Sarkozy versus Le Pen
En 2007 au premier tour de l’élection présidentielle Sarkozy obtenait 31,18 % des suffrages exprimés et Le Pen 10,44 %. Ensuite l’extrême droite a encore reculé n’obtenant que 6,3 % des voix aux élections européennes. Le parti d’extrême droite semblait en voie de disparition.
Or voilà que l’extrême-droite réapparait obtenant des résultats remarquables dans les sondages. Pourtant la politique de Sarkozy n’a pas changé : il continue à faire de la surenchère sur les deux thèmes favoris du Front National : sécurité et immigration. Alors pourquoi cela ne marche-t-il plus ? C’est à cette question que j’essaie de répondre.
Ce recul de l’extrême droite était attribué à la politique de Sarkozy qui faisait du lepenisme sans Le Pen, mettant en avant les thèmes de l’insécurité et de l’immigration.
Or voilà que l’extrême-droite réapparait obtenant des résultats remarquables dans les sondages au point que l’on parle d’une répétition du scénario de 2002. Les enquêtes IPSOS/Le Monde accordent à Marine Le Pen 17 % d’intentions de vote si François Hollande est le candidat socialiste et 18 % si c’est Martine Aubry ou Ségolène Royal. Les chiffres sont remarquablement stables (sondages du 24 juin, du 13 juillet et du 2-3 septembre. Le Monde du 7 septembre 2011).
Pourtant la politique de Sarkozy n’a pas changé : il continue à faire de la surenchère sur les deux thèmes favoris du Front National.
— Campagne hyper-médiatisée sur l’identité nationale
— Campagne anti-Roms bien musclée et voyante au point de provoquer une polémique avec la Commission européenne.
— Polémique avec l’Italie sur l’entrée de Tunisiens en Europe, augmentation du nombre de reconduites à la frontière, diminution du nombre de professions pour lesquels l’embauche d’étrangers est facilitée.
En sciences exactes on apprend que les mêmes causes produisent les mêmes effets, mais la politique n’est manifestement pas une science exacte. On est cependant en droit de se demander pourquoi cela ne fonctionne plus, pourquoi les voix lepenistes retournent à leur source et entrainent même des nouveaux venus derrière elles. C’est à cette question que j’essaie de répondre. Ceci n’est pas un article, ni une tribune libre, ceci est une consultation. Je propose quelques réponses et je voudrais l’avis des internautes.
L’idée principale est que, si l’immigration et la sécurité font partie du fonds de commerce commun à la droite et à l’extrême-droite, il est trois autres points ou ils se divisent : l’Europe, les relations avec les Etats-Unis, la mondialisation. C’est l’anti-européisme, l’anti américanisme et la résistance à la mondialisation qui font désormais le lit du succès du Front national. Et là la coupure est totale Sarkozy étant un européen zélé et un admirateur béat des USA.
L’Europe donc. En 1992 le « oui » au référendum de Maastricht ne l’avait emporté que de justesse : 51,04 % de « oui » et 49,95 % de « non ». Les pro-européens pavoisaient au lieu de réaliser que le pays était coupé en deux. C’est tout juste si Mitterrand, à la fin de son discours triomphaliste du 20 septembre 1992, déclarait : « Je respecte le sentiment des libres citoyens qui en votant "non" ont voulu sauvegarder des valeurs dans lesquelles ils croient. » Il aurait peut-être été bon de s’interroger sur ces valeurs.
Si on l’avait fait, si on s’était s’interrogé sur ces valeurs, le « non » à la constitution européenne ne l’aurait peut-être pas emporté haut la main. Car voilà que le « non » à la constitution européenne triomphe avec 54,67 % des suffrages exprimés ! La déclaration de Hollande suite au succès du « non », relève de la politique de l’autruche. Plutôt que d'affronter la réalité, il a rabaissé le résultat du référendum à de simples enjeux de politique intérieure dans sa première déclaration : « Ce rejet du traité c'est d'abord le rejet du pouvoir ». Et de tomber à bras raccourci sur Raffarin, Chirac et Sarkozy, de déplorer une « insatisfaction par rapport à la situation économique et sociale ». Bref tout comme la majorité de l’UMP le parti socialiste a décidé une fois pour toutes de ne pas voir que la moitié des Français sont réticents à l’Europe, du moins à celle qui se construit ultralibérale et proche des modèles anglo-saxons.
Qu’à cela ne tienne Sarkozy fera voter le traité de Lisbonne à la place par le parlement. Il y a fort à parier que certains électeurs ne lui ont pas pardonné de leur avoir forcé la main. Alors vers qui peuvent se tourner des citoyens qui veulent « sauvegarder des valeurs dans lesquelles ils croient » ?
L’admiration de Sarkozy pour les USA est patente. Il n’en fait d’ailleurs pas mystère. Cela se traduit par exemple par une réintégration dans la défense intégrée de l’OTAN. Cela se traduit aussi par une percée stupéfiante de la langue anglaise. On se rappelle que Chirac, son ministre des Affaires étrangères, Douste Blazy, et son ministre des finances, Breton, étaient sortis de la salle à Bruxelles lorsque, lors d’une réunion européenne, le patron des patrons français, E-A Sellière, s’était exprimé en anglais. Aujourd’hui non seulement nos ministres (Baroin et encore plus Lagarde avant lui, Précresse, etc.) ne sortent plus de la salle mais ce sont eux qui s’expriment à toute occasion dans la langue de Shakespeare en particulier à Bruxelles où la place de la langue de Molière se réduit comme peau de chagrin. Et on commence à créer des cursus entièrement en anglais dans les universités françaises en violation de la loi Toubon, pour des étudiants qui ne savent pas un mot de français et qui obligent le personnel administratif à se mettre à son tour à l’anglais.
Ultralibéralisme, langue anglaise, mondialisation, toute une idéologie est en train de se mettre en place. Et elle est approuvée par la gauche comme la droite.
Appendice
Avec 29 % des intentions de vote au premier tour de la présidentielle, François Hollande ferait un meilleur score que Martine Aubry (25 %) face à Nicolas Sarkozy qu'il devancerait de 5,5 points, selon un sondage Ifop paru dans le Journal du Dimanche.
Si François Hollande était le candidat du PS, il remporterait le premier tour de la présidentielle avec 29 % des voix, devançant Nicolas Sarkozy (23,5 %) et Marine Le Pen (18,5 %).
Si Martine Aubry était désignée candidate du PS, elle devancerait d'un point Nicolas Sarkozy (25 % contre 24 %). Marine Le Pen serait inchangée avec 18,5 % des voix. En revanche avec 17 % des voix, Ségolène Royal ne franchirait pas le premier tour, derrière le président sortant (25 %) et Marine Le Pen (19 %).
Au second tour, François Hollande avec 59 %, l'emporterait plus nettement sur Nicolas Sarkozy que Martine Aubry (54 %).
Les autres candidats à la primaire socialiste, Arnaud Montebourg, Manuel Valls et le PRG Jean-Michel Baylet, n'ont pas été testés.
Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche), Eva Joly (Europe Ecologie-Les Verts), François Bayrou (MoDem) et Jean-Louis Borloo (Parti radical) seraient à égalité avec 6 % des voix. Viendraient ensuite Dominique de Villepin (République solidaire) avec 2,5 %, puis à égalité avec 0,5 % Philippe Poutou (NPA), Jean-Pierre-Chevènement (MRC), Frédéric Nihous (CPNT), Christine Boutin (Mouvement démocrate-chrétien) et Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République).
Méthodologie
Sondage réalisé en ligne du 30 août au 2 septembre auprès d'un échantillon représentatif de 1 918 personnes inscrites sur les listes électorales, extrait d'un échantillon de 2 036 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas.
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