Quand la gauche justifiait les expulsions
Engagée dans une course à la diabolisation et à la dénonciation, à grand renfort de petites phrases et d’amalgames, la gauche dénonce chez Sarkozy une politique de retours au pays et d’expulsions qu’elle applique depuis des années sur le terrain, et qu’elle justifiait quand elle était au pouvoir.
Aussitôt, tous les opposants de Nicolas Sarkozy attaquent frontalement l’homme qui « stigmatise les étrangers », et dont la « politique malsaine » serait une « tache sur le drapeau ». Et tous les médias de reprendre en cœur les citations outrancières des uns et des autres, n’hésitant jamais à en faire les gros titres de leurs Unes (sachant pertinemment que la plupart des lecteurs ne retiennent que les titres) ; et de courir après tous les campements de Roms, contribuant pleinement à la surmédiatisation d’une situation déjà ancienne.
Pourtant, sortis des sphères parisiennes où les élus de gauche font entendre leur condamnation dans une rare unanimité, ces mêmes élus de gauche pratiquent assidument les expulsions lorsqu’ils sont confrontés sur leurs communes à des occupations illégales :
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la toute première expulsion médiatisée est celle de Saint-Etienne, où Libération nous apprend que « l’évacuation du camp fait suite à une ordonnance de justice, après une plainte de la mairie socialiste, propriétaire du terrain. La mairie, contactée, n’a pas souhaité réagir. »
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quelques jours plus tard, 240 caravanes jouent le coup de force à Bordeaux pour s’installer sur un terrain différent de celui qui leur a été proposé. Ils viennent en fait d’être expulsées de la commune d’Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques, suite à une requête devant la justice du maire socialiste de la ville, Jean Espilondo. Une solution sera finalement trouvée à Bordeaux avec Alain Juppé (UMP).
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mais la polémique la plus vive naît sur le territoire de la communauté urbaine de Lille, présidée par Martine Aubry en personne. Alors que celle-ci condamne sans appel dans les médias la politique de Nicolas Sarkozy, voilà que l’opinion publique découvre qu’elle a demandé et obtenu récemment le démantèlement de plusieurs camps.
Mais c’était aussitôt pour être infirmée par Marie-Christine Stanieck, maire adjointe de Lille chargée de la lutte contre l’exclusion et proche d’Aubry, qui aurait déclaré dernièrement face à d’autres élus « que la majorité municipale continuerait à demander les expulsions à la préfecture pour ne pas favoriser les concentrations propices aux bidonvilles »...
Changement de ton aussi chez Aubry, qui prétend que depuis le discours de Grenoble, « tout a changé » : désormais, les Roms risquent l’expulsion du territoire. Sauf que rien n’a changé en fait : le discours de Grenoble ne constitue pas une rupture en la matière, et c’est par milliers que des étrangers sans moyen de subsistance retournent chaque année dans leur pays, avec une aide financière de l’Etat français.
Que pensait Martine Aubry, présidente d’une vaste intercommunalité mais incapable de prendre en charge toutes ces familles ? Que la commune voisine en avait les capacités ? Pouvait-elle vraiment ignorer la réalité des expulsions et autres retours au pays de ces populations vivant largement de la mendicité ?
Bien sûr que non. Et Martine Aubry a aussi participé entre 1997 et 2002 au Gouvernement de Lionel Jospin, lequel déclarait le 9 avril 1998 à l’Assemblée nationale toute sa volonté de « combattre sans défaillance l’immigration clandestine et le travail irrégulier » et « dire à ceux qui ne peuvent être régularisés, qu’ils doivent repartir dans leur pays ; ils ont vocation à être reconduits à leur frontière. C’est simplement là, le respect du droit international, et je dirais même du droit des gens. C’est très exactement cette politique qui se complaît d’une volonté d’intégration. […] Je ne connais aucune formation politique sur ces bancs, qui ait préconisée l’entrée - sans règles - d’étrangers sur notre territoire, et qui ait voulu qu’aucun étranger en situation irrégulière ne puisse être reconduit dans son pays. Il serait d’ailleurs inconséquent politiquement et intellectuellement, d’adopter une telle politique. »
Quand la gauche expulse, c’est donc par « respect du droit international » et par amour de son prochain ; quand c’est Sarkozy, ce sont des « rafles » et le retour de Vichy. L’opinion publique française appréciera. En attendant, le président français et son premier ministre voient leur côte de popularité rebondir de 4 et 2 points en cette rentrée 2010, où le courage politique semble payer davantage que l’hypocrisie.
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