est cela que Poutine n’a pas compris. Il n’a pas compris qu’il est tout seul dans son trip paranoïaque, probablement, comme l’expliquait Pierre Haski, dans son isolement hypocondriaque à cause du covid-19 et dans son délire de refaire l’histoire de la Russie. Il massacre un peuple qui n’a rien fait, qui n’avait aucune visée expansionniste et qui n’aspirait qu’à la paix.
Non seulement Poutine a perdu la guerre de la communication (et je m’en réjouis, beaucoup de ses adorateurs d’hier ont ouvert les yeux et admettent leur erreur ; et parmi ceux-là, les trois candidats Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, évitons de leur donner le pouvoir, ce genre d’erreur d’appréciation, si elle se reproduisait, pourrait mettre le pays dans un sale état), mais l’armée russe n’arrive toujours pas à bout, après un mois, à écraser l’Ukraine car le peuple ukrainien se bat avec bravoure et sang-froid, c’est son identité qui est en jeu, c’est le concept même de son pays, de sa nation qui est en jeu. Je ne peux m’empêcher d’imaginer le peuple français en mai 1940 avec la même détermination à résister, avec les mêmes dirigeants à encourager, mobiliser le peuple (seul résistant dans la classe politique Paul Reynaud a été dépassé par les événements)…
Y a-t-il une contradiction entre parler d’enlisement de l’armée russe en Ukraine et craindre une extension extra-ukrainienne du conflit ? La réponse est non. Poutine a montré qu’au-delà de la faiblesse de ses armées, de ses équipements vieillots, inadaptés, il a aussi développé depuis des années une très coûteuse technologie. Les missiles hypersoniques, non seulement ils se prémunissent des défenses anti-missiles, mais aussi ils percutent leur cible avec une puissance exceptionnelle (l’énergie est proportionnelle au carré de la vitesse).
Hélas, dans les jours prochains, on peut imaginer un scénario à la syrienne avec l’utilisation d’armes chimiques (la propagande poutinienne est déjà en train de se préparer pour dire que les armes chimiques proviendraient du peuple ukrainien, toujours cette inversion accusatoire qui n’influence que les crédules antipatriotiques). Et puis, qui dira aujourd’hui avec une assurance de plomb que Poutine n’utilisera jamais ses armes nucléaires tactiques ? Plus personne, car le 27 février 2022, il a déjà rappelé sournoisement qu’il en possédait et qu’il ne fallait pas le chercher.
Le Président Emmanuel Macron a raison de garder contact avec le Président de la Fédération de Russie. Son obsession, c’est d’obtenir un cessez-le-feu immédiat et général sur toute l’Ukraine. Poutine ne comprend pas pourquoi il n’a pas eu la victoire facile dès les premiers jours, imaginant que ceux qui allaient massacrer le peuple ukrainien allaient être accueillis en libérateurs par celui-là. Cette rage d’avoir été incapable de comprendre la réalité est dangereuse. Au lieu de faire un repli discret, il risque d’engager toutes les forces de la Russie dans une politique de terre brûlée (les Russes, dans l’histoire, l’ont déjà montré). Déjà, la Russie se trouve dans une situation de faillite, elle n’a plus rien à perdre. Le peuple russe, si, a tout à perdre. Heureusement, de nombreux citoyens russes sont désolés par ce qui se passe, ont honte, et c’est l’honneur du peuple russe que certains osent manifester contre cette guerre criminelle avec beaucoup plus de courage que quelques individus antivax qui défilent à Paris.
Parmi les Français dans les réseaux sociaux, seulement quelques-uns continuent encore à soutenir Poutine, peut-être par crédulité sectaire et anticonformisme stupide, ils ne sont pas nombreux mais ils sont bruyants, mais bizarrement, on les retrouvait déjà dans les conspirationnismes de bistrot contre les mesures sanitaires anti-covid, contre les vaccins, etc. en oubliant que leur gourou en chef est celui qui, sans doute, a le plus peur d’attraper le covid (cela se mesure caricaturalement à la longueur de la table).
Ils oublient, je parle de citoyens français, que l’Europe est en situation proche de la guerre et que choisir son camp est aussi un acte patriotique, mais je suis peut-être abusé, après tout, tous ces bruyants ne sont peut-être que des faux Français et des vrais vecteurs de désinformation d’origine russe (on a déjà vu les origines des désinformations sur le vaccin Pfizer, par exemple), et d’ailleurs, ils ne connaissent pas beaucoup la France, ils ne sont pas très fins, car tous ces faux journalistes supposés français qui font l’éloge de Poutine, bizarrement, ont des noms bien français, et je dirais, trop français avec leurs gros sabots, il suffit de lire n’importe quel journal français pour se rendre compte qu’il n’y a peut-être pas, parmi les vrais journalistes français, que de noms très français (à commencer par le polémiste Éric Zemmour !).
Honte à Poutine, honte à cette invasion insensée, cynique, cruelle, qui va continuer à faire des dizaines de milliers de morts dans les prochains jours, des dizaines de millions de victimes, tout un peuple. Il a enlevé son masque. Il a montré son vrai visage, celui de la mort. Il est comptable des morts et des réfugiés, et d’une manière ou d’une autre, face à l’histoire qu’il semblerait tant aimer, il paiera le prix fort.
Dans quelques jours, du 27 mars 2022 au 22 décembre 2022, le Mémorial de la Shoah de Drancy (110 avenue Jean-Jaurès, ouvert du dimanche au jeudi de 10h à 18h) présentera une exposition ("C’est demain que nous partons") sur les lettres de déportés français envoyées à leurs proches en 1942, pour certaines, jetées par la fenêtre du train à bestiaux qui les conduisaient dans les camps. Par exemple, lettre du 6 août 1942 : « Nous t’écrivons en ce moment dans un wagon car depuis ce matin, nous sommes en route vers une destination inconnue. » (Convoi 15 parti la veille de Beaune-la-Rolande à destination d’Auschwitz-Birkenau). Une des filles d’un autre déporté qui a envoyé sa dernière lettre le 26 mars 1942 (il fut assassiné à Auschwitz le 13 juin 1942) continue à se dire : « Ça n’a pas de sens tout ça. Pourquoi ? Il n’y a pas de réponse. » (interrogée par Delphine Evenou sur France Inter).
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai tendance à penser que nous ne sommes pas si éloignés de cette période si troublée…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (22 mars 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
Klim Tchourioumov.
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