Quand Sarkomence...
Ceux qui ont connu l’époque des disques vinyles se souviennent de ces musiques qui bégayaient, suite à une mauvaise manipulation, responsable d’avoir « cassé » un sillon, le disque rayé provoquant la répétition à l’infini d’un passage musical.
C’est un peu le sentiment que l’on a eu en écoutant le « nouveau » discours de Toulon prononcé le 1 décembre 2011 par un Sarközy semblant avoir oublié qu’il est déjà président de la République depuis bientôt 5 ans.
Ça doit être un cas médical intéressant à étudier, car, soit l’autocrate présidentiel souffre d’Alzheimer, soit il s’inspire de la méthode Coué, espérant que refaire les mêmes discours à l'infini changerait tout d’un coup de baguette magique.
Comme l’a astucieusement fait remarquer « le Parisien », entre 2008 et 2011, on retrouve les mêmes mots, même si le « nous » a pris d’un rien le pas sur le « je ». lien
« Encore des mots toujours des mots » comme l’a si bien chanté Dalida, le terme de « monsieur Blabla » que lui a attribué Angela Merckel ne lui est jamais allé aussi bien. lien
Les similitudes entre les 2 discours sont nombreuses : on retrouve le même public, 5000 militants de l’UMP, acheminés par bus de tout le Sud-Est vers la même ville, dans la même salle, pour une durée identique de temps de parole, avec les mêmes applaudissements concertés, la même cravate, la même veste, la même chemise, et on note les mêmes mouvements nerveux des épaules, jusque dans le décor ; les plis des 2 drapeaux apparaissant à sa droite, laissent apparaitre les mêmes 4 étoiles européennes. lien
Seules nouveautés en 2011, des projecteurs envoient du bleu, du blanc, du rouge, de chaque coté de la scène, et on remarque un décalage original entre le son et l’image, à l’image du décalage entre le discours du candidat président, et la réalité d’aujourd’hui.
On notait quelques absents notoires, telle Christine Lagarde, autre adepte de la méthode Coué, appelée à d’autres fonctions, ses compétences reconnues dans le domaine de la finance, à défaut de celui de la voyance, l’ayant retenue au FMI.
Personne n’a oublié ses déclarations « éclairées » : « je pense que le gros de la crise est derrière nous ». C’était le 20 septembre 2008, quelques jours avant le premier discours de Sarközy à Toulon. lien
Allons plus loin dans les ressemblances.
A chacun des 2 discours, ce sont les mêmes thèmes qui ont été évoqués et les mêmes promesses qui ont été faites.
En 2008, il avait brandi le bouclier de l’Etat : « Sarkozy promet la garantie de l’Etat en cas de faillite bancaire » écrivait la presse, « nous ne laisserons aucune banque faire faillite et que nous ne permettrons pas qu’un seul français perde un seul centime de ses dépôts » affirmait Sarközy. lien
Transmis à Lehman Brother France, qui après sa faillite en septembre 2008, à été rachetée par Nomura pour 2 euros symboliques et transmis aux employés de cette banque qui ont perdu la totalité de leur patrimoine en actions. (lien)
Mais pour Sarközy, en 2008 comme en 2011, l’essentiel ce n’est pas la crise, c’est la peur : « je n’ai pas écouté ceux qui me conseillaient de ne rien dire, de peur que la vérité ne crée la panique ». lien
Préférerait-il faire la chasse à la peur que la chasse à la crise ? : « La peur, c’est une souffrance, la peur empêche d’entreprendre, (…) quand on a peur, on n’a pas de rêve, (…) la peur est la principale menace qui pèse aujourd’hui sur l’économie », déclare t-il, mais il a oublié en 2008, comme en 2011, que la peur n’empêche pas le danger comme on le voit aujourd’hui. lien
En effet, la principale menace qui pèse sur l’économie, ce n’est pas la peur, c’est la crise, et la dette monstrueuse qu’il a pratiquement doublé en 5 ans. lien
En fait en 2011, il finit par reconnaitre, un peu tard, que la crise est bel et bien là et Il déclare : « la crise est grave, elle va durer ». lien
Quittons les ressemblances pour les incohérences.
Il s’en prend une fois de plus en 2011 aux 35 heures, et on serait en droit de s’interroger : pourquoi en près de 5 ans, il ne les a pas supprimé, puisqu’il en a le pouvoir ?
C’est d’ailleurs la question que se pose Martine Aubry, questionnant : « si c’était une telle catastrophe, pourquoi ne pas les avoir supprimées… ? », ajoutant « pourquoi l’Allemagne, le nouveau modèle de M. Sarközy réussit-elle alors que la durée du travail (allemand) est inférieure et qu’elle a encore été réduite pendant la crise ? » lien
Quittons ces incohérences pour les contre-vérités.
Personne n’a oublié les belles promesses de 2008 sur la « moralisation de la finance », il remet ça en 2011 essayant de faire croire qu’à l’occasion du G20 de 2011 des décisions auraient été prises pour moraliser la finance.
Or chacun sait qu’il n’en a rien été. lien
En 2008 à Toulon, Sarkozy tonnait « les modes de rémunérations des dirigeants et des opérateurs doivent être encadrés, il y a eu trop d’abus, il y a eu trop de scandales ».
En 2011 il déclare : « je vous demande de regarder d’où nous venons et ce qui a été accompli en trois ans, c’est une véritable révolution qui a commencé pour les rémunérations des traders, pour les paradis fiscaux ».
En réalité, les patrons du CAC 40 ont gagné 24% de plus en 2010 qu’en 2009. lien
Le 7 mai, un article de « Libération » le confirme : « Au moment ou le gouvernement s’emploie à vendre le bilan de 4 ans de présidence sarkozyste (…) il semble bien que nos chers banquiers n’ont pas renoncé à leurs rémunérations indécentes ». lien
La porte parole de Michel Barnier, commissaire européen, admet : « les comportements n’ont pas changé autant qu’on le souhaite. Les banques n’ont pas respecté l’esprit et la lettre de notre directive ».
En effet, si les rémunérations des traders ont légèrement diminué, leurs fixes ont augmenté et la légère baisse constatée n’est pas due à l’action du gouvernement, mais seulement aux bénéfices qui s’étiolent. lien
Quant aux paradis fiscaux, aux dernières nouvelles, ils se portent très bien. Et même si Sarközy a répété en 2009 « les paradis fiscaux, c’est fini », s’en prenant entre autres à la Suisse (lien) madame Bettencourt l’une des financière de la campagne du candidat UMP (lien) vient d’être épinglée pour ses capitaux planqués en Suisse et ailleurs.
Mais dans son malheur, elle a eu bien de la chance, le redressement fiscal de 100 millions d’euros qu’elle vient de subir ne fera pas l’objet d’une plainte, (lien) remettant au gout du jour, la jolie morale de La Fontaine : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». lien
D’ailleurs sur les 580 milliards d’euros qui s’évaporent chaque année dans les paradis fiscaux, seuls 14 milliards ont regagné les caisses des Etats. lien
En 2011, il continue de dire, comme en 2008, qu'il faudra diminuer nos dépenses, mais comme l’a remarqué la Cour des Comptes, depuis plus de 4 ans, l’Etat ne donne pas le bon exemple. lien
En 2008, il déclarait : « dans la situation où se trouve l’économie, je ne conduirais pas une politique d’austérité parce que l’austérité aggraverait la récession (…) je n’accepterais pas de hausse d’impôts et de taxes (…) il est exclu de renchérir les produits de grande consommation (…) l’économie de marché, ce n’est pas des profits exorbitants pour quelques uns et le sacrifice pour tous les autres ». lien
Or la TVA vient d’être augmentée concernant certains produits, passant de 5,5% à 7% ; elle sera encore augmentée en 2012 (lien) et depuis 2007 l’écart entre les plus bas salaires, et les plus gros n’a pas cessé de se creuser. lien
(Sur ce lien, les 41 nouvelles taxes décidées par le chef de l’Etat depuis 2007.)
En résumé, son discours racoleur n’a pas trompé grand monde : de Dupont-Aignant qui l’accuse de « parler de croissance en nous plongeant dans la récession, évoquant la fin tragique d’un quinquennat du petit candidat qui nous prépare à la fin de l’euro » à Mélenchon qui évoque « des leçons d’économie approximatives devant une foule d’excités réactionnaires », en passant par Aubry pour qui « il tente d’auto justifier son échec, cherchant ailleurs les responsables », Le Pen qui annonce la « perte de souveraineté de la France », jusqu’à Eva Joly qui s’est indignée du « monde qu’il y a entre les discours d’estrades du président et les réformes qu’il soutient à Bruxelles » (lien) il n’y a guère que son camp qu’il ait réussi à convaincre. lien
Le résumé est en chanson dans cette vidéo et en image sur cette photo.
Et puis tout le monde n’a pas les mêmes préoccupations : au moment les français, sont plongés dans la crise, la misère, le chômage, Carla tremble de manquer de lait pour son bébé, (lien) ce qui n’est pas sans rappeler une certaine Marie Antoinette, proposant à un peuple manquant de pain, de le remplacer par de la brioche. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « si les singes avaient le talent des perroquets, on pourrait en faire des présidents ».
Cliquer pour comparer les interventions de 2008 ou 2011, Merci a Corinne Py pour sa documentation.
l’image illustrant l’article provient de « 7h02.eu »
Olivier Cabanel
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