Vers une révision de la Constitution ?
Il y a quelque temps, j’avais écrit un commentaire émettant l’hypothèse de la disparition de la fonction du Premier ministre à terme, compte tenu de deux facteurs : le quinquennat qui renforce la position du président de la République et la personnalité du chef de l’Etat.
A partir du référendum de 1962, le président de la République était élu au suffrage universel direct pour sept ans. Je ne pense pas trahir la volonté de De Gaulle et de Michel Debré quand ils ont rédigé la Constitution en disant qu’ils n’avaient pas prévu qu’un président dirige la France avec un gouvernement du bord opposé. Il suffit de se rappeler de la démission de De Gaulle en 1969. Mitterrand a inauguré cette pratique qu’on nomme la cohabitation (1986/1988 avec Chirac et 1993/1995 avec Balladur), situation due à la perte des élections législatives. Chirac a lui aussi connu sa cohabitation après l’échec de la dissolution de l’Assemblée nationale (1997/2002 avec Jospin). Mais, comme c’était la troisième cohabitation, que cela devenait absurde, des voix se sont élevées pour demander que les mandats législatifs et présidentiels concordassent. Il y avait aussi un avantage stratégique pour Chirac à faire cela, car il lui était plus facile de se représenter pour seulement cinq ans. Ainsi fut fait.
Mais a-t-on bien réfléchi aux conséquences de ce bouleversement ?
Petit rappel constitutionnel (1)
Dans la Ve République, le président possède des pouvoirs étendus comme : le président de la République veille au respect de la Constitution, garant de l’indépendance nationale (art. 5), promulgue les lois (art. 10), propose le référendum (art. 11), peut dissoudre l’Assemblée nationale (art.12), nomme aux emplois civils et militaires (art.13), accrédite les ambassadeurs (art. 14), chef des armées (art.15), droit de grâce (art 17), sans oublier l’article 16 en cas de force majeure... Arrêtons-nous sur l’article qui m’intéresse compte tenu de l’actualité :
Article 8 :Le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions.
Or, il semble bien que, dans les faits, on assiste à une révision de facto de la Constitution. Depuis hier, les médias se font le relais des consultations menées par M. Sarkozy concernant le futur gouvernement. Deux exemples :
« Il n’est pas encore président de la République. En attendant, il assure les fonctions de Premier ministre. "C’est Sarkozy qui fait lui-même le gouvernement", résume, lucide et sans état d’âme, un proche collaborateur de François Fillon, le futur premier ministre du futur président. Acte manqué ? Nicolas Sarkozy doit passer le week-end dans la résidence des premiers ministres, le pavillon de la Lanterne dans le parc du château de Versailles. "Il m’a demandé si c’était possible. J’ai accepté. Aucun problème", confie Dominique de Villepin. "Cela lui a été proposé par le Premier ministre et il va accepter", corrige un proche collaborateur du nouveau chef de l’Etat. » (2 )
Samedi 12 mai, 12h25
Paris (Reuters) - Une semaine après son élection à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy poursuit sa quête de la "dream team", un gouvernement qu’il veut à la fois resserré, ouvert à des personnalités du centre et de gauche, respectant la parité homme-femme et privilégiant l’efficacité. (3)
Certes, on pourra me dire que les précédents présidents mettaient aussi leur touche personnelle. Pourtant, je n’ai pas souvenir que les précédents premiers ministres aient eu si peu d’action dans la formation du gouvernement. Il est vrai que techniquement, notre futur Premier ministre n’est point nommé. Mais cela rend bien les tractations actuelles étonnantes. La chronologie indiquée dans l’article 8 n’est pas respectée. M. Sarkozy souhaite être un président proche des Français, un président qui intervienne effectivement plus souvent et plus qu’avant, un président qui agit.
Pourquoi pas ? simplement, à quoi sert alors le Premier ministre ? Devient-il un exécutant du président au lieu de diriger le gouvernement ? Va-t-il devenir une sorte de vice-président américain sans réel pouvoir que celui de remplacer le président en cas d’indisponibilité ? Si oui, alors une révision officielle de la Constitution s’impose, voire une VIe République...
(1) http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/constit.htm
(2) LeMonde
(3) Yahoo
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