Une dose de proportionnelle ?
Le mode de scrutin des législatives est régulièrement critiqué par les politiques. Pour schématiser, il y a ceux qui souhaitent revenir un mode de scrutin à la proportionnelle et ceux qui souhaitent conserver le mode de scrutin majoritaire. Le choix du mode est un exercice délicat qui doit prendre en considération les exigences démocratiques (chaque formation politique obtient une représentation parlementaire correspondant à la part de suffrages qu’elle a recueillis) et la recherche de l’efficacité (pour permettre l’exercice du gouvernement).
Le Parlement tel qu’il est défini dans la Constitution de 1958 (Article 24) indique qu’il doit être composé de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les députés de l’Assemblée nationale sont élus au suffrage direct et les sénateurs du Sénat sont élus au suffrage indirect. On remarquera donc que le bicaméralisme est maintenu, comme dans la majorité des démocraties occidentales d’ailleurs. Dans cette Cinquième République, ce bicaméralisme demeure relativement inégal car l’Assemblée nationale possède des pouvoirs plus importants que le Sénat. Par exemple, les députés ont toujours le dernier mot dans la procédure du vote de la loi (il existe néanmoins des exceptions).
L’élection des députés s’effectue par suffrage direct. Ce mode opératoire est directement inscrit dans la Constitution (Article 24). En revanche, le nombre de parlementaires ainsi que le mode de scrutin n’est pas précisé. M. François Mitterrand a porté le nombre de députés à 577 (555 élus par les métropolitains et 22 élus par les électeurs des départements et territoires d’outre-mer). Chaque député est élu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. En fait, il serait plus juste de dire qu’un député est élu au scrutin majoritaire binominal à deux tours car chaque candidat fait équipe avec un suppléant qui pourrait selon certains événements (un décès par exemple) occuper son siège.
Pour l’élection présidentielle, les deux candidats arrivés en tête au premier tour étaient qualifiés pour le second. Pour l’élection législative, chaque candidat qui réunira au moins 12,5% des suffrages des électeurs du premier tour, aura accès à la suite du scrutin. Cette règle particulière permet alors les triangulaires et plus rarement les quadrangulaires.
Le mode de scrutin des législatives est régulièrement
critiqué par les politiques. Pour schématiser, il y a ceux qui souhaitent
revenir un mode de scrutin à la proportionnelle et ceux qui souhaitent
conserver le mode de scrutin majoritaire. Le choix du mode est un exercice
délicat qui doit prendre en considération les exigences démocratiques (chaque
formation politique obtient une représentation parlementaire correspondant à la
part de suffrages qu’elle a recueillis) et la recherche de l’efficacité (pour
permettre l’exercice du gouvernement). Remarquons que la proportionnelle est la
règle pour les élections régionales et européennes. En fait, ni la
proportionnelle ni le système majoritaire ne permettent de trouver une équilibre
sérieux entre l’ambition démocratique et l’exigence d’efficacité.
Voyons un peu le mécanisme de la proportionnelle.
En théorie, ce mode de scrutin est le plus juste et le plus démocratique. Toutes les formations politiques qui présentent une liste recueillent un nombre de sièges qui correspond au pourcentage de suffrages obtenu dans les urnes. Les minorités politiques peuvent donc être présentes et empêchent potentiellement les majorités de gouvernement. Un exemple très intéressant de ce mode de scrutin est l’assemblée israélienne. Depuis sa création, l’état d’Israël a adopté la proportionnelle intégrale. Si un parti obtient 0,5% des suffrages, il pourra envoyer un député à la Knesset (l’assemblée législative). L’apparition des minorités (partis religieux par exemple) contribue à empêcher la formation de majorités viables. Une des difficultés d’Israël est ce système électoral, qui en apparence est juste, mais qui, faute de majorité, interdit que le pays soit durablement gouverné. En effet, le scrutin proportionnel permet rarement de dégager des majorités de gouvernement, car il laisse une place considérable aux minorités qui jouent les groupes charnières.
En France, actuellement de nombreux partis réclament le retour à la proportionnelle. C’est le cas des partis des extrêmes et d’une manière générale de ceux qui ne peuvent prétendre s’élever au dessus du PS et de l’UMP. Ainsi, il parait logique que l’UDF ait préconisé un retour à la proportionnelle afin d’avoir un poids dans la vie politique. De même, il est cohérent que le PS ait également réclamé cela puisque la toute-puissance UMP les défavorise.
Voyons maintenant le mécanisme du scrutin majoritaire.
Ce mode de scrutin est nettement moins démocratique. Je n’adhère pas aux idées lepénistes, mais remarquons quand même cela. En 2002, près d’une personne sur cinq a soutenu le Front national. Cette proportion était inexistante au Parlement. Comment, démocratiquement parlant, peut-on accepter que 1/5 de la population ne soit pas représenté en conséquence à l’Assemblée nationale ? Ce mode de scrutin fait la part belle au parti politique dominant, affaiblit l’opposition et surtout tue les partis minoritaires.
Précédemment je disais qu’il était logique que l’UDF et le PS (sans compter l’ensemble des petits partis) préconisent un retour à la proportionnelle. Au passage, en 1986, quand Mitterrand a réinstauré la proportionnelle (juste départementale et juste pour cette fois-là) pour les législatives de 86, c’était bien pour ne pas se faire détruire par la toute puissance du RPR-UDF de l’époque et donc garder des sièges. Le scrutin majoritaire avait permis à la gauche d’obtenir une majorité confortable en 1981 et le court passage à la proportionnelle a probablement sauvé le parti d’une déroute qui aurait anéanti les chances de Mitterrand pour un second mandat. Ce que je souhaite souligner ici, c’est la manipulation politique possible qui se cache derrière le choix du mode de scrutin.
Dans le cas UDF-PS, la volonté de revenir à un mode de scrutin à la proportionnelle semble plus humaniste. En fait, ils plaident pour un système majoritaire tempéré par une dose de proportionnelle qui permettrait à toutes les sensibilités d’être représentées au Parlement sans fragiliser le besoin d’efficacité gouvernementale. Le débat d’un système mixte devient de plus en plus important. Pour être totalement objectif, c’est ce système mixte qui a été préconisé par l’UDF et le PS. Cela combine les avantages des deux modes de scrutins. Pour ma part, je rejoins sur ce point M. Bayrou qui proposait une dose de proportionnelle à 50%. Le système allemand fonctionne d’ailleurs sur ce mode mixte. Cela semble être juste et efficace. On comprend facilement pourquoi l’UMP est contre cette mixité. Le nouveau président de la République avait annoncé à demi-mot (les mauvaises langues diront que c’est pour noyer le poisson) qu’il n’était pas forcément contre une dose de proportionnelle aux élections législatives. Mais bon, il étudiera la question quand cela l’arrangera.
En théorie, l’exécutif, le législatif et le judiciaire forment trois sphères indépendantes. Personne ne doit empiéter les uns sur les autres. Ce grand principe nous vient de Montesquieu. Celui-ci imagine un système dans lequel aucun des trois grands pouvoirs ne peut s’imposer et mener à une forme de dictature. Par extension, le législatif devrait même faire office de contre pouvoir sur l’exécutif. Ceci me conforte dans l’idée qu’il n’est pas normal que l’UMP soit aux commandes de tous les pouvoirs sans aucune exception. Je considère que c’est une faille sérieuse de notre système. En plus de ces trois pouvoirs, nous pouvons ajouter le pouvoir médiatique et éventuellement le pouvoir « internet ». La dose de proportionnelle aurait probablement limité les pleins pouvoirs, de même qu’une séparation plus ouverte et juste des médias vis-à-vis de l’Etat était à mon sens une idée incontournable.
Je termine en prenant soin de préciser que ces quelques lignes n’ont pas pour but de critiquer négativement la montée et le succès de l’UMP. J’aurais eu le même avis si le PS ou l’UDF avait été au pouvoir. Je respecte le choix des Français. Le problème que je tente de soulever n’est pas un problème de partis politiques, mais de fonctionnement de cette Cinquième République.
Je pense que la dose de proportionnelle est désormais incontournable (prenons l’exemple allemand comme support de comparaison). Je pense que la séparation des pouvoirs doit être remise en cause. Et finalement, mais c’est totalement personnel, je pense que la politique bipolaire atteint ses limites et qu’il serait démocratiquement intéressant et judicieux de ne pas tuer dans l’œuf le Mouvement démocrate de M. Bayrou. Qu’on adhère ou non à ses idées, ça serait un beau gâchis démocratique que d’exterminer aux législatives cet élan politique.
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