Le Parti socialiste est en pleine ébullition. Il s’agit d’une crise majeure, qui ne cesse de prendre de l’ampleur, et qui pourrait déboucher, au train où vont les choses, sur… mais laissons cela de côté, il est inutile de jouer les cassandres et ce n’est pas le sujet de cet article. Il semble en tout cas, que ce que 3 défaites électorales majeures n’avaient réussi à faire, se réalise tout d’un coup et à la surprise générale, à l’occasion de la simple élection d’un 1er secrétaire. Le Parti Socialiste est cette fois-ci, réellement en crise. Comment cela se fait-il ? Il y a beaucoup de raisons à cela, mais, pour ma part, et pour l’heure, je souhaite ne m’intéresser qu’à un seul de ces aspects : le détonateur. Et le détonateur de la crise, ce sont les médias.
Si l’on fait le bilan des événements du congrès de Reims, il y a d’abord eu, contre toute attente, la chute de la maison Delanoë. Il y a eu ensuite, contre toute attente aussi, la radicalisation du front anti-Ségolène autour de Martine Aubry, radicalisation qui correspond peu aux mœurs usuels des caciques du Parti Socialiste. Il y a eu enfin, contre toute attente encore, l’extraordinaire remontée de Ségolène Royal, qui il y a quelques semaines à peine semblait ne pas être en capacité de peser réellement lors de ce congrès. Qu’ont donc en commun ces trois événements inattendus ? Le rapport aux médias. Delanoë était le favori des sondages, Royal avait été en un temps l’égérie des médias et voulait reconquérir ce titre, Martine Aubry, à l’inverse était le symbole de ceux qui pensent que l’ambition politique ne peut se résumer aux courbes de l’audimat. Conclusion : les médias sont au cœur de la vie politique contemporaine.
La crise du PS n’est pas la seule résultante du congrès de Reims. Il y a une autre manière de faire le bilan de ce qui s’y est passé : Pour la 1ère fois en France s’est constitué un front du refus face à l’hyperpuissance des médias. Cette opposition n’a pas pour l’heure d’expression politique, ne serait-ce que parce que nos leaders politiques vivent en situation de dépendance de ces mêmes médias. Mais cela viendra. Commençons déjà par libérer la parole sur le sujet.
La problématique des sociétés démocratiques contemporaines, n’est pas la liberté d’opinion, mais la difficulté à se faire entendre. A l’heure de l’économie globalisée, les pouvoirs sont de plus en plus anonymes et inatteignables et les citoyens, de plus en plus isolés et invisibles. Conséquence, il faut faire beaucoup de bruit pour se faire entendre. Corollaire tout aussi essentiel, nous ne voyons plus que ce qui brille. Depuis 20 ans, s’opère une concentration et une privatisation du pouvoir de dire, et plus globalement une privatisation de l’espace public, organisés par les, et au profit des, puissants du monde. La principale caractéristique de l’ordre mis en place au sortir de la deuxième guerre mondiale résidait dans une séparation efficace des pouvoirs politiques, économiques et judiciaires. Force est de constater que nous sommes en train de détruire cet héritage parce que nous laissons la logique marchande submerger l’ensemble de l’espace public. C’est un dévoiement des règles et des finalités de nos démocraties et la régression politique à laquelle nous assistons en est l’expression. Si l’on répète à l’infini que Mr. X est un homme respectable, alors Mr. X … est-il… devient-il, pour autant un homme respectable ? C’est pourtant sur ce mode que fonctionne aujourd’hui la communication politique. Nous n’élisons plus que des cyniques et des idiots qui nous éloignent des immenses défis qu’engendrent les mutations économiques, environnementales et culturelles auxquelles nous sommes confrontés. Il est temps de chasser les marchands du temple.
La démocratie c’est lorsqu’une majorité de 50.01% impose ses choix aux 49.99% autres. Cela ne doit pas pour autant enlever le pouvoir de dire et de penser à ces autres, ou alors, on est en dictature. La… médiacratie, c’est une société dans laquelle, lorsqu’un
sondage dit que 50.01% des sondés pensent à un instant donné que Mr. X a raison, les détenteurs du pouvoir de dire, disent et redisent jusqu’à la nausée que Mr. X a raison et interdisent dès lors à toute autre forme de pensée d’exister et de s’exprimer. C’est une autre forme de dictature. Un sondage a pour vocation théorique de classifier des opinions. A priori, rien d’extraordinaire à cela. Le problème est que lorsqu’on vous demande pour la 54.000ème fois, qui, de Monsieur X ou de Madame Y, a le plus l’étoffe d’être un bon président de la République, on vous suggère l’idée que, l’un… l’a (l’étoffe), et que l’autre… ne l’a pas. Cela s’appelle influencer l’opinion. Conclusion, aux temps modernes, pour avoir raison, il suffit d’être riche et de s’offrir beaucoup de petits sondages. C’est un dévoiement de l’espace public. Les sondages ne peuvent pas et ne doivent pas être les outils de régulation de la vie démocratique.
Le discours convenu sur l’indépendance des entreprises de communication ne peut tromper personne. Ce qui les caractérise c’est au contraire, leur interdépendance. Les maîtres mots de leur réalité politique et économique sont : concurrence et concentration. L’objectif de ces entreprises est certes de produire de l’information, mais cette information n’a de sens que si elle s’adresse au plus grand nombre, que si cela est fait à travers un langage commun à tous et que si le média qui la véhicule est positionné, du plus possible, au plus près du pouvoir. La " pensée unique ", c’est " eux ". Un peu plus chaque jour, de TF1 à M6, de Moscou à New-York et même jusqu’à Kinshasa, les informations distillées aux téléspectateurs, répondent aux mêmes cahiers des charges, à la même idéologie, et presque jusqu’aux mêmes contenus. La " World Company Médias & Co " étend chaque jour son emprise. " Big Brother ", le vrai, c’est " elle ".
Nos organisations politiques s’inscrivent dans des territoires. La " World Company Médias & Co ", elle, n’a pas de frontières et c’est ce qui fait sa force. En ces temps de mondialisation économique, se sont produit deux phénomènes antagonistes qui disent ce que sont les vrais enjeux du monde contemporain : le repli sur soi identitaire des peuples et des structures politiques, d’une part, et l’explosion planétaire des outils de communication, d’autre part. Les uns expriment les rigidités du monde et la difficile adaptation aux évolutions, les autres, la fluidité du monde de demain. Les médias sont effectivement des acteurs majeurs du monde en gestation et c’est un bien. Pour autant ils ne sont qu’un outil et c’est à nous de les faire à notre main et non l’inverse.
En 2006, au moment de l’élection présidentielle, Mme Royal n’a pas eu l’intelligence de voir, qu’en se portant candidate, elle serait l’otage idéologique de ceux qui l’avaient fait reine d’un jour (les instituts de sondages). Elle n’avait aucune légitimité politique particulière pour être candidate. Elle s’est donc faite un nom en se situant sur le même terrain idéologique que son adversaire (pour profiter de sa lumière), et en se dissociant de son camp. La résultante est qu’elle n’a été utile qu’à son adversaire. Elle a fait perdre les élections et l’espoir à son camp. Aujourd’hui encore, elle se trompe en voulant « ouvrir vers l’extérieur », comme elle le dit, le Parti Socialiste, car elle le fragilise face à des pouvoirs intrusifs et puissants (les médias et la droite). Nous ne vivons pas dans un Eden démocratique, où tout est harmonieux, Mme Royal. Le PS est aujourd’hui un parti d’opposition (ou devrait l’être) et par voie de conséquence, il a des ennemis. Il est aussi et surtout en situation de faiblesse. Il a subit une immense défaite politique en 2008 qui le remet en cause dans son identité même. Il ne reconstruira cette identité qu’en en prenant conscience. Ce n’est pas en courant derrière l’opinion, et encore moins, derrière les manipulateurs de l’opinion, qu’il le fera. Il ne pèsera sur la vie politique que lorsqu’il représentera une réelle alternative aux vrais enjeux de la société.
En désignant Ségolène Royal à plus de 60% pour les représenter à l’élection présidentielle de 2006, les militants socialistes ont rêvé un instant qu’ils pourraient effacer d’un trait de plume les défaites précédentes, celle de 2002 notamment, et retrouver ainsi la ferveur de l’union de la gauche. C’était une illusion, la gauche n’existait déjà plus et il ne leur reste plus aujourd’hui pour se consoler que la ferveur… encombrante de Ségolène Royal. Il faut accepter l’évidence. La vieille gauche est morte. Elle l’est, de la succession de ses défaites, elle l’est, des bouleversements économiques et sociétaux apportés par la mondialisation et peut-être plus encore, elle l’est, du triomphe de l’individualisme-roi… Les militants socialistes doivent redescendre sur terre et oublier leurs chimères. Le score du Parti socialiste aux prochaines élections européennes aura probablement le goût de l’humiliation. L’humiliation pour tous ceux qui vivent dans la nostalgie de cette union de la gauche, le socialisme triomphant ne fait plus recette, l’humiliation aussi pour Ségolène Royal qui se pense suffisamment puissante pour régenter à la fois le PS et le modem. Vous ne serez pas un Obama français Mme Royal. Il est à craindre que vous deviez réduire vos ambitions. Peut-être réussirez-vous à devenir sous-secrétaire d’Etat aux anciens combattants du futur gouvernement Bayrou… vers 2017 ou peut-être… 2022. Pardonnez-moi, peut-être suis-je pessimiste. Oui, peut-être… en frappant très fort : une bonne campagne publicitaire, avec un bon slogan : « Ségolène, c’est mon Obama à moi ! ». C’est chouette, non ! Bayrou sera bluffé. Il ne pourra que se rallier à un pareil slogan… Sarkozy aussi d’ailleurs. « Tous ensemble, tous.. tous… ». « Fra-ter-ni-té, Fra-ter-ni-té ». Au fait, pourquoi faire des élections ? Je me moque… et vous le méritez.
Malgré tout ce qui vient d’être dit, tout n’est pas noir, sous le ciel socialiste. La crise actuelle est tellement globale, elle est d’une telle ampleur, que tout un chacun est conscient de ce que le laisser-faire a vécu et qu’il nous faut réinventer les règles du vivre-ensemble. Le PS vient de faire un premier pas dans ce sens. Il a dit « merde » à l’establishment médiatique. Quelle audace ! Il s’est comporté en vrai parti d’opposition. Allez, cela me met de bonne humeur. Merci Martine. Je crois que je vais prendre ma carte d’adhérent au Parti Socialiste.
Réveillez-vous citoyens, l’église « cathodique » vous raconte des salades. Elle ne dit pas la réalité politique et sociale. Un exemple ? Prenons le dernier en date, parlons de ce formidable moment de communion planétaire autour de l’élection américaine. « Tous ensemble, tous… », n’est-ce pas merveilleux ? Nous sommes tous des Black & White. Mais la résultante de tous ces faux-semblants œcuméniques est que le vaisseau est rempli de passagers clandestins, tel notre Président de la République Française, qui s’autorise à se joindre à la fête, nous déclarant la main sur le cœur combien il aime les noirs… d’Amérique (depuis qu’il est élu, il aime tout le monde notre Président, sauf les Turcs… ça va de soi). Un quasi alter-égo d’Obama en quelque sorte, ce qui est bien évidemment un déni du réel de la part de cet homme qui est arrivé au pouvoir en usant des mêmes armes idéologiques et de la même violence politique que le précédent président américain. Les benets se contenteront d’en sourire, les autres penseront aux immenses conséquences de cette société du mensonge institué en norme. Le TSS (tout sauf Ségolène), ce n’est pas une histoire de personne, c’est de la politique, au sens noble du terme. Les médias n’ont pas de légimité à être les médiateurs de la vie politique et il est plus que temps d’en faire un sujet central du débat politique.