« Vienne le temps des cerises et des jours heureux... »
D'aucuns se plaignent que la campagne présidentielle est morne et prévisible. Et si c'était plutôt eux, ces indéboulonnables commentateurs, qui étaient aussi prévisibles qu'un disque rayé ? Si c'était eux, les experts en sciences économiques, qui avaient perdu pied avec le monde d'aujourd'hui ? Et si leurs posture arrogante masquait leur déroute ?...
Les pharisiens d'aujourd'hui
On s'emmerde dans cette campagne -nous dit Daniel Cohn-Bendit. Les débats, à en croire Parick Bruel, ne sont pas d'un très bon niveau. Mélenchon refuse de venir sur RTL car il me boude, rapporte Jean-Michel Aphatie.
C'est le seul qui a du talent, Mélenchon, tout le monde le reconnaît. Il nous sort des débats moroses, des prestations convenues. Il mène la meilleure campagne, c'est certain mais, pour les experts com' qui tiennent lieu de commentateurs politiques, il n'a pas réellement envie de gouverner. Il a une veste anthracite et une cravate rouge -notent les conseillers en image- ce sont des symboles intéressants, mais il n'a pas l'ambition d'être élu. Il témoigne pour une gauche nostalgique. C'est sympathique, un peu désuet, émouvant comme d'écouter grand-papy nous raconter sa guerre... Il a de la chance, beaucoup de chances, jusqu'ici, mais cela ne durera pas au-delà du premier tour... Ses propositions ne tiendront pas face au nécessaire réalisme économique de l'Europe bruxelloise, celle des réglementation et des traités rédigés par des gens que personne n'a élus. Demain, fini les particularismes nationaux : le camembert, le munster ou la gauche à l'ancienne, tout ça, à la trappe ! Le fromage de Hollande pour tous !... De la bouillie aseptisée, post-nationale... On nous annonce tranquillement l'entrée dans une Europe automatisée, fonctionnant en circuits fermés, n'ayant de comptes à rendre à personne, vaste bureaucratie, libérale et planificatrice, dont nous serons les usagers reconnaissants. La France contre les bureaux...
Les plaintes et récriminations de ces divers témoins de la campagne témoignent surtout que ce sont eux, qui répètent toujours la même chose, et qu'ils n'ont pas su prendre la mesure de ce que représente le Front de gauche. Engoncés dans leurs ratiocinations, jouant toujours les mêmes vieilles scies, disant partout la Loi de leur petit monde à eux, ils sont ceux que certains nomment médiacrates, éditocrates ou enfumers professionnels. Ils se sentent à part du reste du pays, au-dessus de la mêlée, à rappeler les récalcitrants à l'orthodoxie du marché. Ce sont les pharisiens de notre temps.
La prédation libérale
Ils ne referont pas l'erreur de 2005 : faire voter les gens sur un traité constitutionnel, mais qu'est-ce qui leur a pris ? C'est un texte bien trop dense, bien trop technique, cousu avec tant d'amour par nos technocrates, pour le laisser entre les mains du vulgaire... Mettre la démocratie sur la place publique, et puis quoi encore ?... Plus question que Populo mette ses gros doigts sur nos si beaux textes réglementaires et dérégulateurs !
Bien sûr les gens sont inquiets... On ne peut pas leur donner tort. C'est vrai, la crise a fait du mal, nul ne peut le nier. Mais au fond, rassurez-vous, ça va servir à purger le Système... Couper quelques branches pourries de l'organigramme mondial, mettre sous les verrous une bande de charlots qui n'a pas respecté les règles du jeu. Une bonne vidange, en somme, et puis ça repart comme en l'an 2000 !
Ah, l'an 2000... Déjà si loin, mais il est si doux d'y reprenser. C'était la Belle Epoque... Entre la chute du mur de Berlin en 1989 et la crise des subprimes en 2008, l’idéologie libérale a tout balayé sur son passage. Même l’éclatement de la bulle Internet et le scandale Enron en 2000 n’ont pas entaché durablement l’optimisme, pour ne pas dire l’arrogance, des thuriféraires de la mondialisation marche forcée. C'était une lame de fond irresistible. Une orgie libérale, un gavage mondial, l'engraissement accéléré !... C’en était au fond fini de la politique. On n’avait plus qu’à gérer le monde en bons pères de famille, s'en remettre à des technocrates bienveillants... C'était l'arrivée du libéralisme gosplan. Les Nations, c'est ringard. Il y a maintenant les "territoires". La loi, c'est monolithique, alors que le contrat, c'est flexible, souple. L'État social, c'est soviétique. Le peuple, c'est moisi...
A cette tendre époque, les chantres de l’ordre établi ne manquaient pas. Parmi tout ce chœur d’experts, me revient en mémoire Jean-Marc Sylvestre (vous en souvient-il ?) et sa chronique quotidienne sur LCI : il nous chantonnait chaque jour pendant trois minutes les bienfaits de l’ordre économique. C’était à chaque fois comme une saynète, avec des personnages récurrents, aux rôles bien définis : les brillants technogestionnaires et patrons, qui réalisent de magnifiques fusions-acquisitions ; les politiciens, parfois utiles pour gérer les choses, mais souvent trop peu audacieux dans les « réformes » ; les chauffeurs de taxis, pas assez à l’heure (qui ne viendront pas se plaindre si leurs gosses n’ont pas de travail parce que le pays ne tourne plus rond) ; les chômeurs, grévistes, RMIstes et autres grugeurs d’allocations sociales -à mener à la baguette !
Une vision du monde bien structurée, hiérarchisée, vue depuis les hauteurs sublimes des élites qui, comme dit Christopher Lasch (La révolte des élites), ne fréquentent jamais les gens ordinaires de leur propre pays -et font tout pour les éviter.
Douce petite musique du réveil, que celle de ces chroniques économiques, accordée sur l’humeur de l’actualité : si un malheur frappait le monde, il fallait d’urgence libéraliser davantage ; si des gens protestaient, Jean-Marc devenait chagrin et même il se montrait colère : il fallait asséner une juste mais ferme leçon de pédagogie pour faire rentrer ces réfractaires dans le rang. Et si un jour, il ne se passait tout bonnement rien, ma foi, il fallait profiter de ce répit pour investir un peu, vendre quelques actions, feuilleter tranquillement les pages saumon de son Figaro.
Nous souffrons aujourd'hui non des engagements partisans, de la mauvaise foi mais de ce que ces opinions de classe se parent d'objectivité. Nous sommes étouffés par le règne des experts, tant des vrais qui prétendent gouverner scientifiquement, que des faux qui monopolisent le temps de parole alors que leur beau savoir n'est que l'expression de leurs intérêts. Intérêts qui sont eux-mêmes au service de leur simple désir de rester là le plus longtemps possible et se gaver encore un peu plus...
Le réalisme économique
Aujourd'hui, nos élites ont en apparence déchanté, mais elles ont toujours aussi faim. Leurs voix sont douces mais leurs politiques sont dures... Ils vous parlent de rigueur, d'austérité, de cure... Ils promettent des remèdes de cheval pour des maux dont ils sont responsables. Les Pythagoriciens, dans la Grèce antique, croyaient que le cosmos était bâti selon certaines mesures idéales, que les Nombres régissaient l'univers... On peut trouver cela arriéré, folklorique, bien peu scientifique, mais souvenez-nous-en la prochaine fois qu'un éditorialiste, pour qui quand même les chiffres ne mentent pas, vous réduira l'économie française à un tableau Excel.
La realpolitik économique, aujourd'hui, est une logique pure et simple de prédation : 1) Vous prenez un pays considéré comme solvable, mais obligé de s'endetter. 2) Vous l'obligez à contracter des dettes, au-delà même de ce qu'il demande (collusion des dirigeants et des financiers). 3) Vous le pressurez tant et si bien qu'il ne peut rembourser. 4) Vous le serrez à la gorge jusqu'à ce qu'il soit à genoux. 5) Vous relâchez un peu la pression, montrant par là que vous êtes généreux et humain, que vous allez un peu renégocier la dette. 6) Vous exigez encore plus de démantèlement des services publics et vous continuez la saignée. La science économique, 90% du temps, n'est que la justification de cette politique du loup envers l'agneau. C'est bien comme ça qu'ils s'y sont pris en Grèce... Ah non, pardon, on me souffle dans l'oreillette que c'est parce que les Grecs grugent les impôts...
Oui, heureusement, nous avons des institutions respectacles, telles que Science Po ou le FMI, pour expliquer cela posément et doctement. Les voix sont douces et leurs politiques sont dures...
Et le comble, c'est qu'on reproche à Mélenchon ses outrances ("leur système pourri"), ses sorties fracassantes ("le capitaine de pédalo"), son intolérance envers les journalistes ("tu fermes ta petite bouche")... On peut avoir bonne haleine et bonne conscience en se couchant le soir, disait Paul Nizan, et être le suppôt des pires politiques de répression. On peut à l'inverse être colérique, caractériel, et être -j'en suis sûr- plein d'humanité, d'humour et de générosité. Sa voix est dure mais ses espoirs sont bien plus doux.
Oui, c'est très bien que Mélenchon ne renie pas son côté méridional, qu'il tranche avec le style Science-Po / ENA auquel est largement formaté le personnel politique. Les brutes ne sont pas ceux qu'on croit : à la fin d'un meeting, Mélenchon lisait d'ailleurs ce passage des Misérables où Victor Hugo distingue entre les civilisés de la barbarie, qui à mots couverts vous expliquent pourquoi il faut se soumettre, et les barbares de la civilisation, les révolutionnaires, qui ont l'air mal élevé et ne respectent pas les codes de bienséance des belles personnes parfumées... De leur sang neuf, ils régénèrent un pays, font s'écrouler les institutions vermoulues. (C'est vrai que le le Hugo de Mélenchon est plus proche de Vallès que ne l'était l'original, qui n'était pas si véhément politiquement... Mélenchon a réinventé un Hugo d'extrême-gauche, un Hugo communard...)
Il faut bien comprendre ce qu'il y a derrière les apparences propres des membres de la nomenklatura. Quand ils s'adressent à vous, propres, aseptisés, depuis leurs plateaux télés dans des buildings sécurisés par quatre digicodes et trois cloisons de plexiglass, ils viennent vous inculquer ce qu'il faut croire sur le monde économique. Derrière leur pseudo-science et leurs savoirs d'experts, ils prêchent l'impuissance, la résignation, le dos rond... Entendons-nous bien : la résignation -pour les autres ! Parce que pour eux, c'est au contraire bombance, Byzance ! Leur problème, c'est de conserver un trésor de guerre pour tenir en cas de coup dur. C'est ça, le fin du fon de leur science économique : amasser des fortunes et faire honte aux ouvrières qui demandent 5% d'augmentation.
Ce qui les intéresse juste, c'est la perpétuation de leur système fondé sur la cupidité. Quand ils disent que le programme du Front de Gauche est irréaliste, il faut comprendre que pour eux, le "réalisme", c'est le maintien de leur position privilégiée. Celle-ci n'est pas foncièrement compatible avec la démocratie, ni avec l'exercice d'une politique digne de ce nom -si on entend que le politique part justement du refus de la fatalité. Si Sarkozy et Bayrou n'ont rien de mieux à proposer que de rembourser la dette, qu'ils laissent leur candidature à un gestionnaire envoyé par Bruxelles ! Qu'ils mettent à la tête des ministères une équipe de cost-killers Américains et pendant ce temps, qu'ils aillent à la pêche ! Qu'on installe un organisme de credit-revolving à Bercy. On y verra plus clair...
L'altermondialisme concret
Il y a dans tout cela une ambiance de fin de régime... La coupure entre les gens ordinaires et la nomenklature devient trop grande. Les médias n'arrivent plus à suivre. Ils ne sont plus en mesure d'informer sur les programmes politiques. Il faut faire le travail soi-même. A ne suivre le Front de Gauche que parce ce qu'en disent télés et journaux, on n'imagine pas à quel point ceux-ci ne voient les choses que par le petit bout de la lorgnette. Les courbes de sondage qui se croisent, la tambouille électoraliste, le "PMU politicien"... En revanche, ce que Mélenchon peut proposer sur le Maghreb, sur l'écologie, sur les relations avec les Etats-Unis, cela n'intéresse pas grand-monde. Ce qu'il dit pour régler nos conflits avec l'Algérie, en repensant une union autour de la Méditerranée ; l'inspiration qu'il puise dans les politiques du Vénézuéla, d'Uruguay, d'Équateur, qui s'est penché dessus ? Sa vision d'un altermondialisme concrêt ? Sa tentative pour concilier Marx et l'écologie ? La géothermie, l'exploration des océans ?... Qui a remarqué qu'il était bien plus au point sur l'écologie que tous les petits cadres donneurs de leçons d'EELV ?
Nous avons là une vision structurée de la France, de ses relations avec l'Europe, avec le nord de l'Afrique, avec le reste du monde, et personne ne va puiser dedans. Elle est pourtant à la disposition de tous, prête à entrer dans le débat public, à nourrir la réflexion commune. Elle n'appartient pas à son auteur, comme toute idée. N'espérez pas en entendre parler à une heure de grande écoute, ni dans un journal à gros tirage... Encore moins par les commentateurs spécialisés qui tiennent de prestigieuses rubriques dans les hebdos.
Les experts en communication sont des mercenaires fiables. Leur arme pour décrédibiliser le Front de Gauche : le dénigrement mou. Il n'en faut pas tellement plus pour se prévaloir d'une étiquette prestigieuse : analyste des médias, expert en communication, rhéteurs glacés... Ils dénigrent, font la fine bouche, jouent les gens sérieux, qui réfléchissent à froid... Regardez-les... Leur arrogance n'a d'égale que la médiocrité de leurs discours, pompeusement renommés "décryptages" -comme s'ils étaient en possession d'un code secret inacessible au commun des mortels. Il s'ensuit une dépolitisation de la vision de la campagne, bien faite pour plaire aux CSP+ gros lecteurs d'hebdomadaires, avides d'informations reposantes pour gens intelligents. Il est difficile de se faire une idée du pharisaïsme de ce monde-là ; il faut pour cela s'avaler la lecture de ces marchands de poudre de Perlimpinpin. Le Nouvel Obs en a manifestement une bonne brochette à sa disposition, du jeune universitaire, fondateur et seul membre d'un "observatoire de la gauche radicale", aux divers mâles alpha de cabinets marketings, qui sont là juste pour rassurer Jean-Claude Dupont, cadre supérieur, en lui disant ce qu'il a envie d'entendre : vote utile ! Il y a quelque chose de comique à voir l'ex organe officiel du mitterandisme rameuter en urgence sa clique d'experts pour déprimer, décourager, accabler les électeurs du Front de gauche... alors même que ce Front défend un socialisme comparable à celui du programme commun de 1981, celui de Mitterrand ! Oui, on sent qu'il faut sortir la grosse artillerie pour endiguer la fuite au-delà du mur de fer hollandiste...
Ils n'y vont pas frontalement, ils s'y prennent de biais, en accordant tout ce qu'on voudra au Front de Gauche, que ce sont des propositions généreuses, que Mélenchon est un tribun populaire, qu'il a de la verve (signe que, au passage, ces discours professionnels l'envient énormément pour son talent et son succès) - tout cela et plus encore, pourvu qu'au bout du compte, on admette que c'est un programme inapplicable, qui ruinerait l'État en moins de deux... Ils sont là pour faire insidieusement peur, pour saper, pour travailler au corps Populo, qu'une fois dans l'isoloir, il se dise : "Allez, j'arrête ! Mélenchon, je t'aime bien. Tu nous a fait rêver, tu nous a parlé du temps des cerises et de fraternité universelle... Je t'aime bien franchement mais voilà, on a besoin de quelqu'un de réaliste comme Hollande pour gouverner". Ils préparent le grand accablement qui va nous tomber dessus au mois de mai. Mais je suis bien tranquille : maintenant, leur mécanique est grippée. Avant, plus ils parlaient, plus ils confortaient leur système de domination. Aujourd'hui, le mouvement contraire se produit : plus ils sont durs, plus la résistance se fortifie. Ils vont devoir changer leur stratégie. Accabler ne suffira plus, il va falloir récupérer le mélenchonisme. C'est à ce moment-là que le Front de Gauche va devoir serrer les rangs, à l'heure où il sera possible d'aller à la gamelle. Attention donc à d'éventuels nouveaux Eric Besson !
Les philistins de gauche
C'est la victoire programmée des philistins de gauche : plus aucune sensibilité à l'esprit de 1789, au souffle porté par un peuple qui se retrouve... C'est le triomphe de l'opinion social-libérale comme parachèvement de la France et de l'Europe. L'esprit d'insoumission véhiculé par la littérature réduit à de l'ironie de loser qui se croit lucide sur le monde et s'y résigne d'autant mieux. Face à cela, face au dégoût que suscite cette sale gauche, cette gauche de soumission, cette gauche - serpillère (dixit Frédéric Lordon), l'élan impulsé par le Front de gauche tient du miracle. Ça semble sorti de nulle part et en même temps, rétrospectivement, on attendait que ce mouvement vienne combler un grand vide qui s'est creusé depuis presque trente ans.
Au moment où j'écris, Mélenchon est en train de traverser la France, de tracer une ligne rouge qui passe par Vierzon, Limoges, Toulouse, Marseille. C'est comme une déflagration... En route pour la Méditerranée, pour le grand Sud ! Thalassa, thalassa !... L'Europe retient son souffle... Tiens, les Français se réveillent... Ils ne se laissent pas faire, ils arrêtent de croire que c'est mieux ailleurs... Et si on les imitait ? Si on s'assemblait tous pour renverser le colosse de la finance, maintenant que nous savons qu'il a des pieds d'argile ?
Bien sûr, les éditorialistes, les princes du commentaire politique, les marquis de l'actu , ils ricanent et ils rient jaune... Ils ne savent plus vraiment rire, d'ailleurs ; ils sont crispés, figés dans leur rictus. Ils ont oublié comment être heureux, généreux, simple, vivant... A la place, ils ont le recul critique, l'ironie, les blagues, les petites formules précieuses... Voyez, ils ont l'air exsangue, blâfard, un peu coincés, sortis de la même boîte de conserve... Des gens trop intelligents qui n'entendent plus le bruit et la fureur des "idiots" de gauche, c'est à dire ceux pour qui la gauche, c'est la gauche, et pas le centre-droit light. C'est idiot mais c'est comme ça.
"Viennent le temps des cerises et les jours heureux". Qui aurait cru qu'on pourrait encore formuler un tel souhait ? Mais il n'y a même pas à souhaiter. Germinal, c'est en ce moment ! L'espoir renaît déjà, nul besoin d'attendre. Les jours heureux sont déjà là, et nos coeurs sont des cerises écarlates ! On n'a pas besoin d'indice du bonheur, on a besoin d'en parler, c'est tout ! Il n'y a pas tant à refonder la politique, comme le promettent tous les quatre matins les politologues (dont c'est le métier) mais à l'exercer, à l'exprimer, à la discuter. La gauche reprend des couleurs. Nous sortons de l'apathie politicienne. Nous nous rendons compte à quel point c'est difficile, humainement, de vivre sans aucune sorte de foi ni d'espoir, combien on nous a miné le moral, en nous disant que tout idéal était voué à virer au robespierrisme, au soviétisme !
Mélenchon a eu l'insigne mérite de rappeler que la République s'inscrit dans l'Histoire, qu'elle n'est un régime idéologiquement neutre, en quoi elle fait échec à l'anhistoricisme apolitique véhiculé par le monde libéral. Le mal moderne, comme l'a dit Bernanos, c'est bien l'indifférence. L'indifférence qui use les coeurs, épuise les énergies, entretient cette indifférente médiocrité, paresseuse et satisfaite... Les louanges adressées par la droite à Mélenchon sont peut-être bien sincères, qui sait : le candidat du Front de Gauche, en ranimant des clivages franchement partisans, en ressuscitant la gauche d'avant 1981, la gauche encore de gauche, a fait un bien fou à tout le monde, et indirectement à ses ennemis, qui retrouvent un sens à leurs valeurs et à leur combat... Une cure de gauche fait un bien fou à tout le monde.
"Viennent les jours heureux..."
La victoire du Front de Gauche est incertaine mais l'élan qu'il a ranimé, lui, ne s'éteindra pas de sitôt. En quoi il a déjà gagné.
A mon avis, il n'y a rien de bien exaltant à attendre de l'élection... Au mieux, ce sera mieux que si c'était pire... On va surveiller le score de Mélenchon, qu'il monte aussi haut que possible... Toute l'énergie de ce nouveau front populaire peut irradier dès maintenant la société, sans attendre les élections. Inutile de nous tourner vers l'avenir. Nous sommes déjà en train de reprend pied dans le présent. Nous n'avons pas besoin d'optimisme, mais d'espoir. La gauche de gouvernement ne fera pas de miracle. En revanche, nous, nous pouvons le faire ; nous en avons déjà accompli, des miracles, en refusant la fatalité inculquée pendant des années. N'attendons pas notre salut des politiciens de gauche, mais de ce qui rayonne autour d'eux, de ces forces qui leur échappent largement, qui se répandent et les dépassent... Commençons par ouvrir les fenêtre, purifier l'atmosphère... Rendez-vous compte : nous avons survécu à cinq ans de sarkozysme ! Comme disait l'autre : tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort... Vous allez la voir enfin partir, cette clique ignoble, ces Guéant, Gaino, Lefebvre, Besson, Hortefeux, déguerpir en pagaille, comme des vampires que la lumière chasse... en attendant la vengeance par la prochaine génération des Copé, comme dans un bon vieux film d'horreur... Leur entreprise strictement clientèliste va en prendre un coup, ça va être beau à voir.
Au fond, l'adhésion aux idées du Front de gauche, même comme simple sympathisant, serait un choix moral face à la vulgarité d'une époque. Une façon de s'élever au-dessus de sa condition de petit-bourgeois ironique, narcissique et indécis, spectateur de Canal+ à l'esprit critique intermittent. Retrouver une saine virilité, faite de colère et de rires, de mauvaise foi aussi mais surtout de cette volonté de ne pas finir comme un salaud. Et en-deça même de l'aspect moral, il y aurait un choix esthétique face à ce qu'est devenu "l'Occident" - un monde de laideur, blême et sûr de lui, celui des pharisiens de l'économie, sinistres comme des sépulcres blanchis.
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