L’hommo-créator
Dans la brise du matin, le bruissement des palmes vibre l’air d’un cliquetis d’étoffe rigide. Les martins croassent et dans le lointain, le vrombissement d’un hélicoptère annonce le départ des riches touristes vers le massif du volcan. L’hiver austral a posé sa fraîcheur sur le parc. Le temps est suspendu au réveil de la ville. L’odeur du café ramène à soi et, peu à peu, la conscience perce la ouate de l’habitude de vivre. Qui suis-je ?
Je ne suis pas ce corps dont quelques heures auparavant, dans l’oubli du sommeil, je n’avais qu’une inconscience résiduelle. Je ne suis pas mes peurs qui s’évanouissent par instant pour mieux revenir m’assaillir. Je ne suis pas mes pensées qui me traversent en fulgurance avant de retourner d’où elles sont venues. Je ne suis pas mes sentiments qui ne cristallisent en « réalité » que sous la pression d’un mental assoiffé et insatiable.
Pourtant derrière la fenêtre de mes yeux, de mes oreilles, de mon odorat, de mon goût et de la sensation de mes doigts sur le clavier patiente l’Etre, dont l’attention inconditionnelle prouve la vigilance et suggère la présence légère. La ténuité de l’Etre et son effacement amoureux dans ce que nous nommons « la vie humaine » nous caresse avec une telle permanente douceur qu’il n’est possible de l’entendre que dans l’absolue paix du cœur et le renoncement à la volonté du mental.
L’Etre que nous sommes en Vérité, établi dans sa parfaite immortalité, n’est pas pressé ! Se sachant créateur, il infuse d’amour chaque goutte d’eau pour dissoudre le granit le plus dur. La coquille commence à fendre et de l’intérieur de l’œuf, la lumière transpire déjà. Les rats, éclairés par l’aurore naissante deviennent progressivement visibles et paniquent devant la conscience de leur enfermement et le dévoilement de leur forfaiture. Mais la lumière brille pour tous. Ils pourront eux aussi, sans doute, renoncer à leurs peurs et à leur parasitisme pour s’établir dans l’opulence infinie de leur divinité créatrice.
L’énergie libératrice vient de la connaissance de notre nature première. Nous ne sommes ni rat, ni chat, ni mouton, ni loup. Nous sommes l’Hommo-créator, fidèle reflet, dans le miroir de la matière, de l’Absolue Conscience. Aucune autorité extérieure ne prévaut sur lui sauf à ce qu’il abdique sa couronne. Toute l’astuce des parasites, qui sont aussi et malgré tout les catalyseurs de notre dévoilement, a été de lui masquer cette Vérité. Chacun et tous, nous sommes à la fois la créature et le créateur. Aucune occurrence n’est externe. Rien de ce qui advient ou de ce qui est créé n’est autre qu’un plan conçu par notre essence individuelle pour faire briller la lumière de la conscience et révéler la puissance de l’Esprit. Chaque leçon de vie est choisie par notre Etre pour donner à l’animal-égo l’opportunité de Voir et établir ici et maintenant, la concrétisation de son plein potentiel. Chaque rencontre, de la plus douce à la plus violente, est une coopération fraternelle pour faire advenir La Vérité : nous sommes individuellement l’autorité suprême. Il n’y a rien au dessus, rien à prier, rien à supplier, rien à espérer, rien à servir que notre Etre.
Toute délégation de pouvoir est abandon de Soi. Renoncer à être le souverain de notre vie et le maître de notre destiné c’est renoncer à notre projet d’incarnation et donc à appeler la mort. L’unique fonction de cette infinie mascarade cyclique des réincarnations est de lasser notre patience d’ange afin de nous forcer nous même à nous souvenir de notre puissance de Feu et de notre expérience d’éternité.
Ancrer par la peur une autorité à l’extérieur de Soi, comme l’établissent les hiérarchies sociales, politiques, militaires ou religieuses, distille le poison insidieux de la perte de conscience et de l’abandon de responsabilité. L’autonomie naturelle de l’humain est ainsi dévoyée rendant difficile voir impossible toute coopération qui n’advient que dans un rapport d’échanges justes et équilibrés. Ainsi la division, la soumission et le renoncement deviennent la norme. Ainsi la séparation d’avec notre Etre est maintenue et le sceau de l’oubli, scellé.
Dés la naissance, l’enfant humain est formaté à l’impuissance et à la résignation. Elles tissent un voile devant la conscience de sa vraie nature omnipotente et dessinent déjà le chemin de sa déchéance future. Elles contraignent l’incorruptible puissance de l’Etre à jouer le scénario de la passivité écrit par les usurpateurs. Cette désorientation volontaire de la conscience humaine sert des intérêts étrangers. L’abandon de Soi devient un mode de vie. La résignation et la fatalité sont érigées en dogmes. La séparation du Ciel et de la Terre assure la division du royaume et programme la fin de la partie.
Se tenir debout, sans filet, sans assurance, sur le fil de sa vie, force à la vigilance. Cet acte volontaire d’attention rouvre la porte de la communion avec Soi. Les réponses sont alors claires et sont celle de l’autorité suprême, hors de tout compromis. Sûr de son immortelle puissance et de son abondance infinie, l’homo-créator est alors un roi magnanime, un juge impartial, un amant attentif. L’autorité suprême ne s’immisce que dans ce qui la concerne, au moment présent et avec la précision du scalpel. La présence à l’instant est gage d’éternité.
La lumière vive du soleil évapore maintenant les gouttelettes de rosée. La conscience de la souveraineté s’estompe comme s’estompent les étoiles derrière le bleu du ciel. Le tohubohu de la cité des fous reprend peu à peu ses faux droits et m’entraine dans son sillage anarchique. Je garde en mantras le secours de la devise de notre île : « je fleurirais là où je serais porté » !
Erik Gruchet , Saint Pierre le 9 juillet 2012
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